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Roald Dahl, nouvelle victime de la pudibonderie woke

Et de Netflix?


Roald Dahl, nouvelle victime de la pudibonderie woke
L'écrivain britannique Roald Dahl (1916-1990), photographié ici en 1975 © ITV/Shutterstock/SIPA

Dans les livres de l’auteur britannique, des références au poids, à la santé mentale, au sexe ou à la race ont été modifiées par des sensitivity readers [1]. Le texte original et les mots de l’auteur feraient mieux d’être « préservés » plutôt que « retouchés », s’est indigné hier un porte-parole du Premier ministre britannique Rishi Sunak. « Lors de nouveaux tirages de livres écrits il y a des années, il n’est pas inhabituel de passer en revue le langage utilisé », se justifie de son côté la Roald Dahl Story Company, qui a travaillé avec Inclusive Minds, un collectif militant. Comme par hasard, ce « passage en revue » a été lancé juste avant le rachat par Netflix du catalogue de l’auteur pour enfants.


Et ça continue encore et encore, c’est que le début d’accord, d’accord…  Non, pas d’accord ! crieront les amoureux de la littérature, attachés à conserver les œuvres telles qu’elles ont été pensées, écrites et créées.

Exit les qualificatifs « gros », trop grossophobe ou « laid », par trop validiste

Une fois de plus, le révisionnisme et le wokistement correct ont frappé. La victime est l’archétype du pire ennemi de l’idéologie woke, un vieux mâle blanc : le génial écrivain britannique Roald Dahl, décédé il y a plus de trente ans. Faut-il avoir peur des histoires de Roald Dahl – qui certes, n’était pas un ange – ou de ceux qui entendent réécrire son œuvre ?

La broyeuse de la cancel culture tourne à plein régime

Pour complaire à un antiracisme dogmatique, Les 10 petits nègres d’Agatha Christie ont déjà été rebaptisés Ils étaient 10. Au cinéma, Autant en emporte le vent a été retiré de la plateforme de streaming HBO Max, et de l’affiche du Grand Rex à Paris ! Certains classiques de Walt Disney, des Aristochats à Peter Pan en passant par La Belle et le Clochard, sont désormais précédés d’un avertissement. Des séquences potentiellement «racistes» ou «sexistes» se seraient nichées dans ces films. Ils ne sont certes pas encore complètement interdits aux enfants, mais le consentement des parents est souhaité. Accusé de véhiculer la culture du viol, le baiser du prince à Blanche Neige est évidemment très problématique. Quant aux sept nains, ils pourraient se voir remplacés par sept créatures magiques (!) lors d’un prochain film, pour éviter tout procès en nanophobie. Toutes ces œuvres ont été passées à la moulinette de la cancel culture. Elle broie tout ce qui peut heurter la sensibilité des minorités sexuelles et raciales. 

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À ce train-là, toute notre littérature pourrait bien y passer. Le principe de base du wokisme est que la langue du passé ne peut être que sexiste, raciste et LGBTQI+phobe, étant donné qu’elle est issue d’une société occidentale structurellement construite par et pour les affreux mâles blancs de plus de 50 ans. Il faut donc la changer impérativement afin que de neutre et universelle, elle devienne militante – au service de la Diversité avec un grand D.

Littérature ou leçon de morale ?

Aujourd’hui, c’est donc au tour des œuvres de Roald Dahl d’être jugées devant le tribunal des minorités offensées. Le journal britannique Daily Telegraph vient de révéler que certains passages relatifs au poids, à la santé mentale, au sexe et à la race ont été supprimés ou modifiés dans les nouvelles éditions de Matilda, de Charlie et la chocolaterie et d’autres livres de Dahl. Ainsi, exit les qualificatifs « gros », trop grossophobe ou « laid », par trop validiste. Dès que les descriptions flirtent avec la misogynie, place à une nécessaire contextualisation. Dans Sacrées sorcières on devrait désormais trouver une explication de texte moralisatrice au fait que les sorcières soient chauves sous leur perruque : « Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les femmes pourraient porter des perruques, et il n’y a rien de mal à cela. » 

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Pour accomplir ce révisionnisme pudibond, l’éditeur a collaboré avec Inclusive Minds, une association de personnes dites « passionnées par l’inclusion » dont la mission principale est de mettre en relation les éditeurs avec des ambassadeurs de la diversité. Sur son site, l’effrayant organisme affirme de ne pas vouloir vraiment réécrire les livres du passé, mais admet qu’il milite pour inclure plus d’authenticité et d’expériences inclusives dans les livres pour les enfants. 

Une attaque sérieuse

Reste qu’en gommant les caractères physiques de certains personnages de Roald Dahl, le style de l’auteur est attaqué, mais également sa puissance narrative et l’effet procuré sur l’imaginaire des lecteurs, petits ou grands. L’exagération fait partie des procédés stylistiques permettant à nos esprits de quitter le monde réel, pour basculer dans le monde imaginaire. Et c’est en grossissant les traits de caractère ou les traits physiques avec des adjectifs hyperboliques que les enfants parviennent à bien imaginer leurs personnages préférés.

Nos obscurantistes woke, qu’on peut sans vergogne qualifier de précieux ridicules, souhaitent en réalité des histoires neutres et sans complexité, avec des personnages désincarnés. Demain, ces derniers seront sans émotions ! Le wokisme s’attaque prioritairement à la littérature, car, en dépeignant la laideur du monde, sa violence ou le Mal qui s’y loge, elle nous raconte l’histoire et l’âme humaine… et heurte sa vision moralisatrice. 

Doit-on craindre, qu’au nom de la lutte contre la grossophobie, les géants et les ogres qui peuplent Jacques et le haricot magique ou Gargantua de notre Rabelais national, soient eux aussi appelés à disparaitre demain ? Qu’au nom de l’antispécisme, les fables de La Fontaine soient interdites ? « Un peu de bêtise en saupoudrage, c’est le piment de l’homme » dit Mr. Wonka dans Charlie et le grand ascenseur de verre. La scandaleuse décision des éditions Penguin et de la Roald Dahl Story Company de caviarder l’auteur culte est vraiment trop salée.


[1] Lecteurs en “sensibilité” ndlr.



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