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Anne Hidalgo nazifie le FN

« L’Histoire a du sens, le Front national n’est pas un parti qui s’est constitué dans le cadre républicain, c’est un parti qui a lutté contre la République, qui a soutenu pendant la guerre la collaboration avec les nazis ». Prononcée hier matin par Anne Hidalgo, première adjointe et probable successeur de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris, cette petite phrase n’a pas fini de faire le tour des journaux, radios, télévisions et autres télécrans virtuels. Immédiatement, les langues malveillantes se délient, pointant l’anachronisme (« le FN a été créé en 1972, na na nère ! »), le contresens historique, voire la grosse gaffe qui pourrait lui coûter les voix du boboland parisien, ce bastion poujadiste inexpugnable ! Bien sûr, on pourrait rappeler à Anne Hidalgo la responsabilité de la gauche républicaine dans le collaborationnisme, tout particulièrement de sa frange la plus robespierriste et jaurésienne, représentée à l’époque par le néo-socialiste Marcel Déat, fondateur du Rassemblement National Populaire (RNP) et proche d’un certain Robert Jospin[1. Dont le fils Lionel a assumé les errements avec dignité.].

Bien sûr, on pourrait conseiller à la future édile parisienne de se replonger dans les œuvres de Simon Epstein (Un paradoxe français : Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance), Jean-Claude Valla (La Gauche pétainiste) et François-Marin Fleutot (Des royalistes dans la Résistance) pour nuancer le mythe de la République dreyfusarde, antiraciste et résistante. Faute de temps, on accorderait volontiers un répit à Mme Hidalgo en la soumettant à l’étude de documents, cette épreuve d’histoire si prisée par les professeurs de troisième, à travers l’examen comparé des trajectoires du colonel Rémy et de Jacques Doriot, dont on devine aisément qui est le plus républicain des deux. Allez, assez torturé Anne Hidalgo, reconnaissons-lui le droit à la maladresse. Après tout, cette élue a parfaitement le droit de déterrer les tristes destins des frontistes Roland Gaucher, de François Brigneau et des autres nostalgiques de la Légion Charlemagne communiant avec le lepéniste et résistant historique Roger Holeindre dans l’anticommunisme viscéral.

Vingt-quatre heures après le drame, Anne Hidalgo s’est fendue d’une nouvelle déclaration fracassante, pour préciser ses premières intentions. Revue et corrigée, la sortie scandaleuse d’hier donne : « Oui, je le soutiens, la filiation historique du Front national remonte à la collaboration avec Pétain et aux ligues d’extrême droite d’avant-guerre ; ceux qui ont constitué le FN venaient de partis néonazis…». Filiation historique : le mot est lâché, au nez et à la barbe des mauvais coucheurs historiens. Hidalgo songe certainement au noyau dur néo-fasciste d’Ordre Nouveau, en occultant le ferment poujadiste du FN et l’antigermanisme viscéral des ligues d’avant-guerre, dont bien des militants connurent de meilleures années d’Occupation que le vieux Maurras, « devenu fou à force d’avoir raison », selon le mot cruel de De Gaulle.
Mais qu’importe la rigueur historique, seule la conscience politique compte. Pourvue d’un « sens de l’histoire » sincèrement républicain, antiraciste, laïc et universellement bienveillant, Anne Hidalgo reste vigilante.

Alors que le couple exécutif connaît un sérieux coup de mou et qu’il devient de plus en plus délicat de distinguer la substance du hollandisme de celle de son devancier sarkozyste, un bon coup de pédale anti-FN ne peut pas faire de mal par où il passe. En guise de stratégie de défense, les hommes-lige de Marine, Louis Aliot et Steeve Briois ont eu l’indélicatesse de rappeler le passé vichyssois tourmenté de François Mitterrand, tout en poursuivant Anne Hidalgo en justice. Une condamnation pour propos diffamatoires aurait de quoi garantir un quart d’heure de temps médiatique supplémentaire au Front National, contraint de se faire l’arbitre des élégances de rue pour gagner un peu de surface télévisuelle. C’est peut-être là le vrai fond de l’affaire : une stratégie dédiabolisatrice, laquelle oblige Marine Le Pen à troquer les jeux de mots graveleux de son père contre des propositions farfelues, n’a plus que des rogatons d’antifascisme à affronter. Le théâtre antiraciste n’est décidément plus ce qu’il était, même Harlem Désir fait grise mine sur le fauteuil de Solférino que l’ébéniste Hollande lui a confectionné.

On saura gré à Anne Hidalgo de vouloir ressusciter le cordon sanitaire anti FN par période de gros temps. Espérons seulement que le temps pris pour briser les mille et une têtes de l’hydre xénophobe ne retarde pas trop l’avènement du paradis socialo-capitaliste censé durer mille ans.



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