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Apocalypse Hitler : parlons-en !

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Causeur m’a demandé de répondre aux interrogations et remarques de ses abonnés, que je remercie, d’avoir regardé, comme plus de six millions de personnes, Apocalypse Hitler sur France2 le mardi 25 octobre. Le débat fait débat, certainement, et je ne peux moi-même m’associer aux critiques sans me désolidariser des efforts de la chaîne, qui a dû l’organiser dans des contraintes de durée, ce que je regrette.

Je dirai que ces remarques, ainsi que celles de Patrick Mandon, sont de trois ordres.
Goebbels arrive en deuxième position dans les interrogations de nos amis (ils le sont vraiment, puisqu’ils lisent Causeur). En fait, ces questions renvoient à ce qui reste un mystère, contourné ou affronté par les historiens, sur le nazisme et Hitler. C’est la fameuse question de la poule et de l’œuf. Hitler a-t-il fait Goebbels (et le nazisme) ou est-ce l’inverse ? J’ai tendance à penser que les esprits mauvais se sont rencontrés et que de cette rencontre sont nés un régime et un chef (Führer) qui n’étaient, ni l’un ni l’autre, à la hauteur de la situation. Goebbels a d’abord compris tout le profit de l’utilisation de l’antisémitisme, la force obscure d’Hitler dans ses discours, comme il a sans doute, après, senti que tout cela allait mal tourner et que l’essentiel était alors de se servir de sa provisoire toute-puissance pour imposer sa frénésie sexuelle aux plus mignonnes actrices du cinéma allemand[1. Mais c’est un autre sujet…]. Il y a aussi chez tous ces types un penchant à croire leurs propres mensonges, jusqu’à la mort. Pour y voir plus clair, je conseille vivement de lire Kershaw, auteur de Le Mythe Hitler.

Les Allemands ont-ils été complices ? Mais peut-on être complice quand la Gestapo rôde ? Au début, beaucoup ont été dupés par la démagogie, ils ont voté pour lui et certainement apprécié le retour au calme, puisque le pompier pyromane étant au pouvoir, l’ordre a régné. Au départ, l’extravagance du régime, ses discours et ses oriflammes les ont plutôt fait sourire : les Berlinois, d’esprit caustique, disaient : « Nous serons bientôt tous sveltes comme Goering, sportifs comme Goebbels et blonds comme Hitler ».

Je crois que la troisième interrogation est la plus importante parce qu’elle porte sur la question finale : «  Sommes-nous à l’abri d’un nouveau Hitler ? ». D’abord, les Hitler n’ont pas manqué, après 1945. Ils ont régné sur la malheureuse Russie, sur la Corée du Nord, sur le Vietnam ou le Cambodge. Ils sont toujours au pouvoir quelque part, massacrant comme au Rwanda ou opprimant avec toutes les Charia possibles. Mais les messages d’Isa et de Saul renvoient à une seule et même question : la peur. Peur de ce siècle qui vient, avec ses Hitler.

Je voudrais leur répondre en citant celui qui fut mon maître, et que je continue, trente ans après sa mort, de considérer comme l’esprit le plus important du XXème siècle : Gaston Bouthoul[2. Ses ouvrages les plus importants, dont je recommande la lecture urgente sont Traité de polémologie. Sociologie des guerres; L’infanticide différé; Le Phénomène-Guerre, Payot, Petite bibliothèque Payot, 1962, 283 p. (adaptation résumée du précédent).]. Quand je l’ai connu, et souvent filmé, il était l’un des patrons de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, et son analyse sociologique des guerres est toujours d’actualité. Bouthoul a dit : « La civilisation est une lutte contre la peur ».

En deux mots, Bouthoul est à l’opposé de Clausewitz, pour qui, on le sait, « La guerre est la continuation de la politique, par d’autres moyens ». Non, dit Bouthoul, la guerre est le produit de l’agressivité collective et des situations dites « belligènes » et s’invente des raisons a posteriori pour justifier les massacres.

J’ajouterais, pour simplifier, que l’homme des cavernes pour protéger sa famille serrée, terrorisée, autour d’un maigre feu, mais aussi pour se revêtir de sa fourrure, devait affronter l’ours un silex à la main. Essayez donc de tuer un monstre de deux tonnes avec un silex. Il vous faudrait une dose d’agressivité qui s’est transmise dans les gênes de toute l’humanité et qui vous fait injurier les autres conducteurs. Cette agressivité devient collective dans toutes les situations de surpopulation et de crises. C’est pourquoi Bouthoul considère la guerre comme une maladie, la maladie mortelle de l’humanité. Le seul remède, c’est la non-violence. Aucune raison, aucune, ne justifie une violence, qu’elle soit verbale ou criminelle comme celle dont nous menacent tous les Robespierre « révolutionnaires » c’est-à-dire, assassins.

