À la recherche de l’esprit français
L’esprit français, c’est le « en même temps » ! Je ne parle pas ici de cette hasardeuse combinaison faite de reniement et de déni, d’un affaissement culturel certain et d’une schlague idéologique qui interdit la parole libre dans ce pays ; je parle plutôt du point de combustion, le plus élevé, le plus intense, le plus enivrant qui soit, entre la beauté du style, l’alchimie des mots et des sons, c’est-à-dire l’affirmation d’une identité propre et, « en même temps », l’introduction du potache, de l’humeur joyeuse, de l’érotisme chaste, du salutaire second degré et surtout du refus obstiné de se faire dévorer intellectuellement par l’esprit de sérieux. L’esprit français, c’est le contre-pied permanent, la tragédie goguenarde chez les héros de Léo Malet et la cavalcade amoureuse chère à mon réalisateur adoré Philippe de Broca. En littérature, en chanson, au cinéma, l’esprit français s’est toujours caractérisé par une recherche stylistique poussée qui rencontrerait sur son chemin la ferveur populaire. Cette onde populaire et cette exigence artistique sont des mots qui vont très bien ensemble. Chez Audiard, Guitry, Rabelais, Michel Delpech ou Nino Ferrer, dans la voix d’Arletty ou de Fanny Ardant, s’entrechoquent l’aristocratie du verbe et la blague sur le zinc, les amours impossibles et les corps moites. Railler les puissants tout en s’amusant de ses propres turpitudes, ne pas prophétiser l’avenir, être humble et modeste avec le réel, tout en essayant de réenchanter notre langue, c’est ça l’esprit français.






