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L’immigration, la science et les gardiens du temple médiatique

Retour sur le fameux Complément d'enquête, "Des infos ou désinfo ? La méthode CNews"


L’immigration, la science et les gardiens du temple médiatique
Le député RN Philippe Ballard (à gauche) a répondu aux questions de Tristan Waleckx sur France 2, qui prétend que la chaîne CNews fait de la "désinformation". Capture France TV.

Dans le « Complément d’enquête » qui a fait couler tant d’encre, France TV a prétendu dénoncer la « méthode CNews » en s’appuyant sur la science. Enfin, sur ce qu’elle appelle, elle, la science… Selon la télévision publique, l’absence de lien entre délinquance et immigration ferait l’unanimité parmi les scientifiques. En réalité, la synthèse du CEPII s’appuie sur seulement quatre études étrangères.


Aucun doute, la guerre est déclarée entre l’audiovisuel public, payé par tous les Français, et CNews, chaîne privée appartenant au groupe Bolloré. Le succès de cette dernière agace au plus haut point la présidente, les directeurs et les journalistes vedettes de France TV, tous très généreusement rémunérés avec l’argent de contribuables qui préféreraient que leurs impôts servent à autre chose qu’à maintenir un service public qui leur dit ce qu’ils doivent penser.

Label rouge

Selon les critères d’Emmanuel Macron et de Reporters sans frontières, le dernier Complément d’enquête sur CNews diffusé sur France 2 cochait toutes les cases d’une information fiable, issue d’un travail journalistique rigoureux, présentée par un journaliste d’une totale honnêteté intellectuelle. Selon les critères du commun des téléspectateurs clairvoyants, il a été l’illustration parfaite de ce que l’oligarchie politico-médiatique attend des médias qui rêvent d’être « labellisés » par cette dernière, à savoir un journalisme à la botte du pouvoir socialo-macroniste, prêt à tout pour museler les voix dissidentes.    

Au cours de ce reportage grossièrement à charge, un mot magique, censé clore le débat sur le lien entre délinquance et immigration, sujet trop souvent abordé sur CNews selon France TV, jaillit à plusieurs reprises de la bouche des gardiens du temple médiatique. À la trentième minute de cette invraisemblable enquête sur CNews, une voix off affirme que « le lien de causalité entre étrangers et insécurité n’existe pas. Et c’est la science qui le dit. Le CEPII a recensé tous les travaux sur le sujet. D’après lui, les études concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance. » Une demi-heure plus tard, face au député RN Philippe Ballard, Tristan Waleckx assène la même assertion : « Il y a des études scientifiques, c’est le CEPII, ce sont des économistes qui ont fait une compilation de toutes les études qui existent sur le sujet et qui concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance. » Condescendant, Tristan Waleckx déclare alors à Philippe Ballard qu’il y a « une différence entre le ressenti, le “doigt mouillé” et la science. » 

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Avant de disséquer le travail « scientifique » auquel Tristan Waleckx fait référence, rappelons que ce journaliste est diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille. Cela n’est pas anodin. Cette école se veut à la pointe du combat pour l’inclusion et la diversité ; elle est « le symbole du formatage idéologique des apprentis journalistes et le temple du “politiquement correct” le plus impeccablement sourcilleux[1] ». Les étudiants de l’ESJ lilloise affirment à 87% voter pour la gauche et l’extrême gauche. Nombre d’enseignants qui y dispensent leurs cours sont issus des principaux médias mainstream (Le Monde, France Info, France 2, l’AFP, France 3 Alsace, etc.) Bref, cet établissement produit « à la chaîne des petits soldats interchangeables au service d’une information corsetée, contrôlée » et très certainement prochainement « labellisée » par leurs prédécesseurs promus au rang de commissaires politico-médiatiques.

France TV

Revenons à notre sujet principal. Le CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) est un service gouvernemental rattaché au Premier ministre. Le rapport dont fait état Tristan Waleckx date d’avril 2023. Élisabeth Borne était alors en poste à Matignon. Elle n’attendait vraisemblablement pas d’un rapport sur l’immigration et l’insécurité issu d’un de ses services qu’il dise autre chose que ce qu’affirmaient à l’époque son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et surtout son ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti : l’insécurité est un « sentiment », la submersion migratoire est un « fantasme », établir un lien entre les deux relève de la « désinformation » et fait le jeu de qui vous savez. Les économistes Arnaud Philippe et Jérôme Valette, auteurs du rapport en question, sont censés avoir scientifiquement prouvé la véracité de ces allégations. Voyons un peu à quoi ressemble ce travail titanesque et d’une extraordinaire rigueur vanté par les journalistes de la télévision publique.