Libye : nouveau gouvernement, vieilles habitudes

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Tandis que la nomination du nouveau Premier Ministre, l’universitaire Abdel Rahim Al-Kib, monopolise l’attention, les règlements de compte continuent sur le terrain libyen. De nouveau, ce sont les milices de Misrata qui se montrent particulièrement actives. Ainsi, les habitants d’Al Djemel, ville située à 120 km au sud-ouest de Tripoli, ont rapporté qu’il y a une semaine, des combattants misrati avaient fait irruption dans leur cité pour y « rechercher des fidèles de Kadhafi ». Pendant cette opération – dont personne ne connaît le commanditaire- des dizaines de jeunes en âge de combattre auraient disparu et quatre auraient été tués. Selon le parent de l’une des victimes leurs corps étaient mutilés, la langue et les parties génitales coupées.

Les milices de Misrata qui sont déjà « intervenues » à Syrte et dans d’autres localités considérées comme kadhafistes commencent à poser un problème au nouveau gouvernement libyen. La vendetta des Misratis nourrit, forcement, une volonté de vengeance au sein des familles, clans et tribus victimes et contribue à la nostalgie de l’ancien régime.

Pour une fois, un pays qui émerge de la guerre et de la révolution n’a pas à craindre de problèmes économiques risquant de créer une déception populaire. Le nouveau gouvernement dispose en effet de plusieurs dizaines de milliards prêts à être dépensés, de quoi transformer la Libye – au moins pour quelques années – en eldorado.

Sauf bien sûr si la spirale des règlements de comptes s’installe : Misrata semble être aujourd’hui le problème le plus urgent de la nouvelle Libye.

Israël est il l’opium de la gauche ?

Par deux fois, les Français (de gauche et les autres), ont pu apprendre que si Martine Aubry était élue présidente, elle « reconnaîtrait la Palestine ». Dans son avant-dernière profession de foi, face à ses cinq concurrents, sur BFM TV le 5 octobre, Martine Aubry, pour dénoncer la politique de l’actuel Président de la République, avait fustigé cette « France qui ne reconnaît pas la Palestine ». Dans son ultime face à face avec son rival, François Hollande, Martine Aubry, a ajouté une précision : elle « reconnaîtrait » aussi, Israël. Ce fut le seul point de politique étrangère évoqué dans ces débats des primaires.

Des autres peuples en lutte, celui du Darfour napalmisé par l’armée soudanaise, le peuple tibétain écrasé par la Chine, les Kurdes massacrés par l’Iran et la Turquie, les Birmans sous le joug de la junte, les Bahaïs persécutés, les Kabyles muselés, les Chrétiens menacés dans le monde musulman, les Coptes mitraillés au Caire, les six postulants à l’investiture socialiste ne dirent rien.

Des guerres déclarées ou des conflits non déclarés dans lesquels la France a engagé ses forces, du positionnement de la France dans la lutte contre le terrorisme, de la Libye, de l’Irak, de l’Afghanistan, il ne fut pas plus question dans ces débats. De la même manière, les six candidats ont soigneusement évité d’aborder les questions fondamentales qui touchent à l’émigration, au progrès de l’islamisme dans les cités, ou aux violences urbaines croissantes, ce qui augure mal de leur capacité à affronter l’avenir. Ne pas voir, ne pas entendre et ne rien dire pour ne pas désespérer le 9-3, semble être une règle de conduite pour ceux et celles qui ont fait de la bonne conscience l’ossature de leur programme électoral. De cet évitement le FN fait son miel électoral.

Le positionnement déclaré de la candidate Aubry en faveur de la Palestine n’avait d’ailleurs pas pour objet la politique étrangère de la France. Il visait en deçà des rives du Jourdain. Ce clin d’œil appuyé, en direction des banlieues, contredisait en outre la précédente dénonciation du boycott d’Israël par Martine Aubry. Quand on connaît la part de schizophrénie identitaire qui affecte de nombreux « jeunes-des-banlieues » cette déclaration ne favorisait guère leur intégration dans l’histoire de la République. La maire de Lille connaît bien la question. Elle sait combien, dans les « quartiers », la Palestine agit comme un fantasme symbolique collectif, comme représentant la cause, sinon la patrie, de ceux qui n’ont pas de patrie. En faisant de la Palestine la seule noble cause à défendre, la socialiste ajoute, ici, du malheur identitaire au malaise social. Elle aggrave les ruptures culturelles au sein de la société. Une récente enquête met à jour le poids de plus en plus important de l’islam en France et les séductions politiques qui lui sont liées. Tout ceci tisse un système compliqué dont toutes les pièces sont liées; Martine Aubry devrait se souvenir des manifestations de refus d’un concert d’Enrico Macias à Roubaix en 2000 au prétexte qu’un « juif ne pouvait pas chanter en arabe ».

En contrepoint, la seule contrepartie qu’elle exige, la « reconnaissance d’Israël », est stupéfiante : le peuple de gauche vient donc d’apprendre, par défaut, que jusqu’à ce jour, pour Martine Aubry, Israël n’était pas encore reconnu. Qu’est ce que veut bien dire « reconnaître Israël » ?

