Quand la Catalogne ne dit pas Non!


Quand la Catalogne ne dit pas Non!

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L’Écosse vient de dire « non » à l’indépendance, et l’on est désormais fixé sur son sort. Dans le cas de la Catalogne, la question demeure, hypothéquant l’avenir.

Quelques certitudes ont été anéanties, le 11 septembre, dernier quand les Catalans ont commémoré le tricentenaire de la chute de Barcelone face au premier Bourbon d’Espagne. Le V de la victoire formé par une foule sur 11 kilomètres, censé annoncer la future victoire  de l’indépendance a reçu l’afflux de centaines de milliers de manifestants : entre 470 000 et 500 000 selon la Police, 1 800 000 d’après les participants. Comment expliquer un succès que les commentateurs peinaient à envisager quelques jours auparavant ? Les accusations d’enrichissements illégaux à l’encontre de Jordi Pujol, l’ancien président tout-puissant de la Generalitat, semblaient pourtant avoir réduit à néant l’argument le plus répandu dans les rangs indépendantistes :« l’Espagne nous vole! ». En l’occurrence, l’ennemi était intérieur.

Pedro Sánchez, le quadra nouveau secrétaire national du PSOE, peut-être parce qu’il appartient à une nouvelle génération, est peut-être celui qui a lui tenu les propos les plus lucides pour expliquer la réussite de la mobilisation. Il décrit « beaucoup de volonté,et aussi beaucoup d’aspirations: une crise sans fin, un travail qui n’arrive pas ou qui est indigne, il y a les inégalités, il y a une fatigue de la politique et de la corruption » . Le premier des socialistes ne va cependant pas jusqu’à remonter trop en arrière et évite de pointer la part de responsabilité de son parti. En 2007, la majorité de José-Luis Zapatero avait en effet passé un pacte avec les nationalistes catalans, les laissant fixer seuls une nouveau statut d’autonomie pour la Catalogne, en échange d’un soutien aux Cortès et au gouvernement de Madrid. Une fois ratifié par la vote populaire – avec certes une participation ne dépassant pas 40%, le Parti Populaire de Mariano Rajoy, alors dans l’opposition, avait porté l’affaire devant le Tribunal Constitutionnel qui censura très vite le texte. Un texte pourtant déjà ratifié par le peuple ! Chacun des deux grands partis rejette aujourd’hui sur l’autre la responsabilité d’une situation peut-être désormais hors de tout contrôle.

L’imprudence du PSOE, puis la provocation du PP ont mené l’Espagne à une impasse, face à laquelle s’accroît chaque année la mobilisation d’une partie de la société catalane usée par l’incompétence de ses anciens décideurs. Pedro Sánchez n’en ignore rien, qui voit l’Espagne « aux portes d’une crise d’État ». La ligne de défense de Mariano Rajoy, elle, est enfoncée. En témoigne la réaction du numéro deux de son gouvernement. L’an dernier, après le succès d’une première grande manifestation, la vice-présidente Soraya de Santamaría défendait bec et ongles la « majorité silencieuse » des Catalans. Vendredi 12 septembre, elle était contrainte de s’incliner devant « le droit à manifester », assurant ainsi une sorte assurer service minimum de la démocratie. Avec tous les risques que celle-ci peut maintenant courir. L’observateur étranger du 11 septembre à Barcelone a pu voir les avenues de la Gran Vía et de la Diagonal envahies par une foule jeune et joyeuse, remuante et unie derrière un seul drapeau et un seul mot d’ordre : »indépendance! ». Profitant de la logistique remarquable d’une journée de mobilisation – à laquelle étaient curieusement associés quelques autobus du conseil général des Pyrénées-Orientales… -, les manifestants exprimaient un pur sentiment nationaliste, étonnant pour un Européen du XXIe siècle éduqué aux seuls impératifs de « la bonne gouvernance » ! Les sondages n’annoncent encore la victoire du « oui » lors de la consultation sur l’indépendance prévue en Catalogne le 9 novembre prochain. Une sentence du Tribunal Suprême peut même encore, du reste, suspendre la tenue d’un référendum camouflé derrière cette « consultation » régionale.

Une dynamique a bien pris corps dans la société catalane. Dans une tribune publiée dans El País, le journaliste Javier Cercas, spécialiste incontesté de la transition démocratique espagnole, s’inquiète déjà de voir la logique de la confrontation l’emporter sur toute volonté de débat. À l’auteur de ces lignes, qui parcourrait jeudi les artères de Barcelone, une catalane pas encore sûre de ses choix à venir, confiait l’étonnement d’avoir vu son frère offrir récemment le drapeau catalan frappé de la croix blanche de l’indépendance à sa petite amie originaire de Barcelone, lui un électeur de toujours du Parti Populaire et de Rajoy. Signe qu’au pays de Rodrigue, la passion est en passe de gagner toute la société.

*Photo : DR.



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est chercheur en sciences de l'éducation.

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