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Le «catastrophisme éclairé» de Claire, Camille et Aymeric

Sur les ondes publiques, dans «Télérama» ou à l’Assemblée, nous sommes désormais sommés d’avoir un peu plus peur


Le «catastrophisme éclairé» de Claire, Camille et Aymeric
De gauche à droite, Claire Nouvian, Camille Etienne et le député LFI Aymeric Caron © Jean-Marc HAEDRICH / SYSPEO/SIPA / XAVIER VILA / SIPA

L’écologiste Claire Nouvian nous prévient: la catastrophe est là pour des dizaines de milliers d’années. Alors, pas question de faire dans le rassurisme! Selon d’autres militants, le vrai courage aujourd’hui consiste à avoir peur. Vraiment, les discussions écolos cassent toujours l’ambiance!


« C’est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! Tout le monde va périr ! Et les survivants mourront de faim et de froid ! » Chacun aura reconnu les prédictions apocalyptiques de Philippulus le Prophète, ancien collaborateur de l’astronome Hippolyte Calys devenu fou dans L’Étoile mystérieuse, neuvième album des aventures de Tintin. Ce qui n’était qu’un personnage de fiction ridicule est devenu une réalité : nous pensions avoir atteint le sommet avec Greta Thunberg mais une activiste écologiste française est en train de lui voler la vedette. Autant le dire tout net : la vertigineuse Claire Nouvian plane très au-dessus de la pourtant déjà stratosphérique Suédoise.

Claire Nouvian réapparait dans nos radars

Petit retour en arrière. Le 6 mai 2019, sur CNews, dans l’émission de Pascal Praud, les invités subirent une hausse de la température ambiante et un tremblement de pupitres qui ne devaient rien au « dérèglement climatique ». Atterrés, ils découvrirent Claire Nouvian, candidate aux élections européennes sur la liste de Place publique. Très agitée, cette écologiste prophétisait péremptoirement la fin du monde pour dans pas tard. Devant l’énervement de Pascal Praud et l’incrédulité interrogative d’Élisabeth Lévy, la cartomancienne climatique s’emporta et traita cette dernière de « rétrograde », de « dingue » et de « tarée » avant que de lui intimer l’ordre d’aller se « cultiver scientifiquement ». Après un échange brouillon de noms d’oiseaux entre les participants, Mme Nouvian quitta cette « émission réactionnaire et climatosceptique » en se promettant bien de ne plus jamais y remettre les pieds.

La vie peut être impitoyable. Dans la foulée de son passage sur CNews, Claire Nouvian fut extrêmement déçue de voir Place publique, le mouvement qu’elle avait co-fondé avec Raphaël Glucksmann, tomber entre les mains « d’une poignée d’intrigants formés à l’école du vice des partis politiques », surtout du PS (1). Elle disparut alors des radars médiatiques et politiques – d’aucuns conjecturèrent une retraite monastique propice à la régénération physique et intellectuelle, au repos mais aussi à la réflexion ; d’autres imaginèrent une prise en charge médicale et des traitements de cheval à assommer un bœuf. Quoi qu’il en fût, ses proches comptaient sur un rétablissement complet : une posture corporelle et conceptuelle plus structurée, un regard moins furibard, un ton plus aimable, plus posé et correspondant plus justement à son désir d’exposer scientifiquement certains arguments – bref, globalement, ils espéraient que Claire Nouvian ne passe plus pour une prophétesse de malheur frénétique mais pour une spécialiste des phénomènes climatiques rigoureuse, rationnelle et audible. Malheureusement, la foi collapsologique chevillée au corps, notre pythie écolo est réapparue soudainement dans la matinale de France Inter ce lundi 28 août, et les spécialistes (je ne dirai pas de quoi) sont formels : le traitement a échoué. Certains pensent même que c’est pire qu’avant.

En face d’un Pascal Bruckner pourtant tout acquis à la cause écologique mais effrayé par le verbiage millénariste de certains écolos, l’incandescente Claire Nouvian revendique, comme le philosophe Jean-Pierre Dupuy auquel elle fait référence, un « catastrophisme éclairé ». Ça, pour être éclairé… on pourrait presque parler d’illumination. Sur les ondes radiophoniques, les foudroyants et sombres présages de notre prophétesse prennent des allures mystiques et déchirent l’espace, nos oreilles et le papier peint du studio. « On est dans le mur. […] On a 1,2 °C de réchauffement global. LÀ ! AUJOURD’HUI ! Si demain on arrête les émissions de CO2 par miracle, le réchauffement restera quand même pendant au moins 1000 ans ! […] Non seulement la catastrophe est là, mais ATTENTION !, mettons aussi dans notre petite tête qu’elle est là pour déjà des dizaines de milliers d’années ! » En même temps que « la planète » se réchauffe, un froid polaire s’abat sur le studio. Et ce n’est qu’un début. « Il faut croire à la catastrophe », assène Claire Nouvian, plus menaçante que jamais. « Les gens comme vous n’ont pas assez peur, dit-elle à Pascal Bruckner. En fait, moi j’aimerais que vous ayez beaucoup plus peur. » Si l’écologiste peine à démontrer rationnellement la réalité du « dérèglement du système Terre », elle a en revanche sous le coude une étude norvégienne tout ce qu’il y a de plus scientifique démontrant que… « les gens n’ont pas assez peur ». Mme Nouvian s’échauffe et monte dans les tours  : « En fait, ceux qui sont rassuristes sont tous de droite, ceux qui parlent d’écologie punitive sont tous de droite ou d’extrême droite. » Elle, elle n’est pas “rassuriste” du tout – au bord de la convulsion, la vaticinatrice prévient les journalistes : « C’est enclenché (la catastrophe), vous comprenez ça ? Tout le monde comprend ça. […] Mais ça va empirer, vous comprenez ça ? » Il nous semble entendre, au loin, le son du gong de Philippulus le Prophète…