Reconnaître le fait ou reconnaître aussi le droit ? Quel droit ? Le droit pour le peuple juif d’avoir un Etat sur l’espace de sa terre historique. Il est navrant de constater qu’à gauche aujourd’hui, on ne soit désormais sensible qu’à l’écume de cette pensée unique qui fait d’Israël le fautif, le coupable, le criminel et la Palestine LA juste cause. Faut il rappeler aux socialistes cette réflexion de François Mitterrand, en novembre 1975, quand une motion de l’ONU avait assimilé le sionisme au racisme : « Je savais déjà que le fanatisme était un attribut de la sottise. J’ai envie d’écrire ce matin qu’il est la sottise même (…) Economisons les grands mots et n’en gardons qu’un, le mépris (…) Frank, Anne Frank, merveilleuse et déchirante, fleur de vie, pauvre morte, c’est à toi que je pense au moment de dire pardon ». Puisse la gauche ne pas tomber dans les ornières du gauchisme dont l’obsession anti israélienne tient lieu de matrice intellectuelle.

Etre de gauche, c’est d’abord être pédagogue en expliquant aux « jeunes-des-banlieues » que la source de leur malheur existentiel ne se nomme pas Israël et qu’ils ne trouveront pas la réponse à leur ressentiment dans la haine antijuive. C’est aussi dire, en tant que Président de la République, aux autres peuples arabes que la source de leur malheur ne se nomme pas non plus Israël. Qui opprime qui dans le monde arabo-musulman ? Qui sont les dictateurs, les potentats, les corrompus ? Qui menace la liberté fraichement acquise en Tunisie ? C’est au prix de ce courage politique qu’un président de gauche pourrait s’adresser à Israël en « ami et en allié » afin de reconnaître aux palestiniens la légitimité de leur aspiration nationale et de favoriser la solution de deux Etats pour deux peuples.

Etre de gauche, en France, c’est enfin déconstruire ce cliché qui identifie, depuis la guerre d’Algérie la cause et les moyens de la cause. Ce n’est pas aider à la compréhension du conflit israélo-arabe que de vouloir obstinément le lire dans les catégories de la guerre d’Algérie. Nous rêvons de dire bienvenue à la Palestine si elle reconnaît à Israël son droit à être l’Etat du peuple juif ! Bienvenue à la Palestine si elle reconnaît leurs droits aux femmes ! Bienvenue à la Palestine si elle proscrit de ses moyens de lutte la bombe humaine !

La France est le pays européen qui a la plus grande communauté juive et la plus grande part de population musulmane. Notre pays a donc un rôle à jouer, plus noble que sa seule « politique arabe ». Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est peut-être ce choc des civilisations, sinistre corollaire de la mondialisation, qu’une gauche intelligente, imaginative et honnête pourrait conjurer.

Lamoureux du peuple

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Robert Lamoureux nous a quittés samedi. Né en 1920, chansonnier, acteur de théâtre et de cinéma, scénariste et réalisateur, on peut qualifier ce conservateur de précurseur. Sa Chasse au canard demeure un chef d’œuvre d’humour « en cascade », qui inspire encore nos meilleurs comiques d’aujourd’hui. Avec Mais où est donc passé la septième compagnie ?, premier et meilleur épisode d’une trilogie multirediffusée par la télévision, on peut dire qu’il inventa le docu-fiction tant ce film raconte avec justesse la débâcle de mai 40.

En plus d’être un héros du peuple, et donc un immortel, Lamoureux était aussi une icône du Monde d’Avant. De l’époque où les Français formaient un peuple trousseur et buveur, et disons-le, dominateur et sûr de lui -y compris dans la débâcle, quand tout, mais alors tout, fout le camp.

A défaut de savoir faire la guerre aux Alboches, en ce temps-là nos élites excellaient dans la guerre déclarée aux patois. A Paris, la peur des pauvres (classes laborieuses, classes dangereuses) s’est traduite par une tentative d’éradiquer leurs argots. Le poissard, l’argot des Halles, de ports et du « peuple » parisien des faubourgs s’est mué en « parigot », charmant parler devenu objet folklorique au même titre que l’habit provincial, une fois la menace sur l’indivisibilité de la république levée.

Le cinéma et la culture populaire de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre nous ont laissé quelques vestiges comme le célèbre « atmosphère » de l’Hôtel du Nord ou le moins éternel « rififi ». Robert Lamoureux était le dernier vestige de cette époque révolue, le dernier chaînon fragile d’une tradition remontant au XVIIIème siècle. Les cabarets des années 1940 où Lamoureux a débuté sa carrière gardaient encore quelque chose de ce monde déjà menacé d’extinction par la TSF. La Première Chaine et la Nouvelle Vague lui auront donné le coup de grâce. Quand tout le monde devient un petit bourgeois diplômé, ne subsiste plus ni peuple ni parler populaire subversif et authentique.

Ne reste que le folklore, façon Pierre Perret ou Joey Starr.

Papa lit et papa coud : l’homoparentalité arrive dans les programmes scolaires

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Vous avez aimé la querelle du genre ? Alors vous allez adorer les nouveaux programmes des classes de terminale littéraire. En cours de « Droit et grands enjeux du monde contemporain », on y étudiera bientôt les familles homoparentales . Selon le J. O., la disposition entrera en application à la rentrée scolaire 2012-2013.

