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Le multiculturalisme, fruit d’un tiers-mondisme dévoyé


Le multiculturalisme, fruit d’un tiers-mondisme dévoyé
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Image du film "Le ciel, les oiseaux et... ta mère", 1999

André Versaille publie en ce moment un feuilleton sur le site du Monde, intitulé : « Les musulmans ne sont pas des bébés phoques »

« Est Français toute personne qui adhère aux valeurs de la République », déclarait le constituant de 1793. Proclamation d’ouverture envers les étrangers qui voulaient rejoindre les révolutionnaires, mais à la condition expresse d’adhérer aux valeurs de la République. Une telle déclaration dans de tels termes et conditions est-elle insupportable ?

L’assimilation diabolisée

Aujourd’hui, deux conceptions sur ce que devrait être la société française s’affrontent, et cette opposition transcende le clivage gauche/droite. Les multiculturalistes se disent ouverts et partisans de la diversité et considèrent l’immigration comme une chance pour le pays. Ils jugent les antimulticulturalistes bloqués dans la vision d’une France monolithique, homogène, fermée à toute évolution, et coincés dans leur refus de réfléchir aux mutations récentes de la société française ; ils leur reprochent d’en rester à la conception d’une identité collective immuable ; enfin, ils établissent un rapprochement idéologique entre les positions des tenants d’une France laïque et républicaine « à l’ancienne », et les thèses de la « droite décomplexée » voire de l’extrême-droite.

Or, bien des intellectuels ainsi vilipendés comme néoréacs, ne prônent pas une France identitaire blanche, ils défendent le modèle assimilateur de la IIIe et IVe République qui avait finalement plutôt bien fonctionné. Il s’agit pour ces républicains de préserver un ensemble commun, mais au sein d’un cadre qu’ils estiment historiquement légitime, à partir duquel les minorités culturelles pourraient tout à fait trouver leur place et exprimer des différences de sensibilités, d’histoires et de cultures.

En fait, le multiculturalisme s’inscrit dans le cadre de la pensée tiers-mondiste, à la suite du droit à la différence. Et, à l’instar du tiers-mondisme des années soixante, cette nouvelle vieille idéologie a pris, depuis quelques années, un tour radical. Même si comme tout mouvement idéologique, celui-ci est traversé de courants divers, ses propagandistes se retrouvent sur un socle doctrinal commun et s’appuient sur un catéchisme dont l’essentiel se résume à cet axiome : l’Occident étant responsable de son passé colonial, mais aussi et surtout en raison de sa nature « excluante », il faut déconstruire cette société d’« Ancien Régime ». Désormais, on défendra la promotion des identités aux dépens des libertés individuelles. Quant à la décadence de l’Occident, on la régénérera et la corrigera par l’injection d’un sang neuf. D’où l’urgence d’accueillir un maximum de populations jeunes, fraîches et innocentes, provenant de toutes les parties du tiers-monde.

Louée soit la diversité

Selon ce principe, il est indispensable d’inverser le devoir d’intégration : il ne s’agit plus de demander à l’immigré d’assimiler le pli identitaire et culturel de la société d’accueil, c’est à elle de modifier ses institutions et sa culture afin que les porteurs de l’arc-en-ciel de la diversité puissent prendre pleinement leurs places et que leurs cultures ripolinent de couleurs vives celles défraîchies de la nation. Cette « vieille culture », bientôt déchue de sa qualité nationale, deviendra une culture parmi les autres, qualifiée de « majoritaire » sinon de « dominante » avec tout ce que cet adjectif a d’infamant. Le propos sera de contester radicalement le primat de la culture nationale, et de lui interdire toute prétention à se poser comme culture de convergence ; ses valeurs seront jugées – et souvent condamnées ; quant aux symboles nationaux, ils se verront déconstruits, comme seront « désinstituées » un maximum de références associées à la société « dominante ».

Y a-t-il un seul multiculturaliste qui oserait proposer de ramener la culture nationale d’un pays du tiers-monde à une culture et une identité parmi d’autres ? Et imagine-t-on une société d’Afrique ou d’Asie accepter que sa culture ne soit plus reconnue comme « le prisme de référence de la collectivité » ?

À l’unisson de la vision multiculturaliste de l’Étranger régénérateur de notre société moisie, Thierry Tuot, auteur du Rapport au Premier ministre sur la refondation des politiques d’intégration inscrira en exergue de son expertise ce bout d’élégie de Novalis tirée des Hymnes à la Nuit : « Et plus qu’eux tous, l’Étranger, Superbe aux yeux profonds, à la démarche légère, aux lèvres mi-closes, toutes frémissantes de chants… »

Et voilà comment, à force de mépriser la culture classique décrétée « bourgeoise dominante », nous finissons par avoir des hauts fonctionnaires incultes. Ah, l’ambitieuse affectation ! Coquetterie de boutons de manchette… En recopiant d’un quelconque recueil de citation cette pièce à conviction de quelques vers, Thierry Tuot n’a visiblement pas saisi que l’Étranger du romantique Novalis est métaphorique. Il s’est persuadé que celui-ci se réfère aux immigrés, et ne doute pas que ces bribes poétiques nous aideront à réfléchir aux bouleversements démographiques dus aux gigantesques mouvements migratoires, pourtant inimaginables au XVIIIe siècle.

L’inclusion, quésaco?

Dans son rapport, le haut fonctionnaire vide de son sens le principe de l’intégration : il ne s’agit plus pour l’immigré de s’intégrer, mais simplement de « s’inclure », un peu comme un passager dans un bus, sans que cela n’implique quelque adhésion que ce soit à la nation ou à ses valeurs, ni aucun principe de solidarité avec sa population. Par ailleurs, il déplore que beaucoup de Français continuent à regarder comme étrangers des immigrés ayant acquis la nationalité française. Ce faisant, il met le doigt sur l’un des nœuds de la question. Malika Sorel le rappelle : « Pour les autochtones de n’importe quel pays, une personne est reconnue comme intégrée une fois qu’elle est identifiée comme partageant la même conception de principes. »

Qu’une communauté défende des valeurs concurrentes à celles de la société d’accueil ne pose pas de problèmes tant que celles-ci ne lui sont pas contradictoires, sans quoi elles peuvent menacer la cohésion nationale qui repose sur l’adoption d’un minimum de valeurs communes, en l’occurrence, la liberté individuelle et le non-assujettissement à la communauté d’origine, l’égalité entre les hommes et les femmes, la neutralité religieuse, le respect de l’individu dans sa liberté de pensée, de jugement et d’opinion, toutes choses que les immigrés sont appelés à adopter.

Le même Thierry Tuot parle d’une « célébration angoissée d’un passé révolu d’une France chevrotante et confite dans des traditions imaginaires… » Quel mépris pour l’histoire et le patrimoine ! Et quelle incapacité de faire la différence entre la nécessité d’une évolution progressive d’une société et l’appel à un bouleversement brutal imposé au nom d’une vision idéologique obsédée par la culpabilité.

Retrouvez André Versaille sur son blog, Les musulmans ne sont pas des bébés phoques

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