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Pierre Bergé, béatification spontanée


Pierre Bergé, béatification spontanée
Pierre Bergé lors de la fête de la Fraternité en 2010. SIPA. 00605980_000030

Quel rapport entre un hippopotame dans une piscine, le mariage de Norman Bates et l’anatidaephobie ? La réponse s’impose : tout ça n’a pas de bon sens ! C’est même ce que j’apprécie tant chez l’écrivain Gary Larson, le dessinateur Jean et mes chouchous les Sparks : leur nonsense commun. Mais pour être à l’avant-garde, ces gens-là n’ont pas le monopole de l’absurde, loin de là. Le leader du secteur est incontestablement l’absurde involontaire, plus couramment appelé « sérieux ». Un exemple récent ? Le lamento médiatique unanime et obligatoire à la mort de Pierre Bergé, avec embaumement instantané d’un cadavre encore chaud. Exquis, non ?


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Un Jean normal

Lundi 4 septembre

Dans Le Point, j’avais remarqué depuis longtemps les dessins signés Jean, nettement décalés par rapport au reste du magazine, et plus généralement à tout. Grâce à l’ami Google, j’ai pu me faire une idée de l’univers de l’auteur à travers ses dessins et même ses « livres » – qui montent encore d’un cran dans le nonsense. Rien que les titres m’ont ravi d’emblée : « Les filles sont des gens comme vous et moi », « Les Beatles font l’intéressant »… Enfin quelqu’un de plus fêlé que moi, si ça se trouve !

Du coup, j’ai voulu à tout prix rencontrer ce Jean-là de notre vivant. Prenant prétexte de cette chronique, j’ai donc sollicité une interview, que l’ami Jean a aussitôt acceptée de bonne grâce. En découvrant son œuvre, j’avais tenté en vain de deviner à quoi pouvait bien ressembler le créateur de ce monde même pas parallèle. Faute d’indices, j’en étais même arrivé à me le représenter vaguement à l’image de ses personnages. Absurde, n’est-ce pas ? À ce compte-là, un Picasso n’aurait pas fait de vieux os.

Le vrai Jean est un grand type sec, hâlé, genre élevé en plein air. Et avec ça souriant, simple, ouvert… « Plus fêlé que moi » ? Tu parles… Un modèle d’équilibre, oui ! C’est bien simple : il n’y a pas plus raisonnable que ce virtuose de l’aberration.

Face à un tel phénomène, j’ai dû remballer vitement mon questionnaire bateau. Jean est trop modeste pour bien parler de son œuvre ; et c’est à peine s’il connaît l’arbre généalogique du nonsense, dont il occupe pourtant une branche – et dont certaines racines remontent, comme dirait l’autre, à la plus haute Antiquité.

En fait d’absurde, notre dessinateur se dit « autodidacte ». Tout juste accepte-t-il de reconnaître, sous la question, que pour lui Chaval et Bosc sont des « maîtres ». Puis, sur sa lancée, voilà que parmi les vivants il cite spontanément Willem, vantant à juste titre sa « subtilité » ; en revanche, il se montre plus nuancé sur Plantu : « Je n’arrive plus à me souvenir du dernier dessin drôle que j’ai vu de lui. »

Professionnellement, Jean dit n’avoir qu’un regret : ne pas maîtriser l’exercice suprême, où excellait Chaval dit-il : le dessin sans légende. Erreur en ta faveur, cher Jean ! Celui que nous reproduisons ici, par exemple, pourrait fort bien s’en passer. J’ai fait le test en cachant le texte, et il est probant !

Pour ceux qui n’ont jamais vu Psychose (et Dieu sait que c’est pas facile à trouver !), ça ne change évidemment rien. La plupart se montrent sensibles néanmoins à une certaine cocasserie de la situation. Quant aux autres, ils reconnaissent au premier coup d’œil ta Mrs Bates, avec son chignon grisonnant et son couteau de boucher, et du même coup son grand fils Norman – sans vouloir spoiler.

En un seul dessin, Jean esquisse ici le scénario d’un sequel riche en rebondissements : dans Psychose 8, l’ultime battle, Norman se marie (enfin) et sa mère, qui a pris soin de se faire cloner après résurrection, nous revient au mieux de sa forme. Tout va pouvoir repartir sur de bonnes bases chez les Bates.

