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La campagne s’annonce-t-elle sanglante?

Une élection présidentielle ou les jeux du cirque?


La campagne s’annonce-t-elle sanglante?
Jean-Christophe Lagarde (UDI) a regretté ses propos violents contre Eric Zemmour. Capture d'écran YouTube BFMTV

Nous assistons depuis quelques jours à un assez déplaisant spectacle. La campagne présidentielle n’a même pas encore commencé, mais la violence physique semble vouloir s’emparer de certains.


Dans toute la bonne presse, nombre d’éditocrates semblent nous le promettre depuis des semaines : “vous allez voir, pauvres malheureux, la campagne électorale qui approche sera d’une rare violence !” 

Selon tous ces savants, la rengaine conservatrice autour des thématiques liées à l’identité nationale ou à l’immigration – sur CNews, dans les colonnes de Causeur et de quelques autres titres –  ainsi, évidemment, que l’arrivée d’Eric Zemmour dans l’arène politique, seraient les garanties d’une joute politique à venir d’une animosité inédite. Voyons voir.

Lagarde: certains ont vu leur vie politique arrêtée pour moins que ça

Dimanche, alors qu’on l’interrogeait sur la radio publique quant à la possibilité d’une candidature de l’ex-journaliste du Figaro, le centriste Jean-Christophe Lagarde a tenu des propos étonnamment virulents. Propos qu’il a regrettés sitôt l’émission terminée, parlant d’une expression “complètement inappropriée”. Des propos qui sont si choquants que France Info a depuis carrément préféré retirer d’internet la séquence : « Se foutre du monde au point de dire “je suis RPR”, Monsieur Zemmour, si Monsieur Pasqua était là, il te filerait une balle dans la tête ! »

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Prévenu du scandale, l’auteur de La France n’a pas dit son dernier mot a sèchement répondu au président de l’UDI dans un communiqué publié le soir. N’acceptant pas un “mea culpa de pacotille”, il a raillé Lagarde, le qualifiant de “mélange de Belattar et de Bisounours : un vrai centriste” ! L’essayiste ne s’est pas arrêté là, et en a profité pour rappeler les ennuis judiciaires de l’élu qui l’avait menacé et les soupçons récurrents de compromission avec l’islamisation de communes du 93 qui pèsent sur lui. « Depuis des mois, je suis probablement l’homme le plus menacé de mort de France (…). De toutes les racailles qui me prennent pour cible, tu n’es certainement pas la plus dangereuse, mais incontestablement la plus traîtresse (…), je te laisse donc à ta juste place politique : au centre du néant” a conclu le quasi-candidat de la droite dure dans son texte. 

Deux journalistes menacés

Le même jour, la journaliste de CNews Christine Kelly indiquait avoir elle aussi reçu un message menaçant, mais anonyme, la concernant. Elle écrit sur Twitter : “La volonté de me voir décapitée, la détermination de me l’envoyer par mail ne changera rien aux idées des uns et des autres. Chacun reste libre. Avec ou sans moi.” Ambiance… Chauffée à blanc par une intense campagne médiatique faite de mille articles reprochant à la femme de télé d’avoir collaboré avec Eric Zemmour dans le cadre de son émission “Face à l’info”, une partie de la gauche radicale ne pardonne pas. Il est ainsi reproché à Kelly d’avoir contribué à placer Zemmour sur une rampe de lancement pour de probables menées politiques. Celui qui a véritablement lancé l’essayiste préféré de la droite à la télévision, Laurent Ruquier, n’est-il pas lui dans la contrition permanente à ce sujet depuis quelques mois, renouvelant sans cesse ses excuses ? L’incident du mail menaçant reçu par Kelly reste une affaire à suivre, mais nous nous étonnions déjà hier du peu de soutien que notre malheureuse consœur a justement reçu de la profession.

