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Antoine, l’Auguste des Césars


Antoine, l’Auguste des Césars

Il est fringant. C’est le Fregoli de Banal+. L’âge n’a pas de prise sur son aspect physique. Toujours ce charmant visage de rongeur gourmand, la silhouette souple, l’insolence confortable, émoussée d’un clin d’œil. Le petit garçon bien tourné, que maman regarde avec fierté. La télévision le consacra. Producteur puis animateur de « Chorus », il gagna ensuite la plaisante image d’un « enfant du rock », à laquelle l’émission « Rapido » devait ajouter un débit vocal ultra-rapide, comparable au passage d’une formule 1 dans la ligne droite des Hunaudières. Bref, jeune homme bien né, il se fit une réputation légitime d’animateur doué, original. À Canal+, la chaîne des beaufs postmodernes, servie avez zèle par des petits marquis au museau poudré, il forma un duo, que la seule présence vraiment ébouriffante de José Garcia, rendait irrésistible. Mais il s’en lassa. Il chercha la reconnaissance, la consécration du cinéma. Fellini, Godard, Murnau, Bergman, c’était sa vraie famille.

Il commença par « faire l’acteur ». On lui offrit des rôles de comique léger. Il y était parfaitement anodin. Il s’essaya au registre dramatique. Il eut un certain succès dans L’homme est une femme comme les autres. Mais on voyait toujours en lui l’amuseur. Bah ! Tragediente, comediente, basta cosi ! Il serait réalisateur, comme Federico, comme Robert (Aldrich), comme Jean-Luc, mais surtout pas à la manière de Marius Leseur, ni de Jean Girault ! En 2001, il signe Les morsures de l’aube, adapté d’un roman de Tonino Benacquista. Nous vous recommandons vivement la lecture de cet excellent livre. Son dernier opus, consacré à la période « électorale » de Coluche, malgré le beau travail du comédien François-Xavier Demaison, n’attira même pas la clientèle des Restos du cœur. Ingratitude ? Coût de la place trop élevé ? Sens critique ? Enfin, ils ne vinrent pas… Antoine dissimula la déconvenue qu’aurait pu lui apporter l’insuccès de cette œuvre, au final nettement moins attendue qu’une lancinante et longue campagne de presse ne nous l’annonçait. Déjà, une nouvelle mission l’appelait ailleurs : préparer la fameuse soirée des Césars, diffusée par La chaîne du cinéma.

On sait que cette dernière gouverne les destinées du cinéma français et du festival de Cannes. Et sur quel mode ! Celui de la fête à neu-neu version chic, un grand bazar, une ambiance que les journaux féminins se plaisent à qualifier de « foutraque » et « décalée ». Sur une estrade où la Méditerranée joue les utilités à l’arrière-plan, tourne en permanence un manège aux vanités. Acclamés par les spectateurs, qu’une illusion fait paraître proches, mais qui demeurent, au vrai, encadrés par le service d’ordre et tenus éloignés par de solides barrières, les bateleurs habituels consument dans un brasier de dérision foraine les oripeaux d’Hollywood et des studios français. Canal+ «parraine» le festival, y impose ses manières, ses goûts, son organisation. À Cannes et à Paris, les salariés du dérisoire, lancés dans les rues tels des chiens de sang, en ramènent souvent de simples exemplaires d’humanité, dont ils se gaussent, avec, à la commissure des lèvres, un éternel sourire de satisfaction faussement contrite. Il semble de règle sur cet écran, à la suite des Deschiens de Jérôme Deschamps et Macha Makeïef, de montrer les « autres », les simples gens, comme des erreurs naturelles, des êtres moralement contournés, un cheptel toujours recommencé où l’on puise l’aliment d’une méchanceté facile.

Mais revenons à la soirée des Césars. Antoine de Caunes, silhouette fluide, impeccable dans son «black tie», y était maître de cérémonie. La France aurait-elle trouvé un remplaçant au regretté Jean-Claude Brialy ? Celui-ci, homme d’esprit, charmant compagnon mondain, mémorialiste brillant des acteurs disparus et des comédiennes défuntes, sans doute, parfois, affabulateur par admiration, incarnait cinquante ans d’élégance parisienne et de réussite cinématographique. Le jeune comédien sautillant servit avec un égal talent « la caméra de papa » et la Nouvelle vague. Mais Antoine de Caunes ? Brialy eut moins de succès lorsqu’il passa derrière la caméra. Comme Antoine de Caunes !

Cette année encore, la soirée fut interminable. Les heureux élus de la promotion 2009, qui, par ailleurs, manifestent volontiers le plus profond mépris pour tout ce qui est institutionnel et cérémonieux, et montrent une « rebellitude » de bon aloi, se comportèrent comme d’aimables et reconnaissants salariés d’une grande entreprise, auxquels on remet la médaille du travail. Deux films raflèrent les récompenses : un blockbuster français, Mesrine, et un film d’auteur, Séraphine. Entre les remerciements émus des unes et des autres, des comédiens interprétaient des saynètes indignes d’un patronage. Ce fut navrant de bout en bout. Emma Thompson y joua encore plus mal qu’à l’écran. De son côté, M. Auguste de Caunes soulevait à chacune de ses saillies, longuement répétées, préalablement écrites par une armée de scénaristes qu’on eut dit entraînée par Guy Carlier, les rires de la salle, conquise. Très critiquée l’année dernière, sa prestation fut unanimement saluée par la presse. Il reviendra donc.

Pour ce qui est de la mise en scène, Antoine de Caunes a confié un jour qu’il aimerait beaucoup porter à l’écran Le maître de Ballantrae, de RL Stevenson. De l’audace, toujours de l’audace !



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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