Ceux qui penseraient que nous confondons Premier Novembre et Premier Avril trouveront ici l’intégralité du communiqué publié hier par les services de Luc Chatel, tel qu’on peut le lire sur le site du ministère de l’Education Nationale.

Communiqué de presse du 31/10/2011 : Précisions sur l’enseignement « Droit et grands enjeux du monde contemporain »


Un nouvel enseignement « Droit et grands enjeux du monde contemporain »
 sera proposé aux élèves de terminale de la série littéraire à la rentrée prochaine.
Cet enseignement, qui s’inscrit dans le cadre de la revalorisation de la filière littéraire, a pour objectif de faire découvrir le droit aux élèves en leur montrant comment le droit aborde les questions contemporaines.
Le programme précise que les thèmes retenus « mettent en scène des situations réelles afin de montrer comment le droit y est présent et avec quels instruments, quels résultats et quelles limites il y répond »
. Ainsi, pour le thème « La vie, le corps, la santé »
, il est fait référence à des réalités ou des questions qui font débat et le programme précise que « le cours sera l’occasion d’expliciter la portée juridique de quelques grands enjeux actuels »
 (procréation assistée, 
euthanasie, dons et ventes d’organes).
Le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative tient à préciser que la mention de ces questions de société ne signifie aucunement qu’elles aient une reconnaissance et une définition légales.
Mentionner ces questions de société permet seulement de montrer aux élèves les réponses apportées par le droit sous toutes ses formes (loi, réglementation, jurisprudence).
Le thème consacré à « L’évolution de la famille »
 donne ainsi l’occasion de traiter des grands domaines du droit de la famille ainsi que leur évolution, à travers les questions nouvelles qu’ont eu à traiter les juridictions et les pouvoirs publics. La notion d’homoparentalité est, à ce titre, un exemple de sujet parmi d’autres dont le droit est saisi ; elle est aussi traitée en tant que telle
 dans les facultés de droit.

Hollande abandonne déjà le programme du PS

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Invité ce lundi de l’émission Télématin sur France2, Jérôme Cahuzac, président de la commission des Finances de l’Assemblée, et proche conseiller de François Hollande n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat. Il a expliqué, sans prendre trop de gants, que le programme du PS pour la présidentielle ne pourra pas être appliqué en totalité, notamment à cause de l’évolution de la crise actuelle.

Jérôme Cahuzac a notamment étayé ses déclarations en constatant que ce programme, adopté en 2010, était basé sur une hypothèse de croissance de 2,5% en 2013, et donc plus applicable en l’état. Rappelons que la prévision de croissance 2012, initialement fixée à 2,5 %, puis ramenée à 2,25 % en avril puis à 1,75 % en septembre, est désormais de 1 %.

Souvent présenté comme le futur occupant de Bercy en cas de victoire de la gauche l’an prochain, Jérôme Cahuzac, a donc affirmé que François Hollande « puisera dans ce programme mais ne pourra réaliser la totalité de ce programme car tout simplement les moyens du pays ne le permettent pas ».

Une démarche qui, il est vrai, avait plutôt bien réussi à François Mitterrand dont les 110 propositions de campagne de 1981 différaient sur maints points stratégiques du programme adopté par le Parti…

Osons interdire les jouets sexistes

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Image : Sanandreas

Abonné au compte twitter de Caroline de Haas, de joyeuse mémoire, la célèbre inventeuse de l’opération commando « Osez le clito », , mon attention a été attirée par un fléau qui ne saurait être passé sous silence : la résistance du patriarcat par la promotion de jouets sexistes.

Ainsi, j’ai été envoyé sur un article d’une blogueuse2 intitulé « Et le jouet sexiste du mois est… ». Après avoir cloué au pilori les les gens du catalogue « Eveil » en fustigeant le fait qu’on propose aux petits garçons des panoplies de cow-boys ou d’indiens, « du couillu, qui sent bon la testostérone » et des tenues de princesse aux petites filles, le pompon est décerné à deux jouets :

Indignée, notre blogueuse[1. Avant que vous ne me traitiez de sexiste, prétextant du fait que je n’envisage pas que cet article féministe ait pu être l’oeuvre d’un mâle, sachez que j’ai lu l’article jusqu’à la fin. L’auteure y fait allusion à sa grossesse.], ne mâche pas ses mots :

« Être LE premier à retrouver le trésor du pirate,

voici une quête des plus palpitantes !

Être LA première à retrouver le prince pour aller au bal,

n’est ce pas le rêve de toute petite fille ? »

Ainsi, les rédacteurs du catalogue sont démasqués. Ils sont sexistes car ils n’ont pas envisagé une seconde que « rêve de princesse » ait pu intéresser un petit garçon. En revanche, envisageant que « rêve de trésor » ait été réservé aux petits garçons par le seul fait de l’utilisation de l’article défini masculin, notre blogueuse oublie ses leçons de grammaire. Car cette dernière demeure indécrottablement sexiste et, dans le doute sur l’identité du vainqueur d’une chasse au trésor à laquelle des enfants des deux sexes participent (ou genre, c’est comme vous voulez), c’est effectivement le masculin qui l’emporte. Car je vous le demande : qu’est ce qui empêche le parent, client libre et souverain, d’offrir à sa fillette le jeu de chasse au trésor, la sachant très douée pour énigmes et enquêtes en tout genre ?

