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La grosse droite qui tache



Il y a quinze jours, sous les ors du salon Gabriel de l’Assemblée Nationale, un collectif de parlementaires fêtait sa première année d’existence. Son nom claque au vent tel un fanion : la Droite populaire. Connus pour leurs clins d’œil appuyés à l’électorat frontiste, les animateurs de ce mouvement de plaisantins bleus-bruns avaient organisé une réunion « saucisson vin rouge ». Ce nouvel happening n’est pas sans rappeler l’apéro « saucisson-pinard », provocation irritante rendue tristement célèbre par le Bloc Identitaire et Riposte Laïque en juin 2010. Sous prétexte de défendre la laïcité, cette démonstration de force de bouffeurs de cochon et de buveurs d’alcool excluait de fait les musulmans.

Quand on fait cette remarque à Jacques Myard, l’un des joyeux promoteurs de la Droite populaire, député-maire de Maisons-Laffitte, il se gausse : « Faut vraiment être tordu pour y voir du mal. Alors comme ça on ne pourrait plus prendre un coup de rouge et un morceau de camembert ? ». Naturellement, c’est la droite « franchouille », voire un brin rustique, qui célèbre bruyamment ce qui fait toute une part de notre identité… mais derrière l’idéologie roots (la politique du claquos…) se cachent des desseins peu louables, des prises de parole épaisses comme des tranches de Brie et un objectif pratique pour l’UMP, dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012 : capter une part de l’électorat du Front National.

Le mouvement, qui ne comptait qu’une quinzaine de sénateurs et députés à sa création, en dénombre aujourd’hui plus du triple. Ce collectif qui se présente comme « bordélique », « autogestionnaire » et « folklorique », a pourtant été reçu à deux reprises par Nicolas Sarkozy, en septembre 2010 et mars 2011, signe que son influence grandit.

Dans le contexte de la résistible ascension de Marine Le Pen, et d’un relatif assagissement de Nicolas Sarkozy, qui depuis peu délègue les basses œuvres à Claude Guéant, ces parlementaires saucisson à l’ail et cubitainer ont pris l’habitude de faire entendre la voix décomplexée de la phalange droite-droite de la droite de gouvernement. Jacques Myard claironne que la pesante Droite populaire est « une bande d’anarchistes de droite ». La notion, nébuleuse, est convoquée pour créer une atmosphère de sympathie fédératrice, dans laquelle on retrouve les bons mots de Michel Audiard et d’Antoine Blondin ainsi que les vitupérations d’Astérix le Gaulois.

Mais la position des membres la Droite Populaire sur la bi-nationalité aurait crispé Nicolas Sarkozy et Eric Besson- leurs jeunes épouses étant concernées par la question- ce qui les a rapidement contraint à faire rentrer ce lapin inopiné dans son chapeau.

Autre pomme de discorde, la peine de mort. L’un des cadors du mouvement, le député Lionnel Luca, se fait l’ardent défenseur de la peine capitale, dans certains cas épineux comme les crimes sexuels. L’élu donne, en ces termes, son sentiment au JDD sur le premier quinquennat de Nicolas Sarkozy : « Il y a encore du travail sur les questions d’immigration ou de sécurité. Il y a, par exemple, des bandes organisées dans les quartiers qui sont un fléau et il n’est pas possible de continuer ainsi. De ce point de vue, le kärcher n’a pas été passé. » Lionnel Luca et la « Droite populaire » voudraient aussi passer au nettoyeur haute pression allemand les signes d’ouverture à gauche émis par Nicolas Sarkozy. « C’est le péché originel qui n’a fait que troubler son électorat », explique Luca. Amen.

Les rebelles de poche de la droite ont notamment réussi à infléchir le débat sur la sécurité routière en conduisant le Ministre de l’Intérieur à revenir sur son projet de retrait des panneaux signalant les radars automatiques. Car ces punks du dimanche en costume trois pièces ne veulent pas que l’on tape les chauffards au porte-monnaie. En outre, la Droite populaire entend défendre les budgets de la Police et de la Défense nationale, contre la traumatisante RGPP [1. Révision Générale des Politiques Publiques, visant au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.], afin que l’Etat puisse faire régner l’ordre sur le pays. Aux dernières nouvelles, refusant que la France parte à vau l’eau, Lionnel Luca voudrait interdire la grève des cheminots quand il fait soleil.

Et si ces petits comiques grenouillant à la droite de la droite avaient tout simplement réinventé le poujadisme ? Poujade, vous savez, ce petit papetier devenu parlementaire oubliable, et champion des petits commerçants, qu’un certain Jean-Marie Le Pen accompagnait, quelque part dans les années 1950…

On suppute pour ces élus un avenir hasardeux, à la traîne de l’extrême droite et à l’ouest de toutes les autres orientations. L’un de leurs maîtres à penser, Michel Audiard, a fait dire à Lino Ventura dans les Tontons flingueurs que « les c… ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait ». C’est très vrai. Et l’hasardeuse Droite populaire, de prises de parole fantaisistes en écarts de langage laborieux, le prouve de jour en jour. Est-ce à ce prix médiatique exorbitant que l’UMP doit exister à côté du FN ? Espérons que non… Le gros rouge et le saucisson à l’ail… aïe.



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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