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Djihadisme: les femmes, une nouvelle donne?

Scandale Salah Abdeslam : la petite copine et la clé USB de trop


Djihadisme: les femmes, une nouvelle donne?
Salah Abdeslam au tribunal à Bruxelles, 5 avril 2023 © Shutterstock/SIPA

Quelques jours avant le dixième anniversaire des attentats du 13 novembre, les Français apprenaient, médusés, que le dernier terroriste survivant Salah Abdeslam disposait d’un ordinateur en prison, qu’il s’était marié par téléphone avec une certaine Maëva B., elle-même radicalisée, que celle-ci avait pu lui faire parvenir de la propagande djihadiste sur une clé USB et que, désormais séparée de lui, elle nourrissait son propre projet d’attentat islamiste. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s’est dit sidéré.


La première affaire remonte au 17 janvier 2025. Salah Abdeslam, détenu dans la prison de Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, est accusé de « recel d’objet illicite » via une « potentielle clé USB » ayant permis, à partir de son ordinateur, des connexions à des fichiers ayant trait à des organisations comme l’État islamique ou Al-Qaïda. L’homme le plus dangereux de France est transféré dans un des quartiers de Haute Sécurité que vient de créer Gérald Darmanin. Près de dix mois plus tard, le 4 novembre 2025, le PNAT (Parquet national antiterroriste) entend à deux reprises le détenu, dans le cadre d’une garde à vue, à propos de « quatre » clés, connectées, entre décembre 2024 et janvier 2025, qui n’ont pas été retrouvées. L’amie (et ancienne « épouse ») de Salah Abdeslam qui le visitait au parloir, interrogée et mise en garde à vue, reconnaît avoir chargé de propagande islamiste une clé USB qu’elle a « fait remettre » à Salah Abdeslam au cours d’un parloir. C’est alors qu’on a aussi découvert une affaire dans l’affaire: celle de la menace imminente d’un attentat.

Pas de menace particulière

Au domicile de Maëva B., les enquêteurs de la Direction nationale de la police judiciaire, et la DGSI, enquêtant sur ses outils numériques, décèlent un projet d’action violente terroriste. Projet qui implique également un homme de 20 ans radicalisé, habitant en Isère, époux religieux de Maëva, avec velléités de rejoindre une organisation terroriste, ainsi qu’une adolescente de 17 ans résidant dans l’Hérault. Ce risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger est-il concomitant avec les commémorations des dix ans des attentats du Stade de France, des terrasses et du Bataclan ? « Pas de menace particulière, a estimé la chef de la DGSI, pour le 13 novembre ».

Et Salah Abdeslam, dans tout ça ? Son avocate et le PNAT notent qu’il n’y a pas d’éléments le reliant à ce projet d’attentat. Mais la chef de la DGSI précise bien que le terroriste « demeure radicalisé et convaincu de l’idéologie mortifère qu’il a suivi pendant des années ». Le PNAT a requis sa mise en examen et celle de son ex-compagne « pour recel d’objet illicite remis à détenu (la clé USB), pour complicité et association de malfaiteurs délictuelle de droit commun ». Maeva B. est mise également en garde à vue, d’une durée exceptionnelle de 96 heures, ainsi que deux autres individus. Si Salam Abdeslam ne semble pas impliqué dans le projet d’attentat, reste à savoir comment et pourquoi cette propagande islamiste est arrivée dans son ordinateur.

Sidération

Ces annonces ont plongé les Français dans la sidération. Comment tout cela est-il possible ? On posera ici des questions sans développer les réponses. Comment Salah Abdelsam pouvait-il être en possession d’un ordinateur depuis 2024 ? Réponse: l’obtention d’un ordinateur (avec accès à internet interdit) est rendue légale, depuis 2009, pour un détenu quand il en fait la demande. Les droits ? La CEDH qui nous gouverne contraint les États à bien traiter les détenus. Étant stricto sensu la privation de la liberté, la prison, est, à elle seule, pense la Cour, une sanction suffisante. C’est ainsi que les détenus doivent jouir de tous les droits dont celui de « se marier »  fût-ce par téléphone. Un criminel de grande envergure a même le droit d’entamer une « démarche de justice restaurative » comme vient de l’annoncer l’avocate d’Abdeslam exprimant le désir de son client « d’entrer en contact » avec les parties civiles.

Apparemment, les deux affaires – la clé USB et le projet d’attentat– sont distinctes. Salah Abdelsam n’est pas concerné ? Pas encore ? C’est là que je me suis souvenue du livre de Hugo Micheron Le jihadisme français et sa partie sur les prisons. On le sait, le jihad se poursuit en prison qui est, par excellence, un lieu de vie idéal, convivial et incubateur de la radicalisation. Salah Abdeslam allait-il avoir un rôle à jouer par l’influence qu’il pourrait avoir ? On sait comme les détenus islamistes acquièrent l’auréole du martyre en prison.

Drôle d’atmosphère

À la question que l’on se posait, il y a peu encore : le jihad est-il toujours dans une séquence « à marée basse de reconfiguration à bas bruit » ? on connaît la réponse. On dit « jihadisme d’atmosphère » pour signifier que c’est la société tout entière qui est concernée par la violence des actes et un « entrisme » au quotidien, en tout et partout, d’une rare intensité. Si le fameux colloque « sur la Palestine » du Collège de France a été annulé, et si la dame du perchoir proteste de sa fermeté à venir, les questions demeurent: comment le Collège de France en est-il arrivé là ? Comment des fillettes voilées sont-elles « entrées » récemment – quelle ironie !- » à l’Assemblée nationale pour assister à une séance ? Les élections à venir nous préparent de belles surprises. L’affaire présente montre exemplairement la montée en puissance de Daesh ou Al-Qaïda.

Faut-il voir, enfin, une nouveauté, comme certains le pensent, dans ce nouveau jihad, avec la présence des femmes ? À la différence d’Al-Qaïda, Daesh, « califat genré », accueillait, en son sein, les femmes, « génitrices des lionceaux à venir ». D’où la déstabilisation créée par un commando de femmes, à Paris, le 4 septembre 2016, près de Notre-Dame. Il y a peu, trois Françaises, âgées de 18, 19 et 21 ans, ont été écrouées par le PNAT, pour préparation d’un attentat terroriste dans des bars parisiens ou salles de concerts. Les femmes, disent les experts, sont plus tenaces et plus fiables que les hommes dans la lutte jihadiste. En attendant nous sommes prévenus par les patrons des Renseignements de la gravité de la menace jihadiste sur notre sol. La clé de Salah Abdeslam n’a pas été retrouvée.




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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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