Restons un instant sur cette histoire de « rêve de princesse ». Moi-même, qui ai la chance d’avoir pour progéniture deux représentantes de la gent féminine, je ne suis pas certain d’insister pour qu’elles inscrivent ce jeu sur leur lettre à Papa Noël. Pour tout dire, je trouve ça plutôt cul-cul. En revanche, que les filles rêvent d’aller au bal, en surprise-partie, en boum ou en discothèque, selon les générations, dans l’espoir d’y trouver le prince charmant, je crois que cela arrive toujours. Je profite d’ailleurs du fait que mes filles à moi n’aient pas encore l’âge de ne penser qu’à cela au lieu de travailler sa conjugaison pour l’une et de faire de la peinture ou chanter « au clair de la lune » pour l’autre. Et puis quoi, il faut aussi qu’elles ne lisent plus Cendrillon, la Belle aux bois dormant ou Blanche-Neige ? Le conte de fées est sexiste ! « Osons l’autodafé ! »

Allez, David, vis dans ton époque. Lutte contre le sexisme. Ce combat contre le sexisme des jouets est un vrai combat. Il faut donc y participer et apporter ta pierre à l’édifice. Ainsi, je suis parti à la recherche, moi aussi, de jouets sexistes afin de les désigner à la vindicte populaire. Et je n’ai pas tardé à en dénicher un :

Une autre politique, oui, mais laquelle ?

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Sommes-nous en train de tuer la Grèce ? À l’évidence, ce pays est pris dans un cercle vicieux. D’un côté, les coupes claires du gouvernement dans les dépenses publiques ont un effet désastreux sur sa demande locale et les recettes fiscales. De l’autre, l’incapacité d’Athènes à dévaluer la monnaie pèse sur la demande extérieure : libellés en euro, les biens et services grecs sont jugés trop chers.

Certains prolongent cette analyse en estimant que la politique économique appliquée en Grèce ne marche pas, et qu’elle ne pourra jamais marcher. Ils mettent un autre modèle économique en avant : l’Argentine. Défaut de paiement, dévaluation et protectionnisme constitueraient la panacée dont il faudrait s’inspirer. Vues de près, les choses s’avèrent toutefois beaucoup plus compliquées et difficiles à transposer d’un pays à l’autre. N’oublions que pas que chaque dimanche ayant son lundi, le succès argentin a été très chèrement payé et sa facture n’est pas encore totalement réglée.
Mais rendons d’abord à César ce qui est à César : si la semaine dernière, les Argentins ont massivement réélu Christina Fernandez de Kirchner dès le premier tour de l’élection présidentielle, c’est qu’ils approuvent massivement sa politique économique, qui était auparavant celle de son défunt mari, Nestor[1. une tradition argentine : Isabel Martínez Perón a, elle aussi, succédé en 1974 à son mari], élu en 2003. Sous la présidence des Kirchner, l’Argentine est revenue de loin. Il y presque dix ans, le pays a subi une Bérézina économique. Piégé par l’arrimage de sa devise sur le dollar américain, mesure extrême prise dans les années 1990 pour lutter contre l’inflation galopante, le gouvernement de Buenos Aires s’était retrouvé complètement démuni face à une conjoncture qui aurait pu lui être fatale : une dette importante, la crise économique de 2000-2001 et un dollar (et donc un peso) très fort.
La crise a connu son apogée le 30 novembre 2001, lorsque les Argentins se sont massivement rués dans les banques pour retirer leur argent. En 24 heures, c’est l’effondrement : mesures d’urgence, émeutes, dizaines des morts. Le président (socialiste) de l’époque, Fernando de la Rua, démissionne et fuit le palais présidentiel en hélicoptère.

Selon un proverbe argentin, ce pays est composé d’habitants qui veulent le ruiner mais qui n’y parviennent pas. En décembre 2001, ils y sont presque arrivés… Trois présidents se succèdent en moins de 15 jours avant que le péroniste Eduardo Duhalde ne prenne durablement les rênes du pouvoir et impose une nouvelle politique économique fondée sur deux piliers : une séparation entre le peso et le dollar et un défaut de paiement. Concrètement, le gouvernement a repris la main sur le taux de change et le taux d’intérêt, il a éliminé une partie importante de la dette et a retardé l’échéance de remboursement du reste de l’argent dû à ses créanciers.

Sans service de la dette, avec une planche à billets fonctionnant à plein régime et un taux de change rendant ses produits attractifs, le gouvernement argentin est parvenu à redresser la barre. Par la suite, sous les présidences Kirchner, l’Argentine a su créer une croissance forte (près de 8 % par an), faire baisser le chômage, diminuer la pauvreté et les inégalités. Résultat formidable, mais à quel prix !
La faillite de l’Argentine a coûté cher à ses créanciers qui, contrairement à une idée reçue, ne sont pas tous des quinquas blancs, bedonnants et fumeurs de gros cigares. Parmi les bailleurs de fonds lésés, on trouve des fonds de pension italiens (qui sont des épargnants) mais aussi, voire surtout, la classe moyenne argentine qui a vu ses économies s’évaporer. Car lorsque le gouvernement a séparé le peso du dollar, il a imposé un taux de change qui a dépouillé les épargnants de 40 % de leur capital. Les mois suivants, ils en perdaient encore plus.