Curieuse unanimité

Ce dossier « scientifique » a recensé, selon Tristan Waleckx, « toutes les études sur le sujet », et celles-ci auraient « conclu unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance ». Étonnamment, ce dossier exceptionnel ne fait que quatre courtes pages. Il faut dire qu’il ne repose que sur quatre études relatives à l’immigration au Chili et aux États-Unis (1986-2004), au Royaume-Uni (1997-2008) et en Italie (1990-2003) – Tristan Waleckx a donc menti en parlant de… « toutes les études sur le sujet ». Par ailleurs, les périodes analysées remontent à deux voire trois décennies et les pays retenus présentent naturellement des spécificités – importance de l’immigration légale et illégale, origine des immigrés, etc. – qui interdisent les analogies avec l’immigration propre à la France, immigration qui provient à près de 60% du continent africain et a pris des proportions considérables ces dix dernières années. De toute évidence, comme cela arrive trop souvent lorsque l’idéologie domine la recherche, MM. Philippe et Valette connaissaient la conclusion de leur « travail » avant même de s’y atteler – ne leur restait plus qu’à trouver les quelques travaux allant dans leur sens ou pouvant se prêter à des contorsions interprétatives aboutissant à un résultat sonnant comme un slogan: il n’y a aucun lien entre la délinquance et l’immigration en France.      

Torsion de la réalité. Si les auteurs dudit rapport sont obligés de reconnaître que « la surreprésentation des immigrés dans les statistiques [sur la criminalité] se retrouve dans la plupart des grands pays d’accueil »etque, pour la France,« la proportion d’étrangers dans la population totale était en 2019 de 7,4 %, mais s’élevait à 14 % parmi les auteurs d’affaires traitées par la justice, à 16 % dans ceux ayant fait l’objet d’une réponse pénale et à 23 % des individus en prison » [c’est près de 25 % en 2025], ils affirment cependant que plusieurs raisons peuvent expliquer cela. D’abord, les jeunes hommes sont surreprésentés dans la population immigrée et sont plus pauvres que les natifs, ce qui les rendrait « plus susceptibles d’être en infraction avec la loi ». Curieux raisonnement. Quoi qu’il en soit, il y aurait donc bien un lien, même ténu, entre immigration et délinquance – oui, mais cela est la faute du pays d’accueil, en particulier pour les « atteintes aux biens » qui sont « uniquement dues à une exclusion [des immigrés] du marché du travail ». Ensuite, « la surreprésentation des immigrés dans les statistiques de délinquance ne peut être comprise qu’à l’aune du traitement différencié que subit cette population à toutes les étapes du système pénal : de la probabilité d’arrestation à celle d’être incarcéré ». En clair, les immigrés seraient plus souvent contrôlés, plus souvent arrêtés et plus sévèrement punis que les Français pour des infractions similaires. L’idéologie contre le réel – MM. Philippe et Valette ne suivent pas l’actualité ou habitent sur la planète Mars pour sortir de telles énormités. 

Enfin, expliquent-ils, si les Européens en général et les Français en particulier pensent qu’il y a un lien entre la délinquance et l’immigration, c’est surtout la faute des… médias qui traiteraient « de manière différente la délinquance d’origine étrangère et celle des natifs ». En Suisse, au moment du référendum sur la construction des minarets, c’est le traitement médiatique de la délinquance en fonction de l’origine du suspect qui, selon eux, aurait abouti à la victoire du « contre ». Puisqu’on vous dit que c’est scientifique… 