La veille, un autre épisode de ce feuilleton un peu macabre avait lieu au Théâtre de Dix-Heures (18e arrondissement de Paris), où est donné un autre mauvais spectacle. Le journaliste Jordan Florentin, qui travaille pour la chaîne Youtube “Livre noir” – certes, pas franchement défavorable aux idées zémmouriennes –  dit avoir été retenu contre son gré et menacé par l’humoriste Yassine Belattar (oui, celui dont Zemmour parlait au sujet de Lagarde, voir plus haut..). 

Souvenez-vous, le comique barbu militant de la cause banlieusarde avait été ridiculisé en débat par Zemmour, et fut aussi un temps conseiller spécial de Macron pour les banlieues avant qu’on ne finisse par dire au président que le natif de Conflans-Sainte-Honorine n’était décidément pas une bonne fréquentation pour lui. “Tu es le fils de p*** qui a piégé les mecs d’Aulnay-sous-Bois”, “un putain de suicidaire, t’es recherché par tout le 93” ou “tu es la prochaine Mila” se serait laissé entendre Florentin, qui affirme de plus qu’il se serait vu confisquer ses enregistrements par Belattar et sa clique (il avait interrogé avec son caméraman le public présent devant la salle avant le spectacle polémique). Belattar conteste tout cela, des plaintes ont été déposées par les deux parties en bisbille, qui, depuis, affrontent leurs versions sur les plateaux télé.

Yassine Belattar et Emmanuel Macron en 2017 © ERIC FEFERBERG / AFP

Des Francs-Tireurs entendent calmer le jeu

Dans l’assez réussi hebdomadaire Franc-Tireur qu’il lançait avec Christophe Barbier durant tout ce tapage, le philosophe Raphaël Enthoven fustige la “misère de la radicalité”. Persuadé que la France souffre d’être prise par une tenaille où les radicaux de la droite identitaire font jeu égal avec le mouvement woke et la menace islamiste, il a avancé dans son premier édito une explication à cet état de fait. Ces passions françaises délétères actuelles pour les extrêmes trouveraient leur source dans “l’énorme ennui” qui s’empare de nous lorsque nous nous habituons à la vie en démocratie : “vivre en démocratie, c’est être libre dans un monde qui ne promet que lui-même”

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Son journal entend “défendre passionnément la raison”. Il aura fort à faire. On peut y lire que le nouveau canard a dans sa ligne de mire, entre autres, les “démagogues”, les “intégristes”, les “racistes et leurs doubles inversés racialistes” ainsi que les “victimaires tyranniques”. Invité sur France 5 pour présenter la gazette, Enthoven s’est retrouvé confronté à l’impayable Jean-Michel Apathie. Cette sommité du journalisme parisien lui a notamment reproché de ne pas comprendre les pleurnicheries de Rama Yade sur Colbert. Le “combat de la raison”, ce n’est pas gagné…

Et dire, après tout cela, que la véritable campagne électorale n’a même pas commencé !

Résumons : Zemmour n’est pas encore candidat, mais il est déjà poursuivi par la justice pour ses propos sur les mineurs isolés. Les antifas le pourchassent. Jean-Christophe Lagarde imagine Pasqua en liquidateur du putatif et malvenu candidat. Dont on affiche la tête avec une cible dans les rues de Nantes. À Paris, deux journalistes se disent menacés. Et pour couronner le tout, des chasseurs proposent maintenant qu’on leur confère des pouvoirs de police pour lutter contre l’insécurité grandissante en milieu rural. Tout ceci devient sanglant !

Mais, est-on vraiment sûr que la violence vient vraiment d’où les journalistes le disent, depuis des semaines ? Certes, c’est autour de Zemmour et de ses déclarations que les esprits s’échauffent, mais, ceux qui s’inquiètent pour notre démocratie libérale sont bien contraints d’observer que ce sont surtout les esprits de ses adversaires qui déraillent. Ne réitérons pas l’inversion accusatoire dont avaient été victimes Charb et ses amis de Charlie Hebdo ! C’est en réalité le polémiste et ceux qu’on suspecte de soutenir son message qui font l’objet de menaces physiques actuellement.




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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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