Aujourd’hui, malgré les performances impressionnantes de l’économie argentine, les capitaux ne se bousculent pas aux portes de la banque centrale du pays. Ce n’est pas un hasard si l’une des obsessions des Kirchner est de démontrer (aux marchés, bien sûr) que l’Argentine est un pays sérieux. La présidente de l’Argentine sait bien que, tôt ou tard, il faudra renouer avec une politique économique plus classique et emprunter de l’argent sur les marchés pour financer des investissements lourds. En 2009, le Prix Nobel d’économie Paul Krugman l’avait clairement expliqué : « C’est une erreur de rester trop longtemps dans l’hétérodoxie et ne pas savoir mettre fin à celle-ci. Maintenant c’est le moment de cultiver une image de citoyen respectable, pour recommencer à être hétérodoxe quand on aura besoin de le faire ».

Dans le film 127 heures, Aron Ralston, un jeune alpiniste coincé dans un ravin étroit, s’ampute l’avant-bras à l’aide de son canif pour survivre. L’Argentine a accompli un exploit similaire qui, certes, force l’admiration, mais ne devrait pas nous pousser l’Europe à l’imiter.
En Grèce, les épargnants issus de la classe moyenne, ceux qui ont quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d’euros d’économie à la banque, sont-ils prêts à predre la moitié ou le tiers de leur épargne en récupérant des « nouvelles drachmes » dévaluées à la place de leurs euros ? Et si on les y obligeait, une fois la crise terminée, franchiraient-ils de nouveau le seuil d’une banque ? En revanche, les méthodes classiques, qui ont soi-disant montré leurs limites en Grèce, semblent donner des résultats plus positifs en Irlande.

L’histoire de l’Irlande est bien connue : rattrapant un retard séculaire, le pays a fait un énorme bond en avant dans les années 1990 grâce à un taux de l’impôt sur les sociétés parmi les plus faibles du monde (12,5 %,). En quelques années, cela a engendré un boom des industries de pointe et développé les secteurs de la banque et de la finance. Les Irlandais se sont enrichis, certains sont même revenus des Etats-Unis où leurs ancêtres avaient autrefois trouvé refuge pour fuir la misère : le Tigre celtique était né. Or, en 2008, suite à la crise financière, le paradis irlandais commence à ressembler à l’enfer : effondrement du secteur bancaire insuffisamment règlementé, explosion de la bulle immobilière, ralentissement de l’activité économique et baisse des recettes fiscales. Obligé de sauver les banques, l’Etat transforme les déficits privés des banques en déficits publics et la dette publique quadruple pour atteindre 100 % du PIB.

Pour éviter un défaut de paiement, fatal à un pays qui souhaite s’imposer comme un centre financier planétaire, Dublin se tourne vers Bruxelles et le FMI, qui débloquent 85 milliards d’euros. En contrepartie, l’Irlande applique un plan d’austérité : 20 milliards d’euros de réductions budgétaires portant sur les dépenses et non sur les recettes. Le gouvernement irlandais a préféré opéré des coupes budgétaires plutôt que d’augmenter les impôts pour conserver son fameux « modèle ». Résultat : pas plus tard qu’au mois d’octobre, la commission chargée de suivre l’Irlande a émis un avis favorable quant à l’amélioration de sa situation. Dublin tient parole et les résultats sont, pour l’instant, au rendez-vous. Toujours fragile et exposée aux risques liés à l’affaiblissement de leurs principaux partenaires commerciaux, l’économie irlandaise démontre au moins une chose : l’inefficacité d’une politique en Grèce ne la disqualifie pas ailleurs.

En fait, le fond de l’affaire est là : en économie, les mêmes causes n’ont pas toujours les mêmes effets, un remède de cheval peut sauver un pays et en couler un autre. Pire, à l’intérieur d’un même pays, une excellente politique économique peut se révéler fatale dix ans plus tard ; tout simplement parce qu’il n’existe pas une seule recette miracle applicable en tout temps et en tout lieu. Chaque société, doit élaborer sa propre recette en fonction de son histoire, de ses institutions et de sa mentalité. Cela s’appelle « faire de la politique ».

Prague 1946, Tunis 2011 ?

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En 1946, le Parti communiste tchécoslovaque obtenait 38% des suffrages à l’occasion des premières élections libres organisées après la fin de l’occupation nazie. Pendant deux ans, il dirigea un gouvernement de coalition avec les partis « bourgeois », ce qui lui permit de noyauter systématiquement les administrations, la police et l’armée.

En février 1948, profitant de l’affaiblissement cérébral du président Edvard Bénès, les communistes se débarrassent de leurs alliés pour s’emparer de la totalité d’un pouvoir qu’ils conserveront jusqu’à la « révolution de velours » de 1989. Le 10 mars 1948, Jan Masaryk, ministre des affaires étrangères et fils du fondateur de la première république tchécoslovaque fut retrouvé mort, en pyjama, dans la cour de son ministère, victime d’une défenestration qui ne fut établie qu’après la chute du communisme.

