Le Soudan est en train de mourir. Une douzaine de millions d’êtres humains déplacés, ou réfugiés hors de leur pays. Des villes rayées de la carte. Des femmes violées par dizaines de milliers, des enfants qui meurent de faim sous les bombes. Trente millions de personnes en besoin d’assistance humanitaire. Un nombre de morts incertain mais estimé à 150 000 peut-être, selon des experts. Et personne ne dit rien.
Silence total. Silence des gouvernements. Silence des ONG saturées. Silence surtout de nos habituels donneurs de leçons.
Où sont-ils, les professionnels de l’indignation et de la dénonciation ? Les porte-drapeaux de la « justice mondiale » ? Les chevaliers de la cause palestinienne ? Où sont les encartés de LFI, ces députés braillards toujours prompts à hurler au “génocide” quand cela arrange leurs petites affaires électorales ?
Le Soudan ne les intéresse pas. Trop loin. Trop noir. Trop compliqué.
Pas de colons à accuser, pas d’Israël à vouer aux gémonies, pas d’Occident à crucifier. Alors on détourne les yeux. On ferme sa gueule. On attend le prochain round à Gaza car tout le monde sait bien que la mèche se rallumera un jour ou l’autre. Et alors, on les reverra, soyez-en sûrs.
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C’est ça, l’indignation sélective. Une émotion calibrée, une morale fonction de l’algorithme. On pleure quand c’est rentable, on s’émeut quand ça fait du bruit, on défile quand ça fait le jeu de son camp. Pendant ce temps, le Soudan s’effondre. Dans un silence assourdissant.
Le Haut-Commissariat aux Réfugiés parle de la « pire crise humanitaire de la planète ». Les chiffres ci-dessus le démontrent. Pourtant, personne n’organise le moindre rassemblement sur la place de la République – feux de Bengale et bannière à slogans autour de la statue monumentale de Marianne -, personne n’a envie de marcher pour Khartoum, et personne ne porte un T-shirt « Je suis Darfour ».
La vérité, c’est que notre compassion est – fondamentalement – raciste. Elle ne s’étend qu’à ceux qui servent notre vision du juste et bon ordre du monde. L’universalisme est mort, remplacé par le militantisme tribal. Un peuple africain crève tout entier dans l’ombre, mais les peuples occidentaux – nourris de bien-pensance – détournent leur regard avec indifférence. Avec leurs pancartes proprettes, leurs indignations bien repassées, leurs larmes sous-titrées.
Le Soudan brûle, voyez-vous. Mais tout le monde s’en fout. Il est si difficile de se souvenir que le silence tue autant que la guerre…
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