Dans la nuit du mercredi 12 au jeudi 13 novembre, Donald Trump a promulgué la loi mettant un terme à la paralysie budgétaire qui durait depuis 43 jours. Après cet interminable bras de fer politique, comment les marchés financiers vont-ils se redresser ? Analyses et perspectives.
Après que le Sénat a voté le maintien du financement du gouvernement fédéral jusqu’au 30 janvier, le plus long “shutdown” de l’histoire des États-Unis semble devoir s’achever dans un murmure. La Chambre des représentants doit se prononcer sur le projet de loi dès mercredi, tandis que le président Donald Trump a déjà proclamé « une très grande victoire ». Il reste toutefois difficile de savoir si quelqu’un a réellement gagné quoi que ce soit.
Rattrapage des salaires
Du côté positif pour la consommation américaine, le texte du Sénat garantit le versement rétroactif des salaires aux employés fédéraux mis en congé forcé et annule les licenciements décidés au début du shutdown, en gelant toute nouvelle suppression de postes au moins jusqu’au 30 janvier. Cependant, l’économie américaine montrait déjà des signes d’affaiblissement dans certains secteurs clés avant la fermeture, et l’absence de données actualisées a brouillé le tableau. Le rapport sur l’inflation (CPI) du mois d’octobre a bien été publié à temps, mais l’incertitude demeure concernant la mise à jour prévue pour le 13 novembre, tandis que les retards sur les statistiques d’emplois non agricoles de septembre et octobre continuent d’obscurcir la dynamique de croissance.
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Anatole Kaletsky, mon collègue, estime que le shutdown a peut-être masqué une faiblesse sous-jacente du marché du travail américain. Les indicateurs du secteur privé, tels que l’augmentation des licenciements annoncés par Challenger ou la forte baisse de l’indice des services de ressources humaines et d’emploi du S&P 1500, pointent clairement vers un mauvais chiffre de l’emploi, voire une contraction, ce qui pourrait provoquer un bref accès d’aversion au risque sur les marchés. À l’inverse, si les données concordent avec les signaux plus robustes des ventes de détail Redbook et de l’indice ISM des services, confirmant la poursuite de la création d’emplois, les investisseurs devraient accueillir leur publication avec sérénité.
Autres dossiers en attente
La liquidité devrait s’améliorer à mesure que le gouvernement rouvre. Après que la loi One Big Beautiful Bill Act a relevé le plafond de la dette en juillet, le Trésor a reconstitué sa réserve de liquidités à environ 950 milliards de dollars, mais a continué de conserver un excès de trésorerie. Le shutdown a pu retarder certains paiements, de sorte que la reprise des décaissements pourrait réduire le solde du Trésor et réinjecter de la liquidité dans le secteur privé. Cette dynamique contribue à expliquer la récente hausse des actions américaines et de l’or, ainsi que l’affaiblissement du dollar à l’approche de la réouverture. Le recul du taux de financement garanti au jour le jour (SOFR) indique lui aussi une diminution des tensions sur la liquidité des marchés monétaires.
La question clé est de savoir jusqu’où cette réserve de trésorerie va diminuer. Le Trésor a récemment reconnu détenir un excès de liquidités et s’est engagé à réduire ses emprunts pour faire baisser le solde. S’il atteint son objectif de 850 milliards de dollars, environ 100 milliards afflueraient vers le secteur privé. Un retour à son repère d’un “débit d’une semaine”, conforme à son objectif post-2016, impliquerait une injection plus importante, de l’ordre de 200 milliards.Toutefois, ce surcroît ponctuel de liquidité ne devrait pas modifier de manière significative les perspectives concernant le bilan de la Réserve fédérale.
Avec la résolution du shutdown, le Congrès peut maintenant se concentrer sur d’autres dossiers en attente. Les élus doivent encore négocier une prolongation des subventions de l’Affordable Care Act, un vote étant prévu pour décembre. Un autre point essentiel est la réautorisation de l’International Development Finance Corporation (DFC), qui a des implications macroéconomiques importantes. La DFC a été suspendue lorsque la loi BUILD a expiré le 1er octobre, sa reconduction ayant été retardée par le shutdown. Durant cette suspension, le Sénat a confirmé Benjamin Black, fils du dirigeant de private equity Leon Black, au poste de directeur général.
La reconduction de la DFC est importante étant donné le projet de l’administration de l’utiliser pour financer des initiatives liées aux priorités de sécurité nationale. Par exemple, la DFC s’est engagée à travailler avec la société d’investissement Orion Resource Partners et avec ADQ, le fonds contrôlé par le gouvernement d’Abou Dhabi, pour investir dans des projets de chaîne logistique concernant des minerais critiques pour les États-Unis et leurs alliés. En résumé, l’impact économique principal du shutdown devrait se limiter à des distorsions temporaires des données, qui devraient rapidement disparaître. L’injection ponctuelle de liquidité liée à la baisse des réserves du Trésor, combinée au retour à un fonctionnement normal du financement public, devrait fournir un soutien à court terme aux marchés — du moins jusqu’au prochain épisode d’affrontement politique.




