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La France à l’encan

Frédéric Bécourt, "Attrition" (AEthalidès, 2021)


La France à l’encan
D.R.

Attrition de Francis Bécourt est un premier roman qui place son auteur d’emblée chez les antimodernes.


Frédéric Bécourt signe un premier roman qui le place dans ce qu’on appelle les antimodernes. Le titre est original: Attrition. Entendez usure. À l’image de notre société.

Il est écrit également que le mot attrition signifie « le regret d’avoir offensé Dieu ». C’est tous les jours qu’on offense Dieu. Durant la Semaine Sainte, les attaques politiques n’ont pas cessé. Même le dimanche de Pâques, il n’y a eu aucune trêve ! Les invectives ont fusé comme des balles de kalachnikovs. La société est fracturée, elle ne sait plus agiter le drapeau blanc. Nous sommes en 2017 dans le roman de Bécourt. Son personnage principal se nomme Vincent Sorgue. Sa vie sentimentale est en ruine. La dépression le guette, malgré l’agence de communication digitale qu’il dirige qui l’occupe. Il en a assez de la vie parisienne, de ces connections effrénées qui paradoxalement l’isolent et des violentes dérives de la société que ses contemporains refusent d’admettre malgré les coups de semonce du réel. Ils dansent au bord du gouffre. Vincent a ôté le bandeau.

On ne perd pas toutes les guerres depuis 40 sans conséquences

Le vertige le saisit. C’est qu’il y a eu les attentats contre l’école juive de Ozar Hatorah (Toulouse), Charlie Hebdo, le Bataclan, la décapitation d’un prof, l’égorgement d’un prêtre, l’assassinat de militaires et policiers, les incendies d’édifices religieux, les attaques au couteau, les bonbonnes de gaz, etc. Et malgré ces massacres à répétition, rien. L’aboulie d’un peuple apeuré. Bécourt : « En assurant la photosynthèse, c’est-à-dire en transformant les recettes fiscales en prestations sociales, l’État-providence garantissait simplement la persistance d’une forme de vie inconsciente. »

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Le héros de Bécourt, Vincent, car c’est d’une certaine manière un héros quand il formule l’informulable, constate : « Comment cette nation autrefois rebelle était-elle devenue aussi apathique, au point d’avoir peur d’elle-même ? Au point d’avoir honte de ses valeurs et de son histoire ? » C’est une nation, sans mémoire, inculte, défaite. On ne perd pas toutes les guerres depuis 1940 sans conséquences. L’horizontalité a fait son œuvre. Vincent ressemble à un personnage houellebecquien, ai-je pu lire. Pas certain, car Vincent ne se soumet pas. Il dépeint avec lucidité, ce qui devrait être le but de tout romancier en lutte contre le camp du Bien, l’essor effréné de la doctrine libérale et l’aggravation de ses effets, à savoir la dissolution de la France dans la mondialisation et l’acceptation des identités islamistes. Il se replie alors hors de Paris, certes, dans la Vallée de Chevreuse, où l’abbaye de Port-Royal des Champs accueillit Blaise Pascal et Jean Racine. Tout n’est pas perdu donc, il y a une lueur qui brille, et elle se nomme l’espérance.

La France, grand corps malade

L’islam politique et radical gagne du terrain et le communautarisme prospère dans les banlieues. Vincent se retrouve face à Yassine Benacer, homme de gauche, responsable de la communication à la mairie de Bobigny, pour un éventuel contrat avec son agence. Benacer est un homme de terrain, ses budgets sont conséquents, mais le système ne fonctionne plus. Né en 1978, à Bobigny, d’un père immigré marocain, son constat est sans appel. « Les nouveaux arrivants n’ont aucune intention de se mêler aux autres, de rejoindre une communauté nationale. Ils souhaitent simplement être considérés comme Français, mais sans forcément le devenir. » Le personnage de Benacer ajoute : « Ça fait longtemps qu’on n’est plus dans le mythe de l’intégration républicaine. » Plus loin, Vincent évoque la probable « échéance inéluctable d’une partition, voire d’une atomisation des territoires urbains ».

L’intrigue de ce premier roman est bien ficelée, du début à la fin. Le style est efficace et les mots sont précis. Le stylo de l’auteur est un scalpel. Le corps de la France est gravement malade. Il pue. Tout le monde tourne le regard et se bouche le nez. Encore un instant de bonheur pensent les boomers du haut de leur terrasse. Pas Bécourt.

Frédéric Bécourt, Attrition, AEthalidès.

Attrition

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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