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Oui, Wagner était antisémite !


Wagnérolâtres et wagnérophobes n’ont pas fini de s’empailler au sujet de l’antisémitisme du génial créateur, les uns le niant ou le minorant tandis que les autres ne voient que lui. La parution du Wagner contre les Juifs de Pierre-André Taguieff devrait éteindre cette querelle. Dans cette somme enrichie d’écrits du musicien-philosophe, et notamment d’une nouvelle traduction de La Juiverie dans la musique (publié sous pseudonyme en 1850), Pierre-André Taguieff, avec la méticulosité qu’on lui connaît, montre que si Wagner ne fut pas un proto-nazi, il fut bel et bien antisémite et que la puissance, tant intellectuelle que musicale, de son œuvre aura marqué un siècle au cours duquel la germanité s’est construite contre la France et contre les Juifs avant d’inspirer les idéologues racistes du Troisième Reich.[access capability= »lire_inedits »]

Taguieff se concentre sur l’œuvre écrite de Wagner (essais, articles, poésies), les journaux de sa dernière épouse, Cosima[1. « Il rêve de Juives qui se moquent de lui » ou « de Juifs qui deviennent de la vermine », note Cosima.], une partie de leur correspondance, des témoignages et enfin sur ces opéras qui seront instrumentalisés par la propagande de Hitler et Goebbels. De cette exploration, il tire la certitude que l’antisémitisme du compositeur ne fut pas seulement « culturel », mais bien politique et racial : l’érection du Juif en figure répulsive fut pour Wagner un révélateur paradoxal de l’identité allemande, invitée à une régénération esthétique, religieuse, sociale et même linguistique, étant donné son aversion pour le yiddish.

En introduisant le terme « enjuivement » (« triple processus d’invasion, d’influence culturelle corruptrice et d’exploitation économique »), dans le monde intellectuel de 1850, Wagner a fourni des arguments à son gendre Houston Stewart Chamberlain, l’un des principaux représentants du pangermanisme, aussi bien qu’au théoricien nazi Alfred Rosenberg.

La haine que Wagner voue aux Juifs prend sa source dans sa rancune envers qu’il voue à Giacomo Meyerbeer, compositeur juif surnommé le « Rothschild de la musique » qui fut aussi son protecteur, et dont quelques talentueux mélomanes osèrent comparer les productions à celles de Wagner lui-même – crime impardonnable. Résultat, Wagner est convaincu qu’il est menacé par un complot critique juif ourdi voire financé par Meyerbeer. Il est vrai qu’il ne prôna jamais l’extermination physique des Juifs et qu’il ne goûtait guère les idées des antisémites radicaux de son entourage. Du reste, Pierre-André Taguieff dissocie clairement antisémitisme wagnérien et wagnérisme antisémite. Refusant de céder à la facilité de la reductio ad hitlerum, il travaille ici en historien, pas en idéologue.[/access]

Pierre-André Taguieff, Wagner contre les Juifs, Berg International Editeur, 22 euros.

Mai 2012 . N°47

Article extrait du Magazine Causeur



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Isabelle Kersimon est journaliste.

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