Accueil Politique Il n’y a pas de pauvres, seulement des voyous !

Il n’y a pas de pauvres, seulement des voyous !


Il n’y a pas de pauvres, seulement des voyous !

Et si la pauvreté était idéologiquement à la droite ce que l’insécurité est à la gauche, une manière trop fréquente chez certains de leurs partisans respectifs de nier une réalité gênante dans leur représentation du monde ?

A droite, on ne cesse de dauber sur la naïveté de la gauche en matière de sécurité et ce malgré la révolution culturelle qu’elle a accomplie sur la question depuis une bonne quinzaine d’années avec le colloque de Villepinte, et même si aujourd’hui, la différence entre Manuel Valls et Claude Guéant est plus cosmétique qu’autre chose. Mais non, dans la doxa de droite, la gauche, c’est forcément le laxisme, forcément la culture de l’excuse.

Culture de l’excuse, ça c’est la formule qui tue. On l’a vue ressortie au moment des émeutes d’Amiens, tout cela parce que certains sociologues, certains politiques et nombre d’associations, qui sont présentes jour après jour sur le terrain, se sont permis d’indiquer que les quartiers nord de la ville, Fafet, Brossolette, Calmette concentraient tout ce qui fait les fameux « territoires perdus de la République ». République qui les a perdus, dans le cas précis d’Amiens, parce qu’elle y concentre ses populations les plus vulnérables dans des logements de plus en en plus délabrés avec des taux de chômage atteignant des sommets où règne le froid des neiges éternelles.

Et vous aurez beau, si vous êtes de gauche, approuver dans le même temps l’envoi de forces de l’ordre pour le rétablir, vous aurez beau comme l’a fait Mélenchon lui-même, affirmer qu’il faut en tenir une sacrée couche pour brûler des écoles et des bibliothèques, rien à faire : vous êtes de gauche, vous vous êtes permis de dire qu’il faudrait quand même réfléchir pourquoi les émeutes explosent dans ces quartiers-là et non à la sortie des rallyes du triangle Neuilly-Auteuil-Passy et cela suffit à faire de vous un laxiste, un taubiriste, c’est-à-dire dans le meilleur des cas un gogo angélique et dans le pire un islamogauchiste complice objectif du Djihad qui a commencé dans les banlieues financé par les salafistes, le RSA, la fraude aux allocations familiales et l’économie de la drogue.

Bon, admettons. Admettons que la gauche ne comprenne rien aux problèmes de sécurité mais on pourrait répondre que symétriquement la droite libérale ne comprend rien aux problèmes de pauvreté ou bien est dans le déni complet, estimant qu’il n’y a seulement un sentiment de pauvreté comme la gauche penserait qu’il y a seulement sentiment d’insécurité.
Avez-vous remarqué, quand on souligne qu’il est assez manifeste aujourd’hui que la crise financière puis la crise de l’euro et les aberrantes politiques d’austérité qui ressemblent aux traitements prescrits par les médecins de Molière paupérisent l’Europe, voire la clochardisent comme dans certaines régions grecques ou portugaises, il y a toujours un économiste libéral pour nous expliquer que les Indignés sont des imbéciles, que le capitalisme a permis au monde de devenir de plus en plus riche, que d’ailleurs la mondialisation à fait sortir le Tiers-monde de la misère, bref que tout va mieux depuis qu’on a laissé les salles des marchés devenir le siège du nouveau gouvernement mondial avec quelques gendarmes comme le FMI ou les agences de notation. Bon, admettons. D’ailleurs, même Marx et Engels le disaient. Mais ils remarquaient aussi que les contradictions du capitalisme et la baisse tendancielle du taux de profit due à une concurrence exacerbée et des crises systémiques récurrentes le forçaient d’une manière ou d’une autre à se refaire sur la bête, c’est-à-dire sur ce qu’on appelait encore naguère les travailleurs. En gros, vous allez vivre de moins en moins bien le temps que l’on puisse encore un peu préserver nos marges.

Voilà pourquoi il y a de la pauvreté dans les pays riches et voilà pourquoi elle est évidemment niée : les gens seraient pauvres parce qu’ils sont fainéants, assistés et d’ailleurs sont-ils si pauvres que ça ? Il faut bien que les socialistes reviennent de temps en temps aux affaires pour que la demande solvable remonte un peu, histoire de sauver la machine capitaliste d’elle-même, puisqu’elle est enrayée par sa propre dynamique paupérisante.
Les résultats de l’enquête annuelle commandée par le Secours Populaire à l’institut IPSOS confirme l’extension du paupérisme. Les chiffres ont de quoi faire rugir de désespoir, de rage ou de honte aurait dit Bernanos pour peu que l’on imagine la somme de détresses morales et physiques qu’ils représentent. Pas de quoi s’étonner que la SNCF en soit à déplorer un suicide par jour en moyenne sur son réseau. Parce que tout de même, un gros tiers des Français (37%) affirment avoir déjà connu une situation de pauvreté; C’est deux points de plus que l’an dernier. 19% estiment être très menacés par une telle situation même si ils ne l’ont pas connue. Et 85%, oui 85% vivent dans la trouille que leurs enfants connaissent la pauvreté. Puisqu’on parle des enfants, entre 8 et 14 ans, ils sont 58% dans ce pays à redouter de devenir pauvre. La pauvreté, pour 91% des sondés, c’est ne pas pouvoir accéder à une nourriture saine tous les jours et pour les trois quarts d’entre eux, c’est ne pas pouvoir envoyer leurs enfants à l’école ou avoir accès à un minimum loisirs. On rappellera que pour l’INSEE, le seuil de pauvreté est de 954 euros mensuels pour une personne seule. Mais tout ce monde là, bien sûr, n’est pas pauvre.

C’est juste une impression. Un sentiment, on vous dit…

*Photo : c-reel.com



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