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Le gland remplacement

Le projet de loi sur l’immigration de Macron, prévu pour 2023, inquiète


Le gland remplacement
Emmanuel Macron en déplacement à Guéret (23), le 16 septembre. La veille, lors d'une réunion avec les préfets à Paris, le chef de l'État a préconisé de répartir les étrangers dans les «espaces ruraux» à repeupler... © Stephane Lemouton-POOL/SIPA

Forêts paisibles; jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs…


Un projet de loi est attendu début 2023. Emmanuel Macron a une idée choc pour résoudre la crise migratoire et les difficultés d’intégration: répartir les réfugiés dans les espaces ruraux. Le rat des champs, moins stressé que le rat des villes, est cool, écolo, mange tout à loisir. L’état de nature, des maisons de jardinier (zéro carbone) cachées parmi des collines couvertes de bois, vont favoriser un « nous inclusif », solidaire et cantadourien. « Forêts paisibles ; Jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs… Jouissons dans nos asiles ; Jouissons des biens tranquilles ! » (Rameau).

La petite maison dans la prairie

Sur un terrain plus glissant et miné que le Donbass, le président avance la fleur au fusil: les territoires ruraux se désertifient, il faudra fermer des écoles, les conditions d’accueil seront meilleures à la campagne que dans des zones surpeuplées. La cerise sur le ghetto, l’argument massue, seum le trouble : « Nous avons une politique qui est tout à la fois inefficace et inhumaine. Inefficace parce que nous nous retrouvons avec plus d’étrangers en situation irrégulière que nombre de nos voisins, inhumaine parce que cette pression fait qu’on les accueille trop souvent mal ». Tout va bien se passer.

L’idéologie de l’humanitaire, le n’ayonspaspeurisme ont des effets délétères: nihilisme juridique (confusion entre réfugiés politiques, économiques, écologiques, dévoyant la Convention de Genève de 1951), communautarismes, séparatisme, affaissement de l’universalisme et du multilatéralisme

Jupiter Cincinnatus, main de fer dans un gant de velours, manie la charrue, la carotte et le bâton: « Nous sommes en train, nous avons commencé à renforcer très fortement nos politiques en conditionnant davantage (l’octroi des visas) à l’esprit de coopération pour reprendre les étrangers en situation irrégulière, à commencer par celles et ceux qui troublent l’ordre public ». Fini de jouer ! L’iman Iquioussen, les malfaisants, passeurs et clandestins sont prévenus. La fête du slip est terminée !

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Entrez dans la France, voyez comme on danse; Sautez, dansez, embrassez qui vous voudrez. Pour la partie de campagne, en théorie tout se passe bien. Au royaume des belles idées, le réel n’a pas d’importance. Emmanuel le Champi, champion de la concertation depuis qu’il a perdu sa majorité absolue, se soucie comme d’une guigne de l’avis des réfugiés et habitants des territoires d’accueil, pas nécessairement sensibles à l’appel de la forêt et du monde sauvage. Si aujourd’hui les migrants se concentrent dans les banlieues, Porte de la Chapelle ou à Calais, ce n’est pas par Corrèzophobie, mais pour bénéficier de contacts, réseaux d’entraides de compatriotes, chercher du travail en Angleterre.

Impossible n’est pas français. A venir, pour favoriser l’intégration campagnarde des réfugiés et la cohésion des territoires: des initiations à l’apiculture, accrobranche et chasse aux papillons ; lectures publiques de Coleridge et Thoreau ; stages de cohabitation avec les loups, les ours et les gilets jaunes des Pyrénées. Chaque entrée sera fêtée par une chaconne citoyenne et galante, danse du grand calumet de la Paix entre les paysans du Larzac, le Turc généreux, les Incas du Pérou, les Fleurs persanes, les Sauvages.

Stop ou encore?

