Saint Amour, un film-gueuleton


Saint Amour, un film-gueuleton

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Ceux qui ont vu les six films précédents du tandem Delépine/Kervern ne seront nullement surpris en découvrant Saint Amour. D’emblée, on y retrouve leur univers peuplé de personnages excentriques et décalés, leur goût pour les virées sans but, leur humour minimaliste et cru. Après un prologue au Salon de l’Agriculture où Jean (Depardieu) est venu présenter l’une de ses vaches en compagnie de son fils Bruno (Poelvoorde), nos deux zigues embarquent à bord d’un taxi et décident de faire le tour de France des grandes régions viticoles.

Pour Jean, c’est l’occasion inespérée de se rapprocher de son fils et de le convaincre de reprendre l’exploitation agricole familiale. Pour les cinéastes, c’est une manière de renouer avec un cinéma itinérant qu’ils avaient déjà tenté avec Mammuth et, d’une certaine manière, Near death experience.

Saint Amour n’est sans doute pas un film sans défauts mais il ne mérite pas non plus l’opprobre. On peut regretter que les deux compères cinéastes aient (momentanément ?) abandonné le minimalisme kaurismäkien et les gags purement visuels au profit d’une mise en scène un peu plus passe-partout. Comme toujours, on peut aussi souligner le fait que ce film, comme les précédents, est plus une succession de petits sketches qu’une œuvre accomplie. Mais comme je reste persuadé que le droit à la paresse est le plus inaliénable de tous les droits, je ne vois pas au nom de quelle morale de journaliste économique (du Monde ou de Libération au choix : ce sont les mêmes !) nous viendrions reprocher aux cinéastes une certaine désinvolture éthylique.

Entre les premiers Blier – une certaine crudité et Depardieu obligent – et Le Plein de super de Cavalier, Kervern et Delépine embarquent trois paumés dans un road-movie plutôt drôle et non dénué d’une certaine tendresse. Le film fonctionne d’abord grâce aux acteurs : cela faisait longtemps que Depardieu n’avait pas été aussi sobre (sans mauvais jeu de mots) et fragile en dépit de sa masse corporelle impressionnante (qui nous vaut d’ailleurs l’un des seuls gags visuels – très réussi – du film). Face à lui, Poelvoorde est en roue libre mais il est très drôle, tout comme Vincent Lacoste qui fait une belle entrée dans l’univers des paumés chers à Kervern et Delépine.

L’intérêt du film vient aussi, bien évidemment, des rencontres incongrues que ce trio va faire au cours de son périple. Au-delà des apparitions surprises de grands noms du cinéma (Chiara Mastroianni, Andréa Ferréol…) ou de copains complices (Houellebecq, Ovidie…), il faut bien reconnaître que les cinéastes ont de bonnes idées à revendre. De mon côté, j’adore la séquence avec Solène Rigot, petite serveuse qui prend au pied de la lettre les prévisions catastrophistes des chiens de garde du sérail médiatique et qui se met à faire une crise de nerf parce qu’on n’arrivera jamais à « rembourser la dette » ou à réduire les « déficits à 3% ». Le passage est très drôle et la plus prometteuse des jeunes actrices est absolument parfaite.

Il ne serait pas si difficile que ça de faire un inventaire à la Prévert de toutes ces bonnes idées : un répondeur téléphonique comme dernier lien avec une femme (et mère) aimée, une sœur jumelle peu commode, un Houellebecq hilarant en propriétaire de chambres d’hôtes, etc. Lorsque arrive la rencontre avec Céline Sallette, on songe énormément à Préparez vos mouchoirs de Blier, à savoir la veine la plus tendre du cinéaste sous les atours de la provocation.

La fin, un peu naïve, n’est sans doute pas à la hauteur mais dans l’ensemble, on a le sentiment de sortir, en bonne compagnie, d’un bon gueuleton joliment arrosé…

 

Saint Amour, de Benoît Delépine et Gustave Kervern. En salle.



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est cinéphile. Il tient le blog Le journal cinéma du docteur Orlof

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