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Une France en quête de transcendance : retour en force du catholicisme traditionnel

La France, toujours fille aînée de l'Eglise ?


Une France en quête de transcendance : retour en force du catholicisme traditionnel
Don Lorenzo célèbre une messe tridentine à l'église Gesù e Maria dans le centre de Rome le 29 avril 2007 © ALESSANDRA TARANTINO/AP/SIPA

Alors que la France semble se détacher toujours davantage de ses racines chrétiennes, un vent contraire serait-il en train de se lever? Jeunes, familles, intellectuels : ils sont de plus en plus nombreux à renouer avec un catholicisme enraciné, exigeant, riche liturgiquement. Et certains croient même que le nouveau pape, Léon XIV, pourrait réintégrer les tenants de la messe en latin dans le giron de l’Eglise. Tribune.


Dans une société française gagnée par la sécularisation, la perte des repères et l’individualisme consumériste, un phénomène spirituel émerge à contre-courant : la renaissance du catholicisme traditionnel. Porté notamment par une jeunesse, ce réveil discret mais solide redonne vie à des formes liturgiques que l’on croyait condamnées après le concile Vatican II. C’est ainsi que les traditionalistes entendent reconquérir un espace propice à leur foi et qui attire de plus en plus d’aficionados du missel.

Une liturgie ancienne, un esprit intemporel

Contrairement à une idée reçue, la messe tridentine n’a pas été inventée par Pie V, mais codifiée à partir de traditions remontant aux premiers siècles de l’Église. Elle s’est enrichie au fil des siècles, sans rupture brutale. Le Concile de Trente (1542), dont elle est issue, visait à affirmer la foi face aux hérésies modernes. C’est cette fidélité doctrinale que défend aujourd’hui encore la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, fondée par Mgr Lefebvre, excommunié pour avoir sacré des évêques sans l’accord du pape (1988).

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Ce mouvement, longtemps marginalisé et réduit à son expression caricaturale, séduit aujourd’hui un nombre croissant de fidèles, y compris chez les jeunes générations. Selon une enquête d’Actu publiée en mars 2024, les effectifs des communautés (dites) traditionalistes sont en nette hausse, en dépit – ou peut-être à cause – des restrictions romaines. On estime à plus de 50 000 personnes se réclamant de ce courant, réparti dans 250 lieux de culte à travers toute la France.

Paris, bastion inattendu du rite extraordinaire

La capitale française n’est pas en reste. Plusieurs églises parisiennes célèbrent régulièrement selon l’ancien rite : Saint-Nicolas-du-Chardonnet (5e), fief de la Fraternité Saint-Pie X ; Saint-Roch (1er), qualifiée par Libération de « point de ralliement des cathos d’extrême droite » ; ou encore Saint-Eugène-Sainte-Cécile (9e), réputée pour sa liturgie soignée.

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Dans ces lieux, l’atmosphère est à contre-temps de la modernité : les femmes portent la mantille, les hommes se découvrent la tête, le silence règne, et la prière est orientée vers le Christ, non vers l’assemblée. Le sermon, souvent viril, doctrinal, voire politique, tranche avec les homélies aseptisées de certaines paroisses « progressistes ». Longtemps scruté de loin, ce retour à la tradition séduit une frange de la population française en quête d’identité et passionnée par les gloires perdues de la France. On y célèbre Jeanne d’Arc et on rend hommage à Louis XVI, qualifié de roi-martyr, victime des exactions de la révolution (1793), un chapitre aussi sacrilège pour les « Tradis » que l’a été la réforme de Vatican II.

Le pèlerinage de Chartres : une réponse à la crise du monde moderne

Depuis mai 68, la France reste emportée dans une révolution culturelle permanente : effacement du sacré, déracinement moral, affaissement de l’autorité. Le « progrès » est devenu une religion séculière. Pourtant, beaucoup ressentent désormais les limites de ce paradigme. Comme le souligne l’historien Guillaume Cuchet, spécialiste de la sociologie religieuse : « Vatican II a coïncidé avec une révolution socioculturelle, créant un vent tellement fort que plus personne n’en contrôlait la direction ». (Radiofrance, octobre 2021). Le retour des jeunes vers le traditionalisme catholique peut donc être lu comme une quête de vérité, de stabilité et d’ordre dans un monde instable, même jouer un rôle clé dans la redéfinition de l’identité spirituelle de la France, « fille aînée de l’Église »

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Le pèlerinage qui relie Paris à Chartres, organisé par l’association Notre-Dame de Chrétienté, est devenu l’un des symboles les plus visibles de ce renouveau. En mai 2025, près de 19 000 pèlerins ont pris la route, dans une ambiance joyeuse et rigoureuse, chantant, priant, souffrant parfois afin de vivre pleinement leur foi. La majorité sont des jeunes.

En parallèle, la Fraternité Saint-Pie X organise sa propre marche, en sens inverse, de Chartres à Paris, rassemblant cette année plus de 5 000 participants. Deux foules, deux sensibilités qui se croisent, mais animées par une même soif d’absolu dans un monde relativiste.

Un revival sur lequel le nouveau Pontife pourrait surfer

Face à ce « revival », quelle est la position du Saint-Siège ? Le pontificat de François (2013-2024) a été marqué par une hostilité croissante envers les traditionalistes. Le motu proprio Traditionis Custodes de 2021 a restreint sévèrement l’usage de l’ancien rite, provoquant incompréhension et ressentiment. La mort du pape argentin, suivie de l’élection du pape Léon XIV, a ravivé les espoirs d’une pacification. Selon Tribune Chrétienne (19 mai 2025), 56 % des catholiques pratiquants considèrent Léon XIV comme favorable à la tradition. Aidé par les réseaux sociaux où certains prêtres sont devenus de véritables stars bibliques, son positionnement laisse entrevoir une possible réintégration apaisée des traditionalistes dans le giron ecclésial. Sans les marginaliser, le Pontife profiter de l’engouement du moment afin de pouvoir ramener vers lui la France chrétienne (à peine 29 % de la population se déclare catholique), la replacer sur l’estrade qu’elle mérite et ainsi contrer l’influence de l’islam qui est prépondérante en France.

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Dans une France désorientée, ce retour du catholicisme traditionnel n’est donc pas un simple retour au passé : il est une force de résistance, un signe que la quête de sacré, de vérité et d’enracinement ne sont pas morts. Porté par une jeunesse fervente, ce mouvement affirme que la tradition peut être avenir — et que, dans le silence des messes en latin, bat encore le cœur spirituel de la France.

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