A l’instar du concours Miss France, des éoliennes ou du nucléaire, l’immigration est un sujet clivant, riche en tartufferies. Faut voir… Pas dans mon jardin (NIMBY). Une question rouge, maudite, à un milliard d’euros, taraude l’Occident : peut-on accueillir toute la misère du monde ? Il y a 33 ans, Michel Rocard mettait les pieds dans le plat : « Nous ne pouvons pas héberger toute la misère du monde. La France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique […] mais pas plus. […] ».

Les affreux, sales et méchants « populistes » (sauce arrabiata Giorgia Meloni ou goulash Viktor Orban) sont d’accord et ont le vent en poupe : No we can’t ! Halte au grand remplacement. Qu’on se le dise au fond des ports, l’Europe ne peut pas et ne doit pas héberger toute la misère du monde. Dura lex Frontex. Contrôlons les frontières, renvoyons les passe-murailles sans-papiers.

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Les partisans d’un Oui franc et massif permettant d’éradiquer la misère du monde, prônent la suppression des frontières et des barbelés, l’élargissement d’une Europe accueillante du cap Nord à la terre Adélie, de Brest à Vancouver. Nous sommes tous les enfants d’Adam et Ève, de Lucy, des amibes, et les amibes de mes amibes…

Forts d’une dialectique irénique et savonneuse, les Justes, le camp du Bien (opposé au Camp des saints), jouent à cache-cache et à saute-mouton avec les impératifs apodictiques kantiens, l’éthique du visage de l’autre chez Lévinas, le réel, la politique, le droit, la morale, l’idéal, le présent, l’avenir. Un happening bienveillant d’arguments contradictoires est mobilisé dans les clapotements furieux des controverses. Le grand remplacement est un fantasme facho; Rien n’arrêtera la créolisation et le multiculturalisme en marche ; L’immigration, une chance pour Didier Deschamps et la vieille Europe aux nouveaux minarets, va relancer l’industrie allemande et booster la fertilité des Siciliennes ; Marie Curie (née Skłodowska), Charles Aznavour et Manuel Valls se sont bien intégrés ; L’immigration a toujours existé… Déjà Rahan, nomade des âges farouches, puis les Vandales, Irlandais, Italiens, Américains, les touristes… Dernière bonne (ou mauvaise) nouvelle, les flux migratoires sont majoritairement sud-sud et l’accélération de La ruée vers l’Europe (Stephen Smith) pourrait ralentir vers 2122. Que notre joie demeure !

Pas facile de rebattre les cartes nautiques… Chacun ses modernes argonautes à la recherche de la toison d’or, bateaux vivres, radeau de La Méduse, Exodus… Aimons-nous les uns les autres et soyons pratique: combien de réfugiés pourraient abriter les jardins, les caves du Vatican, les 14 000 mètres carrés de la Mairie de Paris ? Sur la grande Mare Nostrum, les réfugiés ne naviguent pas en pères peinards. L’exil est trop souvent une source de tragédies individuelles et collectives. Mais une crise de nerf, feinte ou sincère, n’est ni une opinion, ni une feuille de route. Les contrebandiers des bons sentiments, rentiers de l’indignation, J’accuse d’opérette, le Mondial moquette des droits fondamentaux, ne font pas bouger les lignes de flottaison des radeaux. La croisière s’abuse. « Et la mer et l’amour ont l’amer en partage » (Pierre de Marbeuf).

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Le droit international, la géopolitique, la diplomatie ne sont pas réductibles aux Unes de Libération, àl’Arche de Noé ou La Nef des fous. L’idéologie de l’humanitaire, le n’ayonspaspeurisme ont des effets délétères: nihilisme juridique (confusion entre réfugiés politiques, économiques, écologiques, dévoyant la Convention de Genève de 1951), communautarismes, séparatisme, affaissement de l’universalisme et du multilatéralisme… Bellum omnium contra omnes. Des manipulations de flux de réfugiés sont orchestrées à des fins politique, à la croisée des voies de transits. L’Europe paie au prix fort la naïveté de la Chancelière allemande en 2015. Salamine. La spirale de la surenchère, c’est l’arsenal de la supercherie. Tristes tropismes…

« Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges » (Nietzsche). Humain, trop d’humains…

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