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La tondeuse, je la lui laisse !


Il n’est pas dans mes habitudes de parler de ma vie de couple (!) mais la déesse qui commande aux jours et aux nuits de Causeur a émis le souhait que nous causions des rapports entre les hommes et les femmes pour égayer vos transhumances estivales.

Le clito ayant déjà beaucoup servi et mes distingués collègues en ayant fait le tour, si je puis dire, je suis allée consulter l’interminable liste des revendications féministes pour y puiser l’inspiration. Il y a certainement beaucoup de choses à dire, de la burqa au « plafond de verre », et il est probablement incivique de s’en foutre. Ne souhaitant pas être clouée au pilori des bourgeoises inciviques non conscientisées, et ayant un peu de temps entre le repassage et le viol conjugal, j’ai pêché dans le vivier de mes sœurs concernées et militantes un domaine où je pense pouvoir livrer une expertise : celui de la répartition des tâches ménagères. On m’objectera avec raison que les tournantes, la polygamie, le viol, les femmes battues, l’excision ou le non-paiement des pensions alimentaires, c’est autrement plus grave, mais je remarque que la répartition des tâches ménagères tient le haut du panier (de la ménagère) dans la litanie féministe.[access capability= »lire_inedits »]

Va donc pour les tâches ménagères !

Oserai-je avouer que j’adore cuisiner ? Que cela ne m’est jamais apparu comme une « tâche » mais plutôt comme un bonheur quotidien délicieusement parfumé ? Qu’il faudrait m’attacher pour que je renonce aux fourneaux ?

Il semblerait qu’il faille s’abstenir de le clamer : une tâche est une tâche, on ne vous demande pas d’aimer, mais de subir et de vous plaindre.

Et d’exiger la RÉPARTITION !!!!

Et c’est là que ça m’angoisse un peu…

Jouer du sécateur ? Et mes jolis ongles manucurés ?

Bon, je ne suis pas complètement nouille et je pense qu’en cas de pénurie prolongée de mâles, je devrais être capable de grimper sur une échelle pour changer les ampoules 40 watts petits soquets.

Au jardin, ça risque de se compliquer. Je suis parfaitement apte à tondre la pelouse, surtout à l’ombre ; c’est pour faire démarrer cette satanée tondeuse que ça va être plus sportif. Je suis pas Rambo, moi ! Pire, il va falloir que je joue du sécateur pour tailler les buis ! Douée comme je suis, à tous les coups, je vais y laisser mes jolis ongles manucurés.

Mais je sens, je sais que, là où tout va virer au cauchemar, c’est quand il faudra s’occuper de la bagnole. Je ne sais pas comment on ouvre le capot et même si je le savais, je ne vois pas très bien à quoi ça m’avancerait. J’ai vu le moteur de ma voiture un jour, par hasard : c’est très laid, c’est tout noir, ça ne sent pas bon et ça ne ressemble à rien de connu. La seule chose que je sais sur la question, pour l’avoir lue dans un Gil Jourdan, c’est qu’il ne faut pas balancer des clés dans un moteur, sinon ça coupe tout. J’ajouterais que, si on balance les clés sur le moteur, ce qui est déjà une drôle d’idée, il faut éviter ensuite de refermer le capot, sinon, on ne peut plus rentrer chez soi, mais cela nous éloigne du féminisme. Donc, en cas de panne de bagnole, désolée Mesdames, moi j’appelle Mon Chéri. Ou un dépanneur. Ou j’enfile ma mini-jupe et je hèle le premier venu. C’est moche, ça blesse la sororité outragée, tout ce que vous voulez, mais je ne vais pas me les geler pendant deux plombes penchée sur ce maudit moteur !

Là où ça va être chaud aussi, c’est quand il faudra programmer ce maudit lecteur/enregistreur intégré. Je ne sais pas qui a inventé ce machin qui permet tout et qu’il faut tutoyer gentiment pour qu’il daigne s’allumer, mais une chose est certaine : il a rendu inoubliable Pierre Sabbagh et « Au théâtre ce soir » où l’on n’avait qu’à s’asseoir et appuyer sur le gros bouton.

Toujours dans le cadre d’une répartition harmonieuse des tâches ménagères, il va falloir que je range la cave pendant que l’homme de ma vie joue au Scrabble avec les mômes. C’est contrariant : je n’aime ni la poussière, ni les araignées, ni la manutention lourde. Je préfère le Scrabble.

Après cela, tandis que Mon Chéri marinera dans son bain verveine/curcuma, je sortirai les poubelles.

J’espère qu’après tout ça, au moins, on baise ?[/access]

Juillet-août 2011 . N°37 38

Article extrait du Magazine Causeur



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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