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«On n’a plus de philosophie politique dans ce pays!»

Entretien avec Patricia Balme


«On n’a plus de philosophie politique dans ce pays!»
David Lisnard et Xavier Bertrand se sont déplacés pour soutenir Brigitte Kuster, candidate LR dans la 4e circonscription de Paris, à Paris, 14 juin 2022 © Jacques Witt/SIPA

La communicante Patricia Balme nous parle de la reconstruction de la droite républicaine, qui ne se fera pas sans un retour aux sources et la présence d’un homme charismatique pour l’incarner. Propos recueillis par Jeremy Stubbs.


Causeur. Le président Macron commence son deuxième mandat sans l’élan qui a suivi son élection triomphale de 2017. Comment peut-il gouverner désormais ?

Patricia Balme. Le macronisme aura été la belle aventure d’un homme qui a eu une chance immense à tous points de vue ; mais aujourd’hui le macronisme a vécu. Le président ne peut plus gouverner avec le « en même temps », en cherchant toujours à fédérer la droite et la gauche. Les Français sont perdus : ils aiment le bipartisme, ils aiment dire qu’ils sont de droite ou de gauche, ils aiment les étiquettes, les idéologies, la philosophie politique – mais on n’a plus de philosophie politique dans ce pays ! Désormais, le président doit gouverner avec une vraie ligne politique, de droite ou de gauche. D’ailleurs, après Macron, je ne vois pas qui peut incarner le macronisme. Après Macron, il n’y aura plus de macronisme, ni de République en Marche.

Emmanuel Macron risque fort de sortir affaibli des élections législatives. Quelles en seront les conséquences ?

Je pense qu’il aura la majorité à l’Assemblée, mais tout juste. Ce qui veut dire que Mélenchon et Marine Le Pen auront chacun un grand nombre de députés, et que Les Républicains, malgré tout, en auront aussi. Il va y avoir des amendements toute la journée, Macron ne pourra pas utiliser sans arrêt le 49-3, ce sera ingouvernable !

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M. Macron a parlé de la création d’un Conseil national de la refondation. Va-t-il essayer de l’utiliser pour mettre la pression sur l’Assemblée, en prétendant que, puisque son CNR est largement en faveur de tel ou tel projet de loi, les députés devraient l’être aussi ?

Le président a aussi organisé des débats citoyens à l’époque des gilets jaunes, mais qu’en est-il sorti ? Et en a-t-il vraiment tenu compte ? Cette affaire de Conseil n’est qu’une idée marketing. Je pense que si le président Macron prenait un peu plus de recul, il accepterait de faire des référendums. La meilleure façon d’avoir l’avis des Français, ce n’est pas par un conseil national de quoi que ce soit, mais par un référendum. Les Français sont prêts à voter. La pratique référendaire est un outil démocratique parfait. La seule salvation possible de Macron, c’est donc le retour à la pratique référendaire. Lui qui, de toute façon, n’aura pas de troisième mandat, aurait ainsi l’image d’un président démocrate, ouvert et qui tient compte de la parole des Français.

Est-ce qu’il saura faire preuve de suffisamment de courage et de sagesse pour faire confiance aux Français en les consultant par référendum ? On dit que les idiots font des erreurs d’idiots, et que les gens intelligents font des erreurs de gens intelligents. Macron n’est-il pas trop intelligent, et par conséquent trop vaniteux, pour faire confiance aux autres ?

Le problème de cet homme supérieurement intelligent, c’est que tout lui a réussi. Pourquoi voulez-vous qu’il doute ? Et quand on ne doute pas, on fait des erreurs. L’individu qui doute se pose des questions et la véritable intelligence, c’est le doute. Les présidents veulent toujours marquer l’histoire. Quoiqu’il arrive, Emmanuel Macron laissera la trace d’un homme réélu après un premier mandat sans cohabitation : c’est une première dans l’histoire de la République, depuis De Gaulle. Mais ceci est superficiel. Que laissera-t-il en profondeur, philosophiquement ? En s’ouvrant au référendum, il pourrait laisser une trace plus profonde dans l’histoire.

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Quelle est la véritable motivation de cet homme qui ne doute pas – surtout pas de lui-même ?

