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Régis Franc à Londres


On connaît l’humour distingué, décalé et snob de Régis Franc, l’auteur de bandes dessinées qui fit notre bonheur au tournant des années 70-80 dans le défunt Matin de Paris. On connaît moins, et c’est dommage, l’écrivain Régis Franc dont l’humour est tout aussi efficace. Avec London Prisoner, un récit d’une grande drôlerie, il nous livre une variation sur un thème que l’on aurait pu croire éculé depuis Pierre Daninos et Les Carnets du Major Thompson, celui du violent dépaysement et même de la radicale étrangeté qui existent quand un Anglais franchit la Manche ou un Français le Channel.

C’est vrai, après tout, l’unification des modes de vies après soixante ans d’Union Européenne et autant de mondialisation auraient dû aplanir toutes les différences entre nous et nos meilleurs ennemis pour ne laisser survivre que quelques particularismes contemplés nostalgiquement par le touriste de passage.
London prisoner prouve qu’il n’en est rien, ou tout au moins qu’il n’en est rien pour Régis Franc. Londres demeure finalement pour lui une ville aussi angoissante que le Village du Prisonnier, avec des mœurs, des réflexes et une logique qui rappellent que nous sommes bien sur une terre qui a vu naître Alice, le nonsense et l’humour noir. En même temps, Régis Franc y met moyennement du sien : il s’exile en Angleterre avec femme et enfants mais reconnaît confondre Beckham avec un joueur de tennis et parler un anglais pour le moins aléatoire. Et comme il le remarque lui-même, très pince sans rire, « mon intégration s’en trouva contrariée. » Au moins aura-t-il saisi d’emblée l’art de l’understatement.

Les mésaventures que va connaître Régis Franc vont toucher à peu près tous les domaines de sa vie quotidienne, transformant sa vie à Londres en un cauchemar vaguement kafkaïen qui débouche sur une très légère paranoïa bien compréhensible. Les démêlés immobiliers, par exemple, sont autant dus aux prix délirants qu’aux coutumes locales qui mettent des jacuzzi dans le salon ou demanderont votre mise au pilori si par hasard vous ne respectez pas les places prévues dans le garage à vélo, quand bien même rien n’indique à qui exactement appartiennent ces places. On doit le savoir, c’est tout. Et ce n’est pas parce que les Londoniens vous disent à tout bout de champ « Sorry » qu’il faut les croire pour autant.

En fait, ils ne sont désolés de rien. On le sait d’ailleurs depuis Jeanne d’Arc et Fachoda : ils veulent juste notre peau…

London Prisoner, Régis Franc (Fayard, 215 pages, 18 euros)

*Photo : _dchris



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