Accueil Politique Et maintenant le prélèvement de vote obligatoire

Et maintenant le prélèvement de vote obligatoire


Et maintenant le prélèvement de vote obligatoire

vote obligatoire liberte

« Je refuse d’être fiché, estampillé, numéroté, classé, déclassé… ». Ces paroles sont celles du numéro 6, le héros de la série Le Prisonnier. L’agent aux épaules carrées et à la veste en tweed se rebelle contre un Etat omnipotent et omniscient. Imiterons-nous son exemple ? Ou laisserons-nous nos libertés se faire rogner les unes après les autres ? « Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre ! ». Mussolini rêvait que le XXe siècle fût le siècle de l’Etat. Si cette tentative a donné lieu aux grands bains de sang que l’on connaît, il semblerait que le XXIe siècle soit plus docile : tout doucement, nous laissons l’Etat s’immiscer dans nos choix individuels et s’imposer à nous. Sa dernière proposition, faite par un aréopage de députés, consiste tout simplement à rendre le vote obligatoire.
Laissez-moi vous raconter une autre petite fiction. Imaginez une bande de voleurs et d’assassins qui parvient à mettre la main sur la totalité du stock d’armes disponible (en langage philosophique cela s’appelle “détenir le monopole de la violence légitime”, mais ce dernier adjectif est superflu puisque si vous possédez la totalité de la force armée, il n’y a plus personne pour contester votre légitimité). Imaginez maintenant cette bande de voleurs et d’assassins se disant : “Vraiment, c’est trop fatigant de toujours collecter l’argent par la force. Nous pourrait-on pas imaginer un système où les individus donneraient leur argent spontanément ? Ne peut-on pas mettre à plancher quelques philosophes, qui nous pondent une jolie petite théorie, telle que les gens se figurent une obligation morale à nous donner cet argent ? J’y pense ! Il y a mon ami Jean-Jacques, il habite en Suisse. Je vais lui passer un coup de fil ”. Ainsi naît la supercherie démocratique. Regardez les beaux candidats: vous pouvez voter pour qui vous voulez ! Vous avez même le droit de voter blanc, tellement on est sympa avec vous. Toutefois, à la fin du trimestre, il faut nous donner votre argent. Sinon, c’est la prison. Elle est pas belle la liberté ? Bien entendu, il s’agit d’une oeuvre de fiction, et toute ressemblance entre ladite bande de voleurs et d’assassins et l’organisation appelée « Etat » serait purement fortuite.
L’honorable représentant de l’Etat qui a déposé le projet de loi l’a soutenu par l’argument suivant : « Si le vote est un droit, dit-il, il doit être également un devoir en l’honneur et en mémoire de celles et de ceux qui ont versé leur sang pour notre Patrie ». Je n’ai pas oublié la majuscule ? Non, elle y est. Donc si je comprends bien l’argument, nous nous trouvons liés par devoir moral envers des individus que nous n’avons pas connus et qui n’ont jamais sollicité notre avis sur le système politique qu’ils ont mis en place ? C’est-à-dire que n’importe quelle bande de voleurs et d’assassins a le pouvoir de lier toutes les générations à venir, son système politique fût-il le plus injuste jamais imaginé, pourvu qu’elle ait versé son sang ? C’est-à-dire que si moi-même, après avoir dessiné je ne sais quel schéma politique a l’aide d’un papier et d’un crayon, je me tue ou me fais tuer pour lui, toutes les générations qui me suivront auront l’indiscutable devoir moral de respecter scrupuleusement mon dessin ? Il est amusant de remarquer comme on peut avancer des arguments aussi aberrants sur un ton pétri de grandeur morale.
Au risque de passer pour un individu peu fréquentable, je vous avouerai que je ne me sens absolument pas lié à des individus qui ne m’ont pas demandé mon avis, fussent-ils morts en héros. Je préfère être un homme plutôt qu’un mouton.
On a dit faussement qu’aller voter c’est exercer sa liberté. C’est l’inverse qui est vrai : quand on vous prend, de force, votre argent, la liberté consiste à ne pas, par surcroît, aller acquiescer par un vote au vol dont vous avez été la victime. Pour le dire un peu plus vulgairement, il peut m’arriver de me faire voler, mais il ne faudrait pas en plus me demander de dire que j’aime ça. Même si j’en ai perdu l’habitude, je risquerais à la fin, tout de même, de me révolter un peu. On pourra me jeter en prison, on ne me forcera pas à aller voter : il reste au fond de moi un petit quelque chose de ce qu’on appelle l’amour-propre.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Syrie : Jihad indique-t-il la voie de la raison ?
Article suivant Natalie Nougayrède, une patronne qui ne fera pas la loi au Monde
est sceptique.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération