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Tolkien: le bon, le beau et le juste

Le film sur la vie du père de la fantasy est sorti cette semaine en salles


Tolkien: le bon, le beau et le juste
Nicholas Hoult et Derek Jacobi (de dos) dans Tolkien. Capture d'écran Youtube.

Sorti le 19 juin en salles, le film Tolkien raconte les jeunes années du père de la fantasy. Un film qui esquisse avec subtilité l’esprit de l’auteur du Seigneur des Anneaux.


John Ronald Reuel Tolkien. Voilà un nom que quatre générations de lecteurs, et de spectateurs depuis les films de Peter Jackson, ont prononcé tout bas, émerveillés par les histoires fantastiques qu’il leur avait racontées. Voilà un écrivain qui a fondé un genre littéraire, obligeant toujours ses continuateurs à se définir par rapport à lui. Tolkien est un mythe que des enthousiastes de tous horizons ont étudié et entretenu – et qui a suscité le mépris de tous les prétentieux, avides de faire montre de leur culture « élitiste ».

Un film qui n’a pas enchanté tout le monde

Les attentes étaient donc importantes vis-à-vis du film de Dome Karukoski, qui s’attache à raconter la jeunesse de Tolkien, avant qu’il ait publié ses œuvres. Jeunesse qui, en soi, n’a rien d’extravagant : très tôt orphelin, élève studieux, excellent étudiant plongé dans des livres en vieil anglais. Puis vient le choc de la Grande Guerre. Là s’arrête le scénario, plus de quinze ans avant la parution du Hobbit, et plus de trente avant celle du Seigneur des Anneaux.

Sur ce pari, les avis sont très partagés. Certains louent l’élégance et la poésie de la réalisation. L’anglais, en particulier, est impeccable, de la toute première scène qui montre un délicieux et euphémistique dialogue autour des « impeculiar circumstances » (c’est-à-dire, prosaïquement, la misère) de la famille du jeune Tolkien, à une étonnante conversation que, étudiant, il entretient avec son professeur de philologie, si pleine de ce qu’on a coutume d’appeler « l’humour anglais ». D’autres critiques soulignent quelques longueurs, ainsi que des libertés prises avec la vie de l’écrivain (entre autres, la quasi absence de mention du catholicisme de Tolkien, qui a pourtant eu dans son écriture une influence déterminante). Mais on peut dire qu’au fond, Karukoski parvient à saisir avec justesse le souffle qui anime l’auteur du Seigneur des Anneaux. Dans les jeunes années qui nous sont dépeintes, on découvre un Tolkien plein de droiture, aux affections simples et franches, à l’esprit brillant et imaginatif ; on voit se façonner peu à peu son amour des langues et des récits médiévaux, avec sa mère puis à l’université d’Oxford.

Le film use d’un constant aller-retour entre l’expérience de Tolkien de la première guerre mondiale et les années antérieures, soit ses années d’école et d’université. Là naît un amour profond pour celle qui partagera toute sa vie, Edith. Là se forme aussi une gentlemen’s society entre lui et trois de ses amis, célébrant l’art et l’amitié fraternelle, ceci sans manquer d’employer quelques charmantes formules convenues. A la guerre, errant dans les tranchées, voyant dans les volutes de fumée des explosions les formes de dragons rugissants et de cavaliers infernaux, le contraste est total : Tolkien est le gentilhomme perdu dans un monde désormais massifié et mécanisé, où la beauté est écrasée et la mort industrielle.

Le bien, le mal et les idéaux

Mais contrairement à la majorité des écrivains des années qui suivirent, il n’adoptera pas pour autant la sempiternelle posture qui consistera, avec répétition et méthode, à salir le genre humain. La plupart des pédants critiques littéraires des années 50 – qui se gargarisaient d’absurde et de « romans engagés » – moquaient Le Seigneur des Anneaux en disant que Don Quichotte avait mis fin aux niaiseries des romans de chevalerie. Pourtant, contre le nihilisme dominant, armé de hobbits, elfes et nains, Tolkien réactualisera la beauté d’écrire le combat mythifié du bien contre le mal.

C’est la philosophie, simple et sereine, que Karukoski parvient à mettre en lumière dans son film : l’écrivain anglais restera l’idéaliste de ses jeunes années. Idéalisme qu’on ne doit évidemment pas confondre avec ses grossières parodies que sont le normativisme moralisateur des philosophes allemands, ou la candeur du paradigme des relations internationales du même nom. Cet idéalisme est personnel et aristocratique ; il se traduit, dans les œuvres de Tolkien, dans une sombre esthétique de la chute. Mais aussi dans la possibilité d’énoncer, avec autant de fermeté que de finesse, qu’il est possible à l’homme de choisir la voie du bon, du beau et du juste.

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