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Live and let leave


Live and let leave
John Cleese, artiste pro-Brexit (Photo : SIPA.AP20864585_000003)
John Cleese, artiste pro-Brexit (Photo : SIPA.AP20864585_000003)

TOP UNGEMUTH ! – Vendredi 27 mai

Au lendemain du Festival de Cannes, dans sa chronique du Figaro Magazine, Nicolas Ungemuth suggère une simplification radicale du règlement intérieur : « Cannes devrait faire chaque année un festival avec quatre réalisateurs : Ken Loach, les frères Dardenne, Xavier Dolan et Apichatpong Weerasethakul ; les journalistes auraient plus de temps pour se saouler. » Fameuse idée, à une réserve près : pourquoi cette logique d’exclusion à l’égard de Michael Haneke ?

UNE FAUSSAIRE NOMMÉE SAGAN – Mercredi 8 juin

Sur France Culture, Céline Hromadova, auteuse, pardon autrice d’une thèse qui fait autorité sur les romans de Françoise Sagan, nous en raconte une bien bonne sur les mésaventures journalistiques de l’écrivaine.

Chargée d’une critique ciné dans L’Express, la romancièresse se lasse très vite de l’exercice, jusqu’à considérer sa chronique hebdomadaire comme un pensum. Elle organise alors sa sortie en beauté, en rédigeant la critique absurde d’un film imaginaire : Les Doigts dans le nez, de J.G. Dubroc. « Enfin un souffle neuf dans le cinéma français ! » entame-t-elle lyriquement, avant de raconter n’importe quoi sur rien du tout.

Guère étonnant de la part d’une fille qui, à 16 ans déjà, avait organisé une autre sortie en beauté, du collège des Oiseaux cette fois, en clamant dans la cour de récré : « Dieu est un grand lapin ! »[access capability= »lire_inedits »]

« Mais c’est du Prévert ! » protesta-t-elle auprès des bonnes sœurs courroucées, comme pour aggraver encore son cas. Loin de moi l’idée de la plaindre, puisqu’elle voulait à tout prix être virée ; mais le Grand Lapin sait que le poème en question n’avait rien de choquant.

WON’T GET FOOLED AGAIN – Vendredi 17 juin

À la veille du référendum sur le Brexit, la presse britannique et internationale multiplie les sondages d’opinion non seulement auprès des nobodies, mais aussi des people. « Le monde artistique semble se prononcer massivement pour un maintien dans l’UE », écrit ainsi Metronews.fr. Plus précise encore, la Fédération des industries artistiques britanniques annonce le chiffre de 96 % de ses membres favorables au « In ».

Un manifeste en ce sens est même publié par 300 artistes, dont quelques pointures (John Le Carré, Vivienne Westwood, Benedict Cumberbatch…) : « La Grande-Bretagne n’est pas seulement plus forte en Europe, elle est plus imaginative et créative, et notre succès mondial (sic) serait sérieusement mis à mal par une sortie. »

La Grande-Bretagne « imaginative et créative » ? On peut la voir, certes, dans l’engagement de Damien Hirst : la star de l’art contemporain n’a pas hésité à prendre parti hardiment dans le débat. Il a réalisé pas moins de trois œuvres militantes, dans lesquelles ses fameux papillons bleus forment le mot « IN » sur des fonds respectivement jaune, mauve et violet. Qui dit mieux ?

Eh bien moi, si je puis me permettre, je vois encore plus d’imagination et de créativité dans les explications de vote des 4 % d’artistes pro-Brexit. Ainsi ai-je lu et approuvé l’argument lumineux d’Elizabeth Hurley : « Je n’aime pas que la Communauté européenne réglemente la taille de mes ampoules électriques. Je veux revenir à des ampoules de 60 W, couleur pêche, à baïonnette. Des ampoules décentes. »

J’ai également apprécié le raisonnement au terme duquel Roger Daltrey, chanteur des Who (je précise pour nos jeunes lecteurs de Corée du Nord), a pris position pour la sortie de l’Europe : « Si ça a l’odeur d’un rat et que ça ressemble à un rat, c’est probablement un rat. »

Last but not least, j’ai applaudi aux réformes proposées pour l’Europe par John Cleese, des Monty Python : « Abandonner l’euro, faire rendre des comptes aux bureaucrates et pendre Jean-Claude Juncker. » À ces conditions, Cleese serait volontiers resté dans l’Union européenne. Moi aussi.

