Accueil Édition Abonné Pour célébrer l’esprit des JO, le Louvre devient une salle de fitness!

Pour célébrer l’esprit des JO, le Louvre devient une salle de fitness!

Notre époque adore se complaire dans la désacralisation de tout ce qui peut donner du sens


Pour célébrer l’esprit des JO, le Louvre devient une salle de fitness!
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Le chorégraphe et danseur Mehdi Kerkouche imagine pour le Louvre une « expérience inoubliable ». Au lever du soleil et avant l’ouverture des salles au public, nous sommes invités à redécouvrir les collections du plus grand musée du monde à travers une séance de préparation physique « à la croisée de la visite guidée, de la danse et du training sportif ».


Après Danse avec les stars, Danse avec les statues

Les politiques n’ont jamais autant employé le mot de « sanctuaire ». Et pourtant, force est de constater que la profanation est monnaie courante. De la mémoire d’abord, comme en 2016, lorsque pour célébrer le centenaire de la plus grande boucherie du XXème siècle, de jeunes Français et Allemands, en jogging basket, se sont lancés dans une course erratique entre les tombes de la nécropole de Verdun, rendant divertissant ce qui aurait dû rester solennel. Des institutions ensuite, comme en 2022, lorsqu’une danse désarticulée de jeunes gens dans l’enceinte du Parlement européen a marqué du sceau du ridicule le début de la présidence d’Emmanuel Macron au Conseil de l’Union européenne. Puis de l’art, avec aujourd’hui, le musée du Louvre qui, à moins de 100 jours de l’ouverture des JO, se met dans l’ambiance festive de l’olympisme et propose jusqu’au 31 mai des « visites sportives ». Il ne s’agit pas là de parcourir au pas de course les 73 000 m² de surfaces d’exposition, mais bien de faire son sport devant des œuvres du musée. Dès 8h du matin et pendant une heure, le visiteur va pouvoir s’étirer, souffler, sauter, transpirer devant ces spectateurs de pierre figés pour l’éternité que sont les sculptures du Louvre… Le tout pour la modique somme de 38 euros. Le titre de cet événement, « Courez au Louvre », est donc bien à prendre au pied de la lettre !

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Demandez le programme !

Dans quatre salles du musée sont organisées séances de disco, yoga, dancehall et cardio, du 24 avril au 31 mai. Allier l’art au sport, la contemplation à la transpiration, telle est la promesse marketing de ce concept inédit fait sur mesure pour le cadre sup parisien bobo, à coup sûr vegan pratiquant et qui roule probablement en trottinette électrique pour se donner une bonne conscience gaiesque… On imagine déjà la scène : voilà notre visiteur, en leggings et chaussé de ses running HOKA rose fluo flambant neuves, qui, après quelques échauffements, rivalise avec le déhanché de Travolta sous l’œil impassible d’Artémis à la biche. Emporté par une pulsion narcissique et s’imaginant influenceur à Dubaï, il ne manque pas de réaliser une story Instagram en se filmant en train de faire une série de 10 squats devant la muraille médiévale. Puis en petites foulées, il rejoint le prof de hip hop et s’essaie à quelques pas et se prend alors pour un de ces rebelles insoumis hurlant « fuck la police » lors des manifestations. Il donne enfin toute l’énergie qui lui reste pour une dernière figure au sol, avant de vérifier sur son Apple Watch s’il a bien perdu les colories de son poke bowl quinoa-avocat avalé la veille devant sa série Canal préférée… Après avoir célébré, dans un élan fantastique de vivre-ensemble, la culture banlieue devant le sphinx et d’autres vestiges antiques, il finit son heure culturo-sportive par une séance de yoga où, tête en bas et fesses en l’air, il accomplit, tant bien que mal, la posture du chien devant les chevaux de Marly qui se cabrent avec majesté…

Dehors les ronchons !

En nage, il repart du musée, ravi d’avoir pu « dialoguer » avec les chefs-d’œuvre même s’il a passé plus de temps à s’agiter qu’à regarder. Au moins, il a rentabilisé son temps, il a fait son sport, s’est cultivé et a participé à l’esprit des JO, se rassure-t-il.

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La transformation du Louvre en salle de fitness nous contraint à faire le constat suivant : plus les JO approchent et plus les injonctions mi festives mi sportives se font plus pressantes. Il faut parler, vivre, respirer JO et surtout être heureux de le faire. Les rochons pessimistes qui ne partagent pas cet enthousiasme surdopé sont priés de se taire. Surtout il ne faut pas gâcher la fête mondiale du sport. La fête à tout prix.

Au train où vont les choses, pourquoi ne pas transformer Notre-Dame en boite de nuit géante pour sa réouverture ? La cathédrale la plus célèbre au monde ne serait-elle pas le lieu idéal pour les DJ prisés de la jet set mondialisée, qui viendraient balancer du gros son deep house techno devant un public comblant son mal-être en communiant dans une magnifique rave spirituelle ?




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