L’attitude moralisatrice et condescendante de nombreux responsables progressistes à l’égard du parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen — sans jamais tenter de comprendre ni de répondre aux attentes de ses électeurs — ne fait, selon notre chroniqueur, que contribuer à le renforcer. Olivier Faure parle haut, mais écoute peu.
Entendant Olivier Faure, lundi 3 novembre, à la matinale de France Inter (voir ci-dessous), répondre à une auditrice lui enjoignant de tout faire pour empêcher l’arrivée au pouvoir du RN, que c’était effectivement son intention, je n’ai pas été surpris. La gauche et l’extrême gauche confirment, chaque fois qu’elles sont questionnées, et avant même de parler du fond de leur programme, que leur adversaire principal est le RN, et sur un ton tel qu’on pourrait le croire exclusif.
Opprobre un peu ridicule
Encore un exemple caricatural de ce clivage grotesque : LFI, le PS, les écologistes et les communistes ont refusé de participer aux réunions de négociation budgétaire au ministère chargé des relations avec le Parlement, en raison de la présence de la droite nationale ! Voilà ce qui s’appelle un comportement civique adulte !
Je comprends bien que la position dominante, actuellement, de ce parti dans les enquêtes d’opinion préoccupe ses opposants socialistes ou extrémistes de LFI, Jordan Bardella étant même légèrement mieux évalué que Marine Le Pen.
Pourtant, à chaque dénonciation, à chaque indignation, proférées au nom de la République, je ne peux jamais m’empêcher de songer à la multitude des citoyens qui font confiance à ce parti honni, à cette part considérable du peuple de France qui adhère aujourd’hui à un discours de moins en moins protestataire et de plus en plus empreint d’une contestation classique, civilisée et parfois difficilement lisible. Un parti doté, de surcroît, d’un groupe parlementaire qui ne fait pas honte à ceux qui l’ont élu.
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Il est évident que l’opprobre jeté, par un verbe fulminant, contre le RN n’aura pas la moindre incidence ni la moindre influence sur sa baisse, pourtant souhaitée. Les politiques qui abusent de ces facilités partisanes n’ont aucun doute sur l’inefficacité de leur procès mais ils s’en donnent ainsi bonne conscience. Pourtant, à l’écoute d’Olivier Faure, j’avais envie de lui demander : « Mais le peuple du RN, on en fait quoi ? » On a en effet l’impression que le contentement idéologique des responsables de ces partis du bon côté de la bienséance démocratique leur suffit, et qu’ils n’ont que faire de la masse de ceux qui n’ont pas encore, selon eux, l’esprit et les yeux dessillés.
Mépris
Ce n’est pas parce que ce formidable vivier est d’abord à la disposition de LR, si l’on s’accorde avec la stratégie de Bruno Retailleau, que les forces de gauche et d’extrême gauche doivent s’en désintéresser au point de donner l’impression de le mépriser. Jamais en effet – pas plus Olivier Faure que Manuel Bompard et encore moins Jean-Luc Mélenchon – ne semblent envisager la question de ces citoyens, selon eux égarés, ni la manière, éventuellement, de répondre à leurs attentes, à leur désespoir, pour qu’ils se détournent du RN et regagnent la voie « républicaine ».
Derrière cette indifférence, il y a du mépris : non seulement pour ces sinistrés de la politique, pour ces abandonnés en nombre d’une démocratie qu’ils récusent comme n’étant plus faite par et pour eux, mais aussi pour ce qu’ils pensent, désirent et refusent – et d’abord, pour leur exigence de sûreté et de tranquillité, à la fois personnelles et publiques.
On en fait quoi de ce peuple du RN ? Je crains que le progressisme, allant au bout de son indifférence et porté par les vents de l’Histoire admissible, ne réponde : « Rien », et qu’il s’en moque ! Olivier Faure, ce matin du 3 novembre, c’était cela : se sentir moral mais sans la moindre pollution ni promiscuité avec ce peuple du RN !




