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Le Mali, c’est pas fini !


Le Mali, c’est pas fini !

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La reprise des combats à Gao, à l’initiative des islamistes de Mujao et de francs-tireurs embusqués, montre à quel point Laurent Fabius a été imprudent en annonçant que les troupes françaises se retireraient du Mali à partir de mars. Du coup, les images de François Hollande, acclamé par la population de Tombouctou, ne sont pas sans rappeler le triomphalisme de George W. Bush après la prise de Bagdad : le 1er mai 2003, sur le porte-avions nucléaire USS Abraham Lincoln, le président américain avait déclaré, un peu précipitamment, que la mission en Irak était « accomplie ».
On avait à l’époque beaucoup critiqué George W. Bush : l’unilatéralisme des États-Unis, le prétexte de la guerre contre le terrorisme pour mettre la main sur le pétrole irakien, le bretzel avalé de travers, etc. On pourrait reprendre aujourd’hui certains de ces arguments, alors que la France semble bien seule au Mali et qu’elle a besoin de sécuriser les alentours des mines d’uranium du Niger. George W. Bush et François Hollande ont donc crié victoire trop tôt; sans doute la précipitation de technocrates qui ont l’habitude de raisonner en terme de territoires – que l’on administre ou que l’on prend à l’ennemi. Ça sent la fin du dix-neuvième siècle, quand l’armée française, dirigée par les colonels Gallieni et Archinard, en remontant le fleuve Niger jusqu’à Tombouctou, mettait fin à l’épisode djihadiste – déjà – de l’Empire Toucouleur et repoussait les Touaregs vers le massif des Iforas. Aujourd’hui, on en est encore là ! Or, à travers l’idée que l’on gagne un conflit parce que l’on a conquis un territoire, on exprime une conception conventionnelle de la guerre: on oublie que des terroristes, qui n’ont pas d’uniforme et qui peuvent frapper à tout moment se trouvent sans doute encore dans les villes libérées. Comment George W. Bush et François Hollande, qui ont tous les deux déclaré la guerre au terrorisme, ont-ils pu l’oublier ?
C’est l’occasion de mesurer combien la guerre a évolué au cours des dernières décennies. Elle oppose de moins en moins des nations. Il était une époque où l’on faisait la guerre à des idéologies : on se battait contre le nazisme ou contre le communisme. Aujourd’hui, sans doute parce qu’on est forcément tolérant, on ne se bat plus contre des idéologies ou des croyances, et on se garderait bien de les nommer, pour ne pas les stigmatiser. Désormais, on se bat contre le terrorisme, c’est-à-dire contre une façon d’utiliser la violence. Des champs de bataille, la guerre s’est déplacée dans les villes et tue toujours plus de civils, au point de rendre la convention de Genève légèrement obsolète. Les conflits sont ainsi devenus asymétriques : des États forts, bien intégrés à la mondialisation, se retrouvent opposés à des groupes armés qui n’ont aucun intérêt à mener une guerre conventionnelle, car ils sont beaucoup plus faibles. Cette asymétrie favorise le terrorisme et la guérilla, et incite l’ennemi à pratiquer l’esquive. Cela nous donne l’impression que les soldats français de l’opération Serval progressent un peu trop facilement dans le désert. La supériorité technologique permet certes de reprendre des territoires et des les occuper mais elle ne garantit pas la victoire, car l’adversaire, de toute façon, ne s’estimera jamais vaincu. Aucun missile intelligent ne pourra empêcher un kamikaze de faire exploser son véhicule, comme c’est déjà arrivé plusieurs fois ces derniers jours à Kidal. Le conflit asymétrique met en évidence les différences entre les adversaires : les statuts, les moyens employés, les méthodes et les valeurs ne sont évidemment pas les mêmes. L’adversaire n’a pas les mêmes critères de victoire ou de défaite. Car, comme l’explique Jacques Baud dans La Guerre asymétrique ou la défaite du vainqueur [1. Jacques Baud, La Guerre asymétrique ou la défaite du vainqueur, Editions du Rocher, 2003], les guerres asymétriques « visent davantage à influencer et à infléchir qu’à conquérir ». Finalement, c’est comme si les terroristes avaient réussi leur coup : ils sont arrivés à attirer la France sur le terrain du choc des civilisations cher à Samuel Huntington. N’est-ce pas le message envoyé par les shebab somaliens, quand ils ont diffusé sur twitter la photo de la dépouille du soldat français tué au combat ? Ils avaient bien pris soin de mettre en évidence le crucifix qu’il portait en pendentif autour du cou et avaient lâché ce commentaire perfide : « A return of the crusades, but the cross could not save him from the sword ». Aussi, du Mali à la Somalie, en passant par le Nigeria, tous ces groupes terroristes, mi-islamistes mi-crapules, pourtant de nature fort différente, donnent aujourd’hui l’impression d’être unis contre la France. En ouvrant en même temps deux fronts contre un terrorisme qui semble mondialisé, au Mali et en Somalie, François Hollande ne confirme-t-il pas les thèses que les néo-conservateurs américains avaient développées après les attentats du 11 septembre 2001 ? Quand on y pense, il y a de quoi s’étrangler avec son bretzel.

*Photo : Magharebia.



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