Ce précédent historique devrait inciter à la réflexion les partis tunisiens laïcs qui s’apprêtent à faire alliance avec les islamistes d’Ennahda. Le discours apaisant des barbus tunisiens ressemble fort à celui tenu jadis à Prague par les chefs communistes Klement Gottwald et Rudolf Slansky avant qu’ils ne passent aux choses sérieuses. Et leur aptitude au noyautage des instruments du pouvoir semble au moins aussi efficace que celle des artisans du « coup de Prague ».

Bien entendu, la mise en garde qui précède relève de la plus évidente paranoïa, puisque Bernard Guetta nous serine tous les matins que les gens d’Ennahda sont des islamistes mo-dé-rés. Rendez-vous dans deux ans, ou peut-être moins…

Les archives du hussard rouge

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Patrick Besson

Le Temps des Cerises a eu la bonne idée de réunir dans un seul volume (Le Hussard Rouge) quelques chroniques de Patrick Besson datant des années 1980 à 2000. Enfin, « bonne idée », pas pour tout le monde. Certains se seraient bien gardés de voir remonter à la surface des textes assassins qui mettent en lumière leur nullité ou leur bassesse d’alors. Besson exhumait avec délice et malice toutes les petites minables compromissions des gens bien en vue. Dans ces années de Mitterrandisme effréné, de fin des idéologies et de financiarisation de l’économie, ils ont été nombreux à patauger dans les eaux boueuses du politiquement correct et du simplement ridicule.

Sous forme de billets d’humeur, de lettres, de pastiches ou de poèmes, Besson a canardé, sans relâche, les faux-semblants de ces vingt dernières années. Les profiteurs du système, les jurys littéraires cacochymes, les éditeurs véreux, les écrivains gigolpinces, tout le monde en a pris pour son grade. Et ne boudons pas notre plaisir, c’est sacrément plaisant de lire ou relire ces textes qui n’ont rien perdu de leur causticité ! On se rend compte que Besson a été le plus grand écrivain de la fin du XXème siècle en France. On partage avec lui ses coups de gueule et sa lucidité désespérée sur la fin d’un monde tout en s’amusant de son sens de la formule. Besson a ce côté révolté et joyeux des gamins de l’ex-banlieue rouge, il égratigne et il blesse d’un coup de plume…juste pour rire.

Toutes les gloires de ces années-là ont eu droit à leur dézingage en règle. Net et précis. Une volée de bois vert qui laisse l’impétrant, comme dirait l’autre, sur le carreau. Ca mitraillait sec en ce temps-là ! Dans ces exécutions littéraires qui nous manquent cruellement aujourd’hui, Besson a bien évidemment ses têtes de turc. Son courroux monte crescendo selon son humeur. A la sortie de La vie éternelle de Jacques Attali, Besson ricane en lançant que « rien n’est plus beau qu’un beau roman, mais il y a rien de pire qu’un mauvais romancier ». C’est frais, léger, gentillet, ça se corse parfois comme cet agacement sur les livres de Françoise Giroud qui« s’autodétruisent dans les douze mois suivant leur parution ». Mais, là encore, nous sommes dans une tradition bien française du lynchage entre confères et personne ne viendra s’en plaindre. Jacques Attali ou Françoise Giroud n’ont pas laissé des œuvres mémorables au panthéon de la littérature pour éviter une giclée de gros plomb d’imprimerie.

Besson ne recule cependant devant rien et n’hésite pas à déboulonner les consciences politiques qui faisaient la Une des magazines. Ce « ball-trap » est jouissif, tout le monde y passe : Guy Bedos, Philippe Sollers, Patrick Modiano, Yves Simon ou l’inénarrable Alain Robbe-Grillet. La liste des estropiés est longue.

Ses anciens camarades du PCF n’échappent pas à cette mise à mort , notamment Robert Hue, coupable selon Besson d’avoir tué le parti. On retiendra cette saillie drolatique : « Une nouvelle définition pour le mot « mutation » : division par deux ». Mais il y a aussi, dans ce recueil, des textes plus tendres qui nous font entrer dans la mythologie bessonienne. Des déclarations d’amour à sa mère comme cette lettre qu’il lui adresse et où il lance, mi-sincère, mi-goguenard, « eh oui, cette année encore, j’ai raté le Goncourt et le Renaudot (il l’obtint finalement en 1995) ». Car si les coups de griffe de Besson sont spirituels et abrasifs, ses élans du cœur sont désarmants. On aime Besson lorsqu’il vante la prose de son comparse Neuhoff, lorsqu’il écrit sur la Yougoslavie, sur l’Idiot International, sur Claude Zidi, sur Jacques Chardonne, sur son service militaire en Allemagne ou sur Gisela, sa bien-aimée. En réalité, les chroniques bessoniennes étaient des appels à l’aide, des cris dans la nuit à un moment de notre histoire où tout a déraillé, où Droite et Gauche se sont échangé les mêmes arguments, où la vulgarité des médias a fait consciencieusement son lit et où les livres sont devenus des marchandises.

