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Bac philo 2011


Si tu es un adolescent en fin de carrière qui, cette année, a laissé éclore, en cours de philosophie, ses premiers émois existentiels comme autant de petits boutons d’acné, ce matin tu en as bavé, puisque tes indignes parents t’ont maintenu quatre heures durant à l’écart de Facebook, de Lady Gaga et de ta wii pour te laisser seul, abandonné de tous, face à l’angoisse de la page blanche. L’angoisse de l’épreuve de philosophie du baccalauréat est passée. Maintenant, il ne te reste plus qu’à être terrorisé, car voilà, pour toutes les séries, les corrigés du bac philo, les vrais.

« Peut-on prouver une hypothèse scientifique ? » Evidemment, si tu n’as pas lu les oeuvres complètes des frères Bogdanov, tu ne peux rien comprendre à cette question. L’hypothèse : les frères Bogdanov sont les plus grands scientifiques français de tous les temps. La preuve : ils sont les plus invités à la télévision. Après ça, il n’y a pas grand chose à rajouter.

« L’homme est-il condamné à se faire des illusions sur lui-même ? » L’homme, certainement pas, mais la femme oui. Prenez Anne Sinclair : c’est le genre de fille à se faire des illusions sur un homme qu’on veut condamner.

« La culture dénature-t-elle l’homme ? » Ce qui est sûr, c’est qu’elle peut parfois tacher. Vous êtes invité à un vernissage. Il y a du monde. Un inconnu vous bouscule et vous voilà avec votre chemisier maculé de vin rouge. Vous avez beau courir aux toilettes, essayer de nettoyer les dégâts : le vin rouge ça ne part pas comme ça et vous vous retrouvez dans de beaux draps. La culture ne dénature pas l’homme, mais elle le tache sacrément.

« Peut-on avoir raison contre les faits ? » Avec un bon avocat, toujours. Et quand un seul avocat ne suffit pas, tu en prends deux.

« La liberté est-elle menacée par l’égalité ? » Vu que ni l’égalité ni la liberté n’existent, ça simplifie les choses, sauf à la cantoche. Dans un monde où l’égalité régnerait, tout le monde mangerait des frites à midi. Mais si tout le monde mange des frites, où est ma liberté de choisir ce que je veux manger ? Prenons donc l’exemple inverse : dans un monde où la liberté régnerait, tout le monde pourrait manger ce qui lui plaît, donc tout le monde mangerait des frites à la cantine. On peut donc en conclure que la liberté et l’égalité, ça donne la frite.

« L’art est-il moins nécessaire que la science ? » Non, absolument pas. L’art est beaucoup plus nécessaire que la science : on aurait dû d’ailleurs subventionner des plasticiens pour décorer la centrale de Fukushima, plutôt que de s’occuper de la sécurité du réacteur.

« La maîtrise de soi dépend-elle de la connaissance de soi ? » Quand Socrate parcourait l’agora athénienne et qu’il lançait à la cantonade : « Connais-toi toi-même ! », on lui répondait souvent : « Et ta soeur ! » Eh bien Socrate gardait la maîtrise de lui-même. Pas simplement parce qu’il était du genre chochotte et n’osait pas provoquer la castagne, mais le gars avait une grande maîtrise de soi.

« Ressentir l’injustice m’apprend-il ce qui est juste ? » Oui, d’ailleurs, viens là, tu as été un très méchant garçon, je vais te donner la fessée.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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