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Tombereau pour Pierrot

Dimanche 10 septembre

« Avec Pierre Bergé disparaît un authentique humaniste. »

– Ah bon ? Et qui ça ?

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L’effet Larson

Lundi 18 septembre

Gary Larson, dessinateur américain né en 1950, est un auteur prolifique. Il a publié une vingtaine de recueils de ses œuvres, centrées sur le Far Side, (« L’Autre Côté »), où apparemment il réside. Son monde à lui : une sorte de Ferme des animaux où ceux-ci n’auraient même pas à se révolter contre les humains, puisque c’est eux !

Dans la ménagerie de Gary, sous les masques grossiers de chiens, de cochons ou d’éléphants pointe le museau de l’Homme – avec ses travers et ses vices, que nous connaissons bien pour les avoir observés chez les autres. Plus qu’à Huxley, on songe ici bien sûr au La Fontaine des Fables – mais un La Fontaine allumé quand même.

Après L’Autre Côté, ce farceur de Larson a intitulé ses bouquins suivants à la manière des « suites » dans le cinéma commercial : À la recherche de l’Autre Côté, Au-delà de l’Autre Côté, La Fiancée de l’Autre Côté, etc. C’est ce que j’appelle se foutre du monde, ou je ne m’y connais pas.

Après huit volumes de cette série à succès, traduite en 17 langues, Gary a élargi quelque peu le champ de ses investigations – non sans conserver une dilection pour nos animaux les bêtes. Ainsi peut-on citer, parmi ses œuvres récentes : La Nuit des crash-test dummies, Vaches de notre planète ou encore Les poulets sont nerveux.

De prime abord, les sujets peuvent paraître ardus. Mais une fois familiarisé avec la logique interne du larsonisme, on prend plaisir à cette lecture – toujours un peu décontrastante quand même pour les 1ère année. Mais bon, tant que c’est fait avec talent ! Et Gary n’en manque pas, dans sa branche (qu’il partage donc avec son collègue Jean).

Ainsi est-il connu, entre autres, pour avoir identifié deux désordres psychologiques graves – mais « heureusement rarissimes », nous rassure-t-il d’emblée : l’anatidaephobie (peur qu’un canard vous observe) et la luposlipophobie (peur d’être poursuivi par des loups sur un parquet ciré).

Les « travaux » du Pr Larson ont même été récemment récompensés par un zoologiste reconnu, par ailleurs fan de Gary : il a donné son nom à une espèce animale également rarissime, le Strigillus garilarsoni, « variété de pou détritivore qui se nourrit exclusivement de plumes de chouette ». Ça se passe comme ça chez Gary Larson, et moi j’aime ! Quant à vous, si ça ne vous amuse pas, il reste des places pour Dany Boon.

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Divorce Marine-Philippot

Jeudi 21 septembre

Le plus dur, c’est pour celle qui reste.

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Étincelles durables

Mercredi 27 septembre

Pour Morrissey et moi, c’est « le plus grand groupe du monde ». Et en plus, ce mois-ci t’as rien à dire : les Sparks ont une triple actualité. Priorité à l’info !

Vendredi 8 septembre (Nativité de la Vierge) : sortie de leur 25e album, Hippopotamus, aussitôt propulsé à la septième place du Top Ten britannique : du jamais vu depuis Kimono my House (1974). Quarante-trois ans déjà, coucou les revoilà ! Et avec ça, l’inspiration intacte, au mieux de leur forme malgré leurs 70 balais, et reconnus de nouveau par un vaste public !

Aujourd’hui même, en cette fête de saint Vincent de Paul, j’ai eu la joie de découvrir sur France Inter la semaine spéciale Sparks, concoctée par l’excellent Michka Assayas dans le cadre de son « Very Good Trip » quotidien. Assayas, vous connaissez ? Une sorte de Manœuvre bac + 12, l’érudition en plus et le bagou en moins, largement compensé par une empathie sincère, donc communicative.

Enfin viendra, ce dimanche 1er octobre (26e du temps ordinaire), le couronnement d’un mois béni entre tous pour les fans du groupe. À 19 h 30 ce soir-là, à la Gaîté lyrique, unique concert français des frères Mael dans le cadre prestigieux du Hippopotamus World Tour.

N’ayez crainte : je reviendrai longuement sur ces événements dans la prochaine livraison de votre magazine préféré – surtout si vous n’êtes pas d’accord.

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Octobre 2017 - #50

Article extrait du Magazine Causeur




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