Perceptions, dites-vous…

La conclusion de ce document supposément scientifique est un parfait échantillon de la propagande immigrationniste chère à François Héran, Hervé Le Bras ou Éric Dupond-Moretti. Pour en souligner la fourberie, citons-là entièrement : « L’immigration mérite un débat à la hauteur des enjeux et des inquiétudes qu’elle suscite. Cependant, il n’y a pas de raisons de centrer cette discussion sur la délinquance. Si la surreprésentation quasi-mécanique des immigrés dans les statistiques et les biais médiatiques peuvent créer l’illusion d’une relation entre immigration et délinquance, les études montrent qu’il n’en est rien. Ce n’est pas le fait d’être immigré en soi qui conduit à plus de délinquance, mais des caractéristiques qui, lorsqu’elles se retrouvent chez des natifs, conduisent également à plus de délinquance. Quant au faible effet de l’immigration sur les vols, il peut être résorbé par des politiques favorisant l’intégration économique des immigrés sur le territoire national et notamment leur accès au marché du travail. Un traitement plus équilibré de l’information relative à la délinquance, selon l’origine nationale ou étrangère des suspects, permettrait également de rendre les perceptions plus proches de la réalité. » Cette prose artificieuse ne résulte pas d’un travail scientifique, inexistant en l’occurrence, mais d’une approche idéologique en faveur de l’immigration. Elle mérite un SIC d’or pour son involontaire mise en évidence du procédé orwellien de manipulation de la réalité et d’officialisation du mensonge qui infecte les organes gouvernementaux et les médias de l’audiovisuel public.  

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Car la réalité, implacable, dément ces contre-vérités. À l’inverse de la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Danemark, les Pays-Bas ou la Suisse publient des chiffres extrêmement précis de la criminalité par nationalité ou par origine. Dans ces pays, une même conclusion s’impose : les étrangers et les personnes issues de l’immigration extra-européenne sont surreprésentés dans les agressions physiques et sexuelles, les vols, le narcotrafic. Cela n’a fait que s’amplifier ces dernières années. En Allemagne, en 2023, la police a recensé 923 000 délinquants présumés d’origine étrangère, soit 41 % de l’ensemble des suspects appréhendés. La ministre de l’Intérieur, la sociale-démocrate Nancy Faeser, prônait alors la tolérance zéro et affirmait vouloir obliger tous les délinquants étrangers à « quitter l’Allemagne ». De son côté, le gouvernement français répugne à publier des statistiques complètes et précises sur la criminalité, en particulier la nationalité ou l’origine des délinquants. Pourtant, selon le ministère de l’Intérieur, 93% des vols et 63% des agressions sexuelles dans les transports en commun en Île-de-France sont commis par des étrangers. Les violences sexuelles dans ces espaces ont augmenté de 86% en dix ans. Le phénomène se répand sur tout le territoire. Il serait également intéressant de connaître la proportion des Français issus de l’immigration impliqués dans des affaires d’agressions physiques et sexuelles, de vols, de refus d’obtempérer, de trafic de drogue, etc. Aux Pays-Bas, des statistiques complètes sont réalisées et publiées : alors que les personnes issues de l’immigration « non-occidentale » représentent 14% de la population, elles comptent pour 35% dans les infractions sexuelles, 40% dans les agressions physiques, 40% dans le narco-trafic, 60% dans les vols violents. Idem au Danemark où les immigrés et leurs descendants (= enfants) représentent 40% des condamnations pour homicides, viols et vols alors qu’ils ne représentent que 12% de la population[2]. Il est à craindre qu’en France les chiffres soient similaires, voire plus inquiétants encore. Difficile de le savoir : les pouvoirs publics ne donnent que peu d’informations et, à l’inverse de ce qu’affirment les auteurs du CEPII, les médias dominants rechignent à dire la vérité sur cette nouvelle criminalité et à montrer la réalité, quand ils ne la déforment pas – il suffit de se remémorer de quelle manière ont été traitées les affaires concernant Lola, Thomas, Philippine ou Élias, et de quelle façon ont été présentées celles concernant Adama Traoré ou Nahel Merzouk et les émeutes qui ont suivi, pour comprendre de quoi il retourne. Vaste sujet qui mériterait pour le coup un véritable… complément d’enquête.

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[1] Xavier Eman, Formatage continu, Tour de France des quatorze principales écoles de journalisme, préface de Claude Chollet (L’Observatoire du journalisme), 2024, La Nouvelle Librairie.

[2] Ces chiffres sont extraits des différents dossiers présentés par le data-analyste Marc Vanguard sur son site web. Les nombreuses données récoltées et analysées par ce dernier sont issues des ministères, des différents services gouvernementaux ou des organes de la statistique officiels de chacun des pays concernés. Rien à voir, donc, avec le travail « scientifique » des économistes du CEPII…       




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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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