Convertir des églises en mosquées: Mahomet, Jésus, même combat?


Convertir des églises en mosquées: Mahomet, Jésus, même combat?

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Nous étions deux mille dix ans après Jésus-Christ, et toute la Gaule était occupée par les musulmans. Toute ? Enfin, un quartier, celui de la Goutte d’or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Saturée par les fidèles avoisinants, la mosquée de la rue Myrha débordait de musulmans en prière dans les rues, qui interrompaient la circulation. Les images interpellaient, frappaient ou choquaient. C’est alors que le sage Christophe Barbier, icône de la gauche cachemire, proposa une solution toute trouvée, lors de la divine liturgie du Grand Journal, sur Canal+ : « Pourquoi dans un geste œcuménique, on ne partagerait pas [avec les musulmans] le Sacré Cœur qui n’est pas loin et où à certaines heures, notamment le vendredi après-midi, dans le culte catholique, il ne se passe pas grand-chose ? » Outre que le terme d’« œcuménisme », la recherche de l’unité entre dénominations chrétiennes, était inapproprié, cette solution suscita l’ironie du site musulman « Trouve ta mosquée », qui fit remarquer qu’il y avait déjà des offices à la basilique le vendredi.

Cinq ans plus tard, lundi 15 juin, un autre aristocrate médiatique, le recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur communie lui aussi à ce simplisme. Pour pallier le manque de mosquées, il suffirait d’offrir aux musulmans de prier dans les églises vides du blanc manteau qui recouvre la France. « C’est le même Dieu, ce sont des rites qui sont voisins… je pense que musulmans et chrétiens peuvent coexister », fait-il valoir, au micro d’Europe 1. C’est donc lui, la façade officielle de l’islam en France ? Celui qui devait réfuter les thèses de l’État islamique, Coran en main ? En écoutant cette malhonnêteté intellectuelle et théologique, on comprend mieux pourquoi il n’a pas été mis en avant.

« Même Dieu » ? Cette affirmation est très répandue chez les musulmans, qui n’ignorent cependant pas que les chrétiens, en professant le dogme de la Trinité, sont des « associateurs ». Ils commettent le grave péché d’adjoindre à Dieu, l’Unique, des auxiliaires. De leur côté, les chrétiens croient que Dieu est un en trois personnes, mystère qui n’a pas fini d’être compris, mais qui éclaire la vision humaine d’un être en perpétuelle relation. Chesterton écrivait que, comme l’homme créé à son image, « il n’est pas bon que Dieu soit seul. » Cette proximité chrétienne avec un Dieu « fait homme » est étrangère à l’islam. Le Dieu musulman est transcendant, mais lointain, inaccessible. « Je ne pouvais pas dire ’je t’aime’’ à Dieu, il n’y a pas d’intimité en islam », témoigne à qui veut l’entendre le dynamique Saïd Oujibou, musulman converti au christianisme, et devenu pasteur évangélique.

Pas le même Dieu, donc. A défaut, Boubakeur aurait pu utiliser une autre formule syncrétiste, quoiqu’un peu surannée : « nous sommes tous fils d’Abraham ». Il a eu raison de ne pas le faire. L’Ibrahim du Coran n’est pas l’Abraham de la Bible. Nulle mention de son déplacement, à l’appel de Dieu, d’Ur à Canaan. Nulle alliance conclue entre Dieu et son peuple, futur Israël. Nul marchandage, entre Abraham voulant épargner Sodome et Dieu se laissant attendrir. C’est Ismaël, prophète en islam, et non Isaac, le patriarche hébreu, qui est menacé d’être immolé par son père.

Navré pour les tenants du vivre-ensemble, il faut se rendre à l’évidence : les religions monothéistes ne confessent pas « le même Dieu », qu’ils déclineraient selon divers degrés. Cela n’empêche pas le dialogue et la cohabitation. Au contraire, assumer leurs différences, dans un esprit de vérité, est salvateur intellectuellement, et humainement. Les musulmans n’en respectent que davantage les chrétiens qui connaissent leur religion, et l’affirment avec conviction. C’est sur cette base solide que peut se tisser un dialogue interreligieux, et non sur les fondations croulantes des bons sentiments.

Finalement, c’est hors du dialogue interreligieux qu’il faut trouver l’origine de l’ineptie de Boubakeur. Faute de pouvoir fédérer les musulmans, il fait dans la démagogie politique. Le recteur de la Mosquée de Paris, brillant et mondain, n’en reste pas moins discrédité aux yeux de ses coreligionnaires. Tout comme le sympathique mais marginal imam de Drancy, Hassen Chalghoumi. C’est une faute de la part des précédents gouvernements d’avoir promu cet homme de paille. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, l’a nommé à la tête du Conseil français du culte musulman (CFCM) en dépit de l’opposition des musulmans eux-mêmes. Le journaliste Samuel Pruvot rapporte que l’actuel président des Républicains aurait lancé : « Boubakeur passe bien dans l’opinion, il est ami du Crif, la communauté gay le trouve bien, les francs-maçons n’ont rien à redire… Si vous, musulmans, vous ne l’aimez pas, cela n’est pas mon affaire ! »

Une bonne décennie après le lancement du CFCM, le rêve de donner une façade officielle à l’islam a vécu. Un islam qui n’est pas un bloc homogène, prompt à se diviser entre mosquées turques et maghrébines, entre courants contradictoires, dépourvu de clergé, et dans l’impossibilité de s’accorder sur l’interprétation du Coran. Un islam dont il est cependant vain de nier la présence en France. Même s’il est naïf de croire que le fondamentalisme n’est prêché que dans les caves, et jamais dans des mosquées en dur, il est nécessaire de permettre aux Français musulmans de pratiquer leur culte dignement, sans pour autant construire des « mosquées-cathédrales » aux minarets aussi kitsch qu’inutiles. Leur participation à la France passe par davantage de patriotisme, et d’acceptation de leur part des fondamentaux de la République, comme le droit de changer de religion, mais également par leur liberté de vivre sereinement leur foi. La nouvelle instance de dialogue avec l’islam créée par le gouvernement, qui remplace de facto le CFCM, est imparfaite, mais a le mérite de sortir de l’illusion d’un islam clérical officiel avec qui s’entretenir. Reste aux responsables de cette structure à exiger des musulmans la réciprocité à la reconnaissance et aux aides qu’ils ne manqueront pas de demander.

Les Français musulmans méritent des mosquées dignes. Ainsi que de meilleurs représentants.

*Photo : Wikipedia.org



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