Le courage d’avoir peur

L’écologisme et ses ramifications sectaires (antispécisme, véganisme, etc.) ont permis l’émergence d’évangélistes médiatiques qui auraient fait mourir de rire nos parents et nos grands-parents mais qui sont aujourd’hui écoutés avec le plus grand sérieux sur la radio publique. Les prédicatrices de cette Nouvelle Église Verdoyante se prénomment Claire (Nouvian), Sandrine (Rousseau) ou Camille (Étienne). Sur France Inter où elle a désormais son estrade attitrée, cette dernière a récemment revendiqué, dans ce charabia infect qui caractérise les sermons écolos, le « courage d’avoir peur » mais aussi « de faire peur » même si « la peur paralyse parce qu’on a peur de faire peur ». Évidemment, la nouvelle coqueluche des médias coche toutes les cases de la bien-pensance : seules comptent les peurs inhérentes à la « catastrophe » écologique, les autres peurs sont « factices », ce sont des « peurs qui empêchent », surtout « ces peurs de l’Autre. Cette xénophobie qui nous divise, pour mieux régner », écrit-elle dans son dernier livre (2). Dans un entretien donné à Télérama, elle affirme encore que «nos sociétés modernes et patriarcales (sic) ont évacué la peur et la vulnérabilité » alors qu’il est nécessaire de « flipper » si on veut réagir. Mais avoir les chocottes ne suffit pas, dit Sœur Camille : il faut aussi impérativement « avoir honte ». C’est un sentiment que partagent nombre de prédicateurs écologistes. Frère Aymeric, l’ange gardien des mamans moustiques et de tous « les animaux non humains », a écrit des pages bouleversantes sur sa propre honte, celle « d’appartenir à cette colonie d’exterminateurs », celle « du privilège que le hasard (lui) a accordé en (le) faisant profiter du costume de tortionnaire en chef », mais aussi « la honte de ces draps, honte de ce toit, honte de ces habits » ; enfin, dans ce style godiche qui rend si parfaitement justice à la pensée foutraco-caronienne, « dès qu’(il) ramène cette vérité à (sa) conscience, la honte d’être en bonne santé, de ne pas avoir mal […] de ne pas appartenir à ces incommensurables cohortes de condamnés au pire pour n’avoir pas eu la chance de naître au sein de l’espèce dominante » (3). Sur France Inter, Sœur Camille avoue donc elle aussi avoir honte, et même, ô sublime abnégation !, « avoir honte pour les autres, pour ceux qui n’ont pas honte ».

En plus de cette machine à endoctriner qu’est devenue l’école, des gourous médiatiques encouragent une jeunesse déboussolée et « éco-anxieuse » à s’engager dans l’écologisme, cette idéologie empreinte de sournoise religiosité et dont les principales vertus théologales semblent être la peur et la honte. La jeune génération est exhortée à chanter les louanges d’un monde à venir idyllique, radieux parce que débarrassé des énergies fossiles, du nucléaire, du confort, des voitures individuelles, des avions, et même des enfants, ces agents polluants qui, de toute manière, met en garde Claire Nouvian, finiront dans « une fournaise qui va devenir invivable ». Notre prophétesse traque les boomers et autres gaspilleurs des « ressources de la planète » en opposant à ces derniers une fausse science dissimulant une véritable machinerie politique et totalitaire. Malheureusement, notre pays, comme de nombreux autres, a succombé à cette religion qu’est devenue l’écologie politique. L’urgence est de dénoncer cette dernière et de dire ce qu’elle est réellement. Tout individu libre et sain d’esprit a le devoir de combattre cette folie qui ruine notre économie, nos paysages, et les cerveaux des plus jeunes de nos compatriotes.


(1) Entretien donné à L’Obs le 20 octobre 2019.

(2) Camille Étienne, Pour un soulèvement écologique, Éditions du Seuil.

(3) Aymeric Caron, Vivant, Éditions Flammarion.




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Amateur de livres et de musique. Dernier ouvrage paru : Les Gobeurs ne se reposent jamais (éditions Ovadia, avril 2022).

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