Le président Macron a beaucoup parlé de l’Europe dans cette campagne, car l’Europe est sûrement son rêve pour après. Il aimerait être un jour le président des États-Unis d’Europe. C’est son graal. Mais en cinq ans, cette construction sera difficile. Certes, il faudra demain un bloc européen très fort pour faire face aux grandes puissances que sont la Russie et la Chine, sans oublier les États-Unis. Mais pour Emmanuel Macron, c’est aussi une affaire d’ambition personnelle. Il aura donné 10 ans à la France, mais la France c’est sans doute trop petit pour lui maintenant. Désormais la prochaine étape pour lui ce sera l’Europe. Il aura 45 ans à la fin de l’année. Après la fin de ce mandat, il aura deux possibilités : ou bien, devenir le patron d’une construction de l’Europe ; ou bien, retourner dans le privé où toutes les plus grosses entreprises du monde lui seront ouvertes, avec des salaires mirobolants et des golden parachutes. Pourtant, lorsqu’on a été président de la République, on a toujours la politique chevillée au corps, c’est comme une drogue. J’ai connu des ministres qui étaient tellement malheureux de ne plus être ministres. L’un d’entre m’a dit un jour : « Mais qu’est-ce que je vais faire ? Je vais prendre les clefs d’une voiture et je vais ouvrir la portière moi-même ». C’est un symbole, mais qui veut tout dire. Quand on n’a pas la maturité suffisante pour supporter une vie différente après une carrière politique, c’est terrible. Emmanuel Macron est toujours jeune et terriblement ambitieux.

Aujourd’hui, son grand ennemi, sa némésis, c’est Mélenchon. Comment expliquer le succès d’un extrémiste pareil face au centriste qu’est Emmanuel Macron ?

La nature a horreur du vide et la gauche aussi, donc elle s’est trouvé une figure charismatique. Elle avait besoin de quelqu’un qui l’incarne avec plus de talent que Hidalgo ou Faure… Mélenchon est devenu tout à coup le héros d’une gauche perdue, en manque de leader. Mais Mélenchon, ce n’est pas la gauche, c’est le fascisme de gauche. Il a quand même dit dans son programme que, au-delà de telle somme de revenus, on paie 100% d’impôts. Son véritable slogan, c’est : « On veut tuer les riches ! », ce qui veut dire tuer la richesse du pays, donc détruire le tissu économique de la France.

Mélenchon profite aussi du vote des Français de confession musulmane qui sont nombreux. Comme on les a embêtés avec les histoires de voile et de burkini, ils se disent : « Mélenchon, il nous aime ». Mais surtout, il n’empêchera pas d’imposer la charia. C’est cela le danger qu’il représente. Mélenchon, c’est l’absence de laïcité, c’est la France défigurée par le voile. Il y a des quartiers aujourd’hui où il n’y a plus aucune boucherie française. Je suis tolérante, mais pourvu qu’on me laisse dans mon pays vivre la société qui est la nôtre. C’est comme si on allait dans des pays musulmans et que l’on dise qu’on ne veut plus que des boucheries françaises. On est où ? On ne peut pas être aujourd’hui étouffé par une partie des électeurs musulmans français qui votent contre le système français, parce qu’il existe encore la rancœur de la colonisation. La colonisation n’a pas eu que du mauvais. On ne peut pas être sans arrêt dans ce repentir. Il faut rendre aux Français la fierté nationale.

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Pourtant, les candidats de la Nupes se prétendent des partisans de la laïcité et proclament haut et fort que la droite exagère totalement le danger de l’islamisation de la France…

Parmi les clips de campagne diffusés à la télévision à 20h30, on a pu voir celui de l’Union Démocrate des Musulmans Français. Il met en scène une série de femmes voilées qui disent : « Nous voulons avoir la liberté de porter le foulard ». Ce parti, dans un pays laïc n’est pas acceptable, c’est comme si en Arabie Saoudite, on créait le parti de l’Union catholique des Français contre le pouvoir en place. D’ailleurs, je sais que dans certaines circonscriptions des Français établis à l’étranger, les binationaux ont voté massivement pour le candidat de Mélenchon parce que, selon eux, ce dernier aime les musulmans et qu’il va semer le chaos en France – ce qu’ils approuvent aussi.

