« On allait voir ce qu’on allait voir ce 10 septembre ! » a menacé l’extrême gauche pendant tout l’été. Et qu’a-t-on vu ? Une pièce de théâtre navrante et éculée, une rediffusion de mauvais film du dimanche soir à la télévision.
On a vaguement aperçu les habitués du blocage dans quelques services dits publics, jouant sans conviction leur rôle de jusqu’au-boutistes d’un syndicalisme politisé, histoire de faire bonne figure face à leurs commanditaires des partis de gauche.
Frissons
Sur scène, les mêmes jeunes issus des classes privilégiées, en terrain familier dans leurs grands centres urbains boboïsés, s’offraient une petite frayeur en se déguisant en révolutionnaires. Toujours la même rengaine : les rejetons des beaux quartiers rêvent de revivre le frisson insurrectionnel de papy et mamie soixante-huitards, en s’attaquant au policier – qui, ironie du sort, est souvent un enfant de prolo. Pasolini l’avait vu, et rien n’a changé.
En face de ce chaos de carton-pâte, la classe politique poursuit sa propre comédie, celle de la « remuante inertie » résumée par l’aphorisme du Guépard de Lampedusa : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».
Au théâtre du Grand Soir, on nous avait promis une adaptation version 2025 des gilets jaunes, sept ans après la première représentation. Mais repris en main par l’extrême gauche, le mouvement du 10 septembre n’avait rien de la spontanéité ni de la sincérité de ses prédécesseurs. Les gilets jaunes, du moins à leurs débuts, portaient une colère brute, sans récupération partisane – exactement l’inverse de ce que l’on a vu mercredi.
Armée en déroute
À minuit, ce mercredi, en bas de chez moi, dans ma petite ville de province, un homme a entonné le fameux « On est là ! » des gilets jaunes. Il avait attendu l’heure pile pour pousser son cri. Il était seul, pathétique comme un ivrogne braillant au milieu de la nuit. Mais au moins, lui, avait la sincérité d’y croire encore.
Ce larron, avec certains anciens de son mouvement qu’on a pu revoir sur quelques ronds-points, fut finalement l’un des rares acteurs authentiques de cette farce du 10 septembre. Ces hommes et ces femmes, qu’on aperçoit encore parfois le samedi après-midi dans les centres-villes, vêtus de leurs vieux gilets crasseux et déchirés, ressemblent à la fois à une armée en déroute et à un carnaval misérable, manifestant pour tout et parfois pour rien.
Si les passants les observent désormais avec condescendance, beaucoup avaient cru en eux à l’époque. Ils appartiennent toujours à cette France silencieuse qui ne battait pas le pavé le 10 septembre, occupée à travailler pour survivre, espérant encore qu’on entende un jour la souffrance des déclassés sociaux, économiques et culturels.
Et puis, le rideau est tombé. Le Grand-Guignol du jour, terminé avec son lot de fumée, de casse et de sang, a renvoyé chacun dans son rôle : les révolutionnaires vers leurs beaux quartiers, les autres vers leurs vies de rond-point.
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