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Un océan sépare les deux passagers d’un cargo

Alain Bron publie "Au creux de la vague"


Un océan sépare les deux passagers d’un cargo
Le romancier Alain Bron. DR.

Excellent ! Il n’est pas courant d’être aussi laudatif à propos d’un roman. Pourtant, que dire d’autre à propos de Au creux de la vague, dernier roman d’Alain Bron. Celui-ci a réussi son coup. Il nous donne un texte fort bien écrit, vif, qui, d’un bout à l’autre, tient le lecteur en haleine. Les personnages et les dialogues sonnent vrais ; les atmosphères vous enveloppent. La narration, simple, vous surprend. Et un humour irrésistible imbibe et rafraîchit cet opus singulier.

Tout les oppose

Alain Bron nous invite à suivre pas à pas Jacques Perrot, écrivain parisien, qui, un beau matin, décide de réaliser son rêve d’enfance : embarquer sur un cargo pour traverser l’Atlantique et gagner l’Amérique. Chez lui, point de challenge et encore moins de performance. « Mon plan pour devenir ni riche ni célèbre se déroule à merveille », songe-t-il. Voilà qui est dit. Rien d’étonnant ici ; Jacques n’est pas forcément un gagnant, lui qui considère sa vie comme une litanie de mauvaises options. « Lorsque, dix ans auparavant, il avait eu à se décider entre deux éditeurs, il avait jeté son dévolu sur l’un (par copinage) et écarté l’autre (par intuition). Force était de constater que son soi-disant flair s’était lourdement fourvoyé. Tandis que l’éditeur choisi, faute d’un bon distributeur, se battait pour ne pas mettre la clé sous la porte, l’autre caracolait en tête des ventes, raflait deux à trois prix par an, et menait grand train dans les salons les plus en vue. »

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Qu’importe ; il fonce en covoiturage vers Marseille, embarque sur le SooYun Pedro, un porte-conteneurs d’une flotte armée par la compagnie Reederei Konrad Heitz GmbH qui bat pavillon allemand. À bord, il constate qu’il n’est pas le seul passager ; Benjamin Brandt a eu la même idée que lui. Il se révèle d’abord peu loquace et peu sympathique. Ils parviennent tout de même à faire connaissance. L’homme se dit Suisse, protestant, fils de pasteur et informaticien. Ils mangent ensemble, discutent, ne sont jamais d’accord. Jacques vient de trouver en Benjamin son absolue antinomie ; tout les oppose. Le premier, d’une gauche humaniste ; le second, d’une droite extrême. Ils devront faire avec, c’est-à-dire effectuer la traversée de l’océan ensemble. Les nouvelles de la terre sont peu nombreuses. Ils apprennent les attentats de Charlie Hebdo ; ceux-ci nourrissent un peu plus le conflit entre les deux passagers. Le Suisse se montre aussi intraitable à l’endroit des migrants qui dérivent sur les embarcations de fortune. Jacques n’en croit pas ses oreilles.

Au fil des jours, Benjamin devient de plus en plus mystérieux. Il lui confie qu’il aurait tué sa femme accidentellement en reculant au volant de sa voiture. L’écrivain en vient à se demander si l’informaticien ne serait pas mythomane… Il est sûr, en tout cas, qu’il dissimule de nombreux secrets. La dernière partie du roman, magnifiquement amenée, montrera qu’il était bien loin du compte…

Au creux de la vague, Alain Bron ; in octavo éditions, 299 p.




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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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