Face à ce chaos, que peuvent les LR ?

Avec Nicolas Sarkozy, j’ai été membre du RPR. C’était un vrai parti de droite. Mais quand la droite flirte avec le centrisme, comme on l’a vu, les extrêmes droites – Le Pen et Zemmour – prennent la place de la droite traditionnelle. Résultat : il est resté très peu d’espace pour les Républicains. Aujourd’hui, le parti LR est à reconstruire complètement. Christian Jacob s’en va et il faut le remplacer par un leader charismatique.

Guillaume Peltier et Christian Jacob, mars 2020 © Jacques Witt/SIPA

Y a-t-il des candidats à la hauteur de la tâche ?

Parmi les candidats, il y a les anciens comme Laurent Wauquiez ou Xavier Bertrand mais qui sont toujours dans l’affrontement. On a besoin de nouveaux visages ! D’une nouvelle figure tutélaire et charismatique capable d’emporter les Républicains comme Nicolas Sarkozy avec l’UMP ou comme Chirac avec le RPR.

Il faut de nouvelles personnalités qui se situent entre la quarantaine et la cinquantaine et soient capable d’incarner la nouveauté. Par exemple David Lisnard, le Maire de Cannes qui a aujourd’hui le mandat de président des maires de France, peut relancer ce parti avec des jeunes, des têtes nouvelles, tout en gardant les députés historiques qui sont l’ADN des LR. Car il ne faut jamais perdre l’ADN d’un parti.

David Lisnard est-il prêt à prendre la tête du parti et, s’il l’était, pourrait-il trouver sa place parmi les candidats plus anciens qui voudront s’imposer ?

Certes, on va retrouver le bal des egos qui est la petite musique habituelle de la politique française. David Lisnard est certainement l’homme de la situation, mais pour le moment, il n’a pas caché que c’est encore trop tôt pour lui et je pense qu’il est sincère. Il a encore besoin de faire son chemin, de s’affirmer et de construire un vrai programme politique.

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Pourrait-il être prêt pour 2027 ?

Je le crois, tout est possible en cinq ans. Surtout avec un vrai programme de droite. Le centrisme a vécu. C’est fini ! On ne peut plus s’allier avec le centre. Emmanuel Macron a été élu avec les voix du centre en 2017, mais les Français de droite veulent un retour à la droite. Ils souhaitent une vraie droite, non pas les extrêmes, mais pas au centre non plus. L’erreur de Valérie Pécresse a été de vouloir rassembler tous les côtés. Le centrisme a vécu, il y a bien longtemps Mitterrand disait : « Le centre c’est la droite molle » et il n’avait pas tout à fait tort.

Quels sont les caractéristiques de cette vraie droite ?

Un vrai parti de droite doit être libéral sur le plan économique. La solution proposée par Emmanuel Macron pour sortir de la crise du pouvoir d’achat démontre qu’il n’est pas de droite. Le chèque de 100 euros, c’est de la solidarité de gauche, c’est de l’assistanat. La France d’aujourd’hui a besoin de libéralisme. Le libéralisme, c’est la liberté d’entreprendre, de gagner de l’argent, tout en respectant les lois. C’est la théorie de Tocqueville et c’est cela la vraie démocratie. Le libéralisme est un mot tabou non seulement pour la gauche, mais pour les centristes aussi. Pourtant, sans l’argent et sans le capitalisme, on ne peut pas faire fonctionner un pays.

Un vrai parti de droite doit aussi remettre de l’ordre dans le pays et rétablir l’autorité de l’État. Il y a aujourd’hui un sentiment anti-police : mais quand on touche aux forces de l’ordre, on touche à l’État. Il faut renforcer les effectifs de police, donner à la police un vrai statut et arrêter de parler de « bavures policières ». L’État français a abandonné aussi les agriculteurs qui n’ont plus confiance en lui et ont qui voté massivement pour Marine Le Pen. L’agriculteur, pourvoit notre nourriture : comment a-t-on pu lâcher ce fondement de la France ?

Il y a de vrais sujets de société qu’il faudra reprendre à bras-le-corps. Et qui le fera, sinon un vrai grand parti de droite ?



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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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