Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…
Ma sauvageonne me fit part de sa folle envie de sortir. Ce soir-là, je me sentais un peu fatigué. « Mais ce que femme veut, Dieu veut », songeai-je, résigné. « Ok, mais on va au O’Bélu ! », lui répondis-je en reprenant du poil de vieux yak. « Mais bien-sûr ! », explosa-t-elle, ravie, en secouant sa jolie chevelure blonde et ébouriffée. Firmin, notre valet, prépara le fiacre et notre jument Yvonne, et nous partîmes à vive allure vers le quartier Saint-Leu. Destination : notre bar préféré. Comment pourrait-il en être autrement ? O’Belu se trouve en bord de Somme, sur le quai éponyme. Il est tenu, depuis mars dernier, par le sympathique Jean-Baptiste, dit J.B., un tout jeune homme, ancien ingénieur en système embarqué, originaire de Pont-Audemer, qui s’est tellement amouraché de la capitale picarde qu’il a tout plaqué pour reprendre ce sacré bistrot. En compagnie d’une équipe de huit personnes l’été, il en a fait l’un des lieux les plus conviviaux, les plus singuliers, où il fait bon se restaurer en terrasse ou déguster une délicieuse moules-frites ou un saucisson au Beaufort. (Bien d’autres plats sont proposés). Ses cocktails sont un régal. Ma Sauvageonne en raffole. Et la bière ; parlons-en de la bière ! Elle est tellement succulente que je suis contraint, à chaque fois que nous nous y rendons, d’éloigner Yvonne, notre fidèle jument, dipsomane qui, dès qu’elle met le museau dedans, ne sait plus s’arrêter. A titre personnel, je vous recommanderais La Goudale pression, 7,5°, qui rafraîchirait un régiment de cosaques égarés dans le Sahara en plein été.


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J’adore aussi l’endroit car, depuis la terrasse, on peut y contempler la Somme et apercevoir chevesnes, vandoises et rotengles remonter le courant entre deux eaux. (A chaque fois que je suis confronté à cette situation, mon petit coeur de pêcheur à la ligne bat la chamade comme si j’étais en train de capturer un silure de deux mètres). C’est encore au O’Bélu que j’ai l’habitude de retrouver mon bon copain David Carr-Brown, documentariste renommé, établi à Amiens depuis quelques années, et que m’a fait connaître Arnaud Viviant, mon ancien confrère de Best, aujourd’hui critique au « Masque et la Plume » sur France Inter. David n’était pas là, mais nous eûmes le plaisir d’accueillir Sylvain, dit Sly, chanteur des Rabeats, à notre table. Plaisir aussi d’écouter avec attention le duo Sasha & Farid. La première chante d’une fort jolie voix soul et bluesy ; le second joue avec talent du saxophone (alto et ténor). « Notre répertoire propose une large palette qui va du jazz à la chanson en passant par le métal acoustique et le rock », expliquent-ils. Ils jouent, bien-sûr, aux terrasses des cafés et restaurants de la ville de Jules Verne (et de Choderlos de Laclos ; on oublie trop souvent que l’auteur des Liaisons dangereuses, est né à Amiens) ; ils animent aussi des mariages et des anniversaires. Ce soir-là ils nous gratifièrent notamment d’une version de « Bella Ciao » qui eût transporté de plaisir les camarades de la section PCF de Tergnier, d’une autre de « Minor Swing », de Django Reinhardt, et de chansons de Stevie Wonder et de la délicieuse et regrettée Amy Whinehouse. Un régal ! Ce duo regorge de talent. A noter que Sasha joue dans un autre groupe (Soulful Dream) et qu’elle est spécialiste des cocktails. A la vôtre !
(Contacts : Farid au 06 59 49 52 61 ; berrehail.farid@gmail.com)
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