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Philippe Poutou, agent de Macron


Philippe Poutou, agent de Macron
Philippe Poutou lors du débat présidentiel du 4 avril 2017. SIPA. 00801028_000012
Philippe Poutou lors du débat présidentiel du 4 avril 2017. SIPA. 00801028_000012

Le lendemain du débat de mardi, le mainstream macroniste multipliait les spasmes de ravissement concernant la prestation de Philippe Poutou. Relayé par le gauchisme mondain, s’esbaudissant sur la « performance » de Philippe Poutou et la saluant de sonores « bravo camarade ! Merci camarade ! » Pour avoir rejoint Benoît Hamon, dans la volonté de foutre l’immunité parlementaire par-dessus bord alors qu’elle est une conquête démocratique. Trop transgressif ! Pour avoir défendu l’UE. Trop internationaliste ! Pour avoir refusé d’être sur la photo de groupe. Trop rebelle ! Pour être venu ostensiblement en pyjama débraillé sur le plateau. Trop rigolo !

Mais la vraie raison est ailleurs, Philippe Poutou ayant soigneusement fait ce pourquoi, trotskiste folklorique, il est à chaque élection présidentielle et disparaît entre-temps. Cette fois-ci c’était donner un coup de main à Macron. Et au passage si possible piquer des voix à Jean-Luc Mélenchon.

L’immunité parlementaire est une « immunité ouvrière »

Revenons d’abord sur la séquence qui plonge les petits-bourgeois dans le ravissement. Regardant alors François Fillon et Marine Le Pen jusqu’à présent protégés par leur immunité parlementaire, non pas des poursuites, mais des mesures de coercition rêvées par les très impartiaux PNF et Pôle financier, Philippe Poutou a lancé : « lorsque je suis convoqué au commissariat, je ne suis pas protégé par une immunité ouvrière ».


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Et les ignorants de s’esclaffer. Mais ce n’est pas l’attitude de la juridiction d’exception acharnée à aider Macron à être élu qui lui pose un problème, c’est l’existence de l’immunité parlementaire. Dites donc Monsieur Poutou si vous étiez parlementaire vous en bénéficieriez, et heureusement. L’immunité parlementaire, principe démocratique issue de la séparation des pouvoirs, existe pour que l’élu du peuple puisse exercer librement son mandat. À l’abri des pressions de l’exécutif et du judiciaire. Ce n’est pas un sauf-conduit pour pouvoir commettre des infractions, cette présentation est stupide. C’est l’Assemblée elle même qui peut la lever. Mais avec Poutou, plus besoin d’élections et de mandat populaire, ce sont Eliane Houlette et Serge Tournaire qui doivent décider qui peut siéger. Lorsque les organisations ouvrières faisaient élire des députés, l’immunité parlementaire était un outil précieux qui les mettait à l’abri de l’arbitraire. Cette immunité est une conquête démocratique, qui est bien une « immunité ouvrière » lorsqu’elle protège des « parlementaires ouvriers ». Et pour qui connaît l’histoire du mouvement social, ce qui n’est pas le cas de Philippe Poutou, cette disposition a été précieuse à plusieurs reprises.

Il y a ensuite l’amour partagé avec Nathalie Arthaud de l’Union européenne, euro-enthousiasme qui repose sur le postulat selon lequel le Capital européen a atteint son stade suprême d’intégration via l’UE et doit donc être combattu par le monde du travail à l’échelle européenne. Alors que c’est justement l’incapacité de l’UE à réguler la compétition entre les bourgeoisies européennes qui rend l’UE obsolète. Cet aveuglement pour un soi-disant marxiste de l’évidence selon laquelle c’est d’abord sur le terrain national qu’il faut combattre le capitalisme national est caractéristique d’une étonnante capacité à l’ineptie politique. Comme lorsque le même Poutou, se lançant dans la mécanique quantique prétend qu’une musulmane peut être voilée et féministe, comme le chat de Schrödinger vivant et mort à la fois.

L’habit ne fait pas l’ouvrier

Et puis bien sûr, il y a eu la tenue et le refus d’être sur la photo de groupe. « Je suis ouvrier, alors je viens dans un dépenaillé cradoque, parce qu’un ouvrier c’est sale et mal habillé ».

Sur ce dernier point, m’est revenu un souvenir cuisant. Jeune avocat, j’étais collaborateur chez le premier bâtonnier communiste de l’ordre des avocats. Au barreau de Bobigny, bien sûr, puisqu’il exerçait dans le neuf-trois. Je me rappelle comment, il avait découpé l’article du Monde qui annonçait son élection pour l’envoyer fièrement à ses parents, ouvriers. Tous les samedis, j’enchaînais des permanences juridiques en mairie d’Aulnay-sous-Bois, de Bobigny, et de Sevran,  toutes encore des communes ouvrières. J’apportais la bonne parole juridique à une soixantaine de personnes qui défilaient dans le petit bureau qu’on m’avait attribué. La première fois, considérant que le samedi on pouvait être un peu plus détendu, j’avais adopté ce qu’on appelle aujourd’hui le Friday wear. Blazer, chemise sans cravate.

Fatale erreur ! Le bâtonnier m’attendait pour me présenter au personnel municipal. Toute ma vie je me souviendrai de la mâchoire crispée à ma vue, et de ce que j’ai entendu : « Monsieur de Castelnau (en insistant sur la particule) vous êtes avocat, et c’est en tant qu’avocat que vous venez parler à ces gens, pour essayer de les aider. Et c’est à l’avocat qu’ils viennent se confier, pas à un copain. Vous êtes prié de venir habillé convenablement, je dirais « pimpant », ce sera votre façon de leur montrer que vous les respectez ». Rien que de me rappeler cette phrase j’ai encore les joues qui chauffent et les oreilles qui sifflent.

Alors Monsieur Poutou, les règles vestimentaires ont évolué vers un peu plus de détente et c’est tant mieux, mais lorsque l’on prétend représenter les ouvriers et être l’un d’entre eux on évite de se déguiser et de venir sur les plateaux en caleçon. Certes, cela fait glousser et frétiller les petits-bourgeois, mais c’est alimenter une forme de mépris social.

Tout cela n’est pas très honorable.



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