Entretien avec Bernard Rougier, spécialiste du Moyen-Orient arabe et enseignant à l’université d’Auvergne et à Sciences-Po Paris.
Causeur. Y a-t-il un ou des profils du militant djihadiste ?
Bernard Rougier. On manque de matériaux empiriques sur la galère des banlieues, l’influence des discours religieux, le rapport complexe aux institutions républicaines des enfants de l’immigration maghrébine, le poids des réseaux locaux… Schématiquement, il y a d’abord les intellectuels, dont le rôle est de passer la réalité française au crible, avec un recodage religieux de la société. De jeunes diplômés de l’université française « déconstruisent » l’histoire de la République et font le lien entre le relativisme postmoderne à la mode dans les sciences sociales et un islamisme de rupture avec la société globale. L’autre catégorie correspond au profil du paumé, du jeune déscolarisé au collège, en survie précaire grâce aux dispositifs de l’aide sociale ou à l’accès aux petits boulots. Lecture assidue des textes fondamentaux, apprentissage de la langue arabe, le djihadisme accomplit ce que l’école a manqué : le sens du travail et une rigueur intellectuelle – sélective !
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Pourquoi, selon vous, cette radicalisation par quartier ?
À la façon du communisme municipal des années 1950, des écosystèmes islamistes maillent l’espace local, en combinant lieux de culte, de restauration ha