LONDON CALLING – Dimanche 26 juin

Soyons fair-play : dans le camp du « Remain » aussi il y a des gens d’esprit, par exemple James O’Malley. Au vu des résultats du référendum, ce journaliste londonien a décidé de mettre en ligne une pétition réclamant l’« indépendance de Londres ».

Son raisonnement est simple : puisque la Grande-Bretagne quitte l’Europe, pour rester en Europe la capitale doit quitter le pays. « Admettons-le, dit le texte de la pétition, nous sommes en désaccord avec le reste du pays. Alors, au lieu de voter les uns contre les autres à chaque élection, rendons le divorce officiel et emménageons avec nos amis sur le continent ! »

Concrètement, O’Malley demande donc au maire Sadiq Khan de faire sécession et de déposer une demande d’adhésion de sa ville à l’UE ainsi qu’à l’espace Schengen ; « pour l’euro, on verra plus tard », conclut-il dans un accès de modération.

Ravi par cette affaire, j’entreprends de la raconter à l’ami Marc Cohen ; mais avant même que j’aie terminé, il me lance : « Passeport pour Pimlico[1. Dans cette comédie anglaise de 1949, un quartier de Londres proclame son indépendance sur la base d’un parchemin retrouvé qui le rattache au duché de Bourgogne…] ! »

C’est à ce genre de détaux qu’on reconnaît un homme de culture. Accessoirement, c’est pour ça que Marc Cohen est mon ami – et pas le vôtre.

EXPERT SUR CANAPÉ – Dimanche 3 juillet

Ce soir, pour France-Islande, mon fils était au Stade de France ; d’ailleurs, il y était déjà le 13 novembre dernier pour un France-Allemagne « amical », avec 80 000 autres supporters et trois terroristes, heureusement un peu empotés.

C’est pour avoir un sujet de conversation de plus avec Bastien, outre les bonnes séries télé et le piètre théâtre politique, que je me suis mis au foot sur canapé. Encore ne parviens-je à m’intéresser qu’aux compétitions entre nations – avec la France de préférence…

Le reste, pour moi, c’est des histoires de corneculs ! Au hasard : un club qui se paie des joueurs suédois d’origine bosniaque avec le fric du Qatar, en quoi ça représente Paris ?

Il faut dire aussi qu’en matière de foot je viens de loin. Il y a encore deux ans, quand je voyais un mec sur le terrain brandir un panneau avec des chiffres rouges et verts, je croyais que c’était le score.

Là, je suis très au fait de ce qu’il faut penser : les Bleus doivent gagner bien sûr pour aller en demie, mais sans humilier les Islandais parce qu’ils sont trop mignons et qu’ils sont devenus la mascotte de cet Euro.

Au terme de la soirée, tout est donc pour le mieux : avec un score de 5 contre 2, les deux objectifs sont atteints et mon fils me complimente pour l’acuité de mes commentaires – essentiellement pompés sur Guy Roux et un gros de BFM.

Maintenant, les choses sérieuses commencent. Il faut à tout prix battre l’Allemagne ce jeudi, non seulement pour venger Battiston une bonne fois pour toutes, mais parce que si on y arrive, selon mes pointages, la finale devrait être une simple formalité. Euh, j’aurais adoré rester avec vous jusqu’au bout pour tout vous expliquer, mais là Élisabeth m’arrache ma copie…[/access]

>>> Retrouvez en cliquant ici l’ensemble de nos articles consacrés au Brexit.

Été 2016 - #37

Article extrait du Magazine Causeur



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