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OSS 117: permis de ronronner


OSS 117: permis de ronronner

OSS 117 découvre les années 80, mais la franchise tourne en rond.

Quand un diptyque tourne tardivement à la trilogie, on reconnaît l’odeur de la franchise et du retour sur investissement. Un plan média bien rôdé présente Alerte rouge en Afrique noire, le troisième volet des aventures d’OSS 117, comme potentiellement plus « choquant » que les deux premiers: on y entendrait des répliques encore plus racistes, sexistes et homophobes que dans les précédents et qui n’hésiteraient même pas entre le premier degré et le second ! En plus, Nicolas Bedos a remplacé Michel Hazanavicius à la réalisation, et le premier passe pour plus « de droite » que le second qui a refusé le script, certainement pas assez « de gauche ». L’horreur, quasiment le nazisme! Vous pensez bien, ma brave dame…

Menteur et cynique

Il est évident à voir n’importe quel OSS 117 – mais nous prendrons exemple sur celui-ci, les deux autres s’étant eux-mêmes rayés de notre mémoire – il est évident donc, que n’importe quel OSS 117 n’est ni de « droite » ni de « gauche », ni « réactionnaire », ni « progressiste » Les producteurs de la série capitalisent sur l’attrait qu’y trouveront ces deux publics, les vieilles ganaches ravies d’entendre des horreurs qu’ils prendront pour argent comptant, les wawas de gauche bidon soulagés d’y voir une dénonciation de tels comportements par le biais de personnages woke censément critiques. Si l’on se réfère à l’une des plus justes scholies de Nicolas Gomez Davila décrivant les dangers qui menacent la gauche et la droite – la première le mensonge, la seconde le cynisme -, tous les OSS 117 sont à la fois menteurs et cyniques. D’ailleurs, tous sont le fait de réalisateurs ayant débuté à la télévision, cinéastes par hasard plus que nécessité : Michel Hazanavicius, honnête faiseur courant après les coups, et Nicolas Bedos qui délaisse les projets personnels pour l’appel du chiffre. Un débutant pourrait presque s’y coller armé de bons techniciens, tant les scripts de Jean-François Halin et l’interprétation de Jean Dujardin sont à la base du petit charme d’OSS 117.

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Pas de chance pour Bedos qui a pioché un chef-op’ de peu de goût : au programme, promotion sur le mordoré, et la nuit américaine la plus moche de la création. Alerte rouge en Afrique noire part toutefois d’un plaisant argument : le gaulliste Bonisseur de la Bath plongé dans les années 80, Mitterrand, les premiers ordinateurs d’entreprise, le « cool » qui relègue le « bath », tout ça… Les dialogues roboratifs et excellemment écrits impliquent plusieurs niveaux de langage dont on se demande réellement si les plus subtils sont à portée des spectateurs d’aujourd’hui (i.e moins de 30 ans), mais on ne va s’en plaindre après les borborygmes du Bonne mère de Hafsia Herzi (signe de croix). Et l’atout Dujardin est toujours là, fractionnant les modèles disparates pour construire son 117 : 1/4 James Bond, 1/4 L’Inspecteur Clouseau, 1/4 Cary Grant et le dernier/4 Jacques Chirac… Face à lui, le casting se répartit entre des acteurs qu’il écrase de son talent (Pierre Niney, Fatou N’Diaye), d’autres qui font jeu égal avec lui (Wladimir Yordanoff, Natacha Lindinger) et un seul qui lui tient la dragée haute (Habib Dembélé dont chaque apparition est un régal). Pierre Niney s’avère malheureusement une énorme déception qui tire son personnage vers le niais sans en rendre aucunement la duplicité ; il est de plus parfaitement asexué, ce qui est un contresens et dessert la jalousie qu’est supposé ressentir OSS envers lui.

Alerte à l’impuissance

Si tout dans Alerte rouge est pour rire (ou pour l’argent), notamment la dénonciation de la Françafrique qui ne convaincra même pas les Indigènes de la République, un seul motif a une existence qui excède l’écriture et se diffuse à l’écran, jusqu’à s’imposer à la mémoire. Il y a des chances que l’on se souvienne enfin de ce volet-ci, uniquement pour la représentation de l’impuissance de OSS 117, non pas la scène de la panne sexuelle, à peine amusante, mais ses conséquences, et la cruauté avec laquelle le survole après (non-)coup sa partenaire déçue. A-t-on vu ailleurs une femme traiter de la sorte, par un mépris plus que suggéré, un homme qui n’a pas pu bander, celui-ci revenant à la charge pour qu’on lui donne une seconde chance ? Jean Dujardin joue ces scènes avec une douleur qui ferait presque bifurquer Alerte rouge hors de la comédie. On peut voir dans cette difficulté à conclure le propre dilemme du film, qui après une exposition engageante ne débouche pratiquement sur rien. Bedos lui-même fait une discrète apparition en futur partenaire de la nymphomane : il ne calera pas comme Dujardin ou comme Hazanavicius porté pâle, on peut en être sûr. Et nous revoici dans le cynisme du retour sur investissement, celui-ci faisant resurgir à la toute fin le faire-valoir qu’on croyait perdu. Si Bedos déclare forfait, gageons que Beigbeder sera là pour le 4ème…





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