Vous me direz, rien de nouveau dans ce constat ? Sauf que Besson a analysé à chaud les dérives de cette nouvelle société et avec quel talent ! Pour ceux qui auraient une vision déformée de Besson, une sorte de franc-tireur de la presse parisienne passant allègrement de l’Humanité au Figaro ou d’un sale gosse des lettres, il faut lire Le Hussard Rouge pour se souvenir du monde d’avant, avant le déluge, avant la connerie généralisée, avant le chaos mental, etc… Car Besson a dédié sa vie aux livres et ça mérite au moins le respect.

Le hussard rouge

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Apocalypse Hitler : parlons-en !

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Causeur m’a demandé de répondre aux interrogations et remarques de ses abonnés, que je remercie, d’avoir regardé, comme plus de six millions de personnes, Apocalypse Hitler sur France2 le mardi 25 octobre. Le débat fait débat, certainement, et je ne peux moi-même m’associer aux critiques sans me désolidariser des efforts de la chaîne, qui a dû l’organiser dans des contraintes de durée, ce que je regrette.

Je dirai que ces remarques, ainsi que celles de Patrick Mandon, sont de trois ordres.
Goebbels arrive en deuxième position dans les interrogations de nos amis (ils le sont vraiment, puisqu’ils lisent Causeur). En fait, ces questions renvoient à ce qui reste un mystère, contourné ou affronté par les historiens, sur le nazisme et Hitler. C’est la fameuse question de la poule et de l’œuf. Hitler a-t-il fait Goebbels (et le nazisme) ou est-ce l’inverse ? J’ai tendance à penser que les esprits mauvais se sont rencontrés et que de cette rencontre sont nés un régime et un chef (Führer) qui n’étaient, ni l’un ni l’autre, à la hauteur de la situation. Goebbels a d’abord compris tout le profit de l’utilisation de l’antisémitisme, la force obscure d’Hitler dans ses discours, comme il a sans doute, après, senti que tout cela allait mal tourner et que l’essentiel était alors de se servir de sa provisoire toute-puissance pour imposer sa frénésie sexuelle aux plus mignonnes actrices du cinéma allemand[1. Mais c’est un autre sujet…]. Il y a aussi chez tous ces types un penchant à croire leurs propres mensonges, jusqu’à la mort. Pour y voir plus clair, je conseille vivement de lire Kershaw, auteur de Le Mythe Hitler.

Les Allemands ont-ils été complices ? Mais peut-on être complice quand la Gestapo rôde ? Au début, beaucoup ont été dupés par la démagogie, ils ont voté pour lui et certainement apprécié le retour au calme, puisque le pompier pyromane étant au pouvoir, l’ordre a régné. Au départ, l’extravagance du régime, ses discours et ses oriflammes les ont plutôt fait sourire : les Berlinois, d’esprit caustique, disaient : « Nous serons bientôt tous sveltes comme Goering, sportifs comme Goebbels et blonds comme Hitler ».

Je crois que la troisième interrogation est la plus importante parce qu’elle porte sur la question finale : «  Sommes-nous à l’abri d’un nouveau Hitler ? ». D’abord, les Hitler n’ont pas manqué, après 1945. Ils ont régné sur la malheureuse Russie, sur la Corée du Nord, sur le Vietnam ou le Cambodge. Ils sont toujours au pouvoir quelque part, massacrant comme au Rwanda ou opprimant avec toutes les Charia possibles. Mais les messages d’Isa et de Saul renvoient à une seule et même question : la peur. Peur de ce siècle qui vient, avec ses Hitler.

Je voudrais leur répondre en citant celui qui fut mon maître, et que je continue, trente ans après sa mort, de considérer comme l’esprit le plus important du XXème siècle : Gaston Bouthoul[2. Ses ouvrages les plus importants, dont je recommande la lecture urgente sont Traité de polémologie. Sociologie des guerres; L’infanticide différé; Le Phénomène-Guerre, Payot, Petite bibliothèque Payot, 1962, 283 p. (adaptation résumée du précédent).]. Quand je l’ai connu, et souvent filmé, il était l’un des patrons de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, et son analyse sociologique des guerres est toujours d’actualité. Bouthoul a dit : « La civilisation est une lutte contre la peur ».

En deux mots, Bouthoul est à l’opposé de Clausewitz, pour qui, on le sait, « La guerre est la continuation de la politique, par d’autres moyens ». Non, dit Bouthoul, la guerre est le produit de l’agressivité collective et des situations dites « belligènes » et s’invente des raisons a posteriori pour justifier les massacres.

J’ajouterais, pour simplifier, que l’homme des cavernes pour protéger sa famille serrée, terrorisée, autour d’un maigre feu, mais aussi pour se revêtir de sa fourrure, devait affronter l’ours un silex à la main. Essayez donc de tuer un monstre de deux tonnes avec un silex. Il vous faudrait une dose d’agressivité qui s’est transmise dans les gênes de toute l’humanité et qui vous fait injurier les autres conducteurs. Cette agressivité devient collective dans toutes les situations de surpopulation et de crises. C’est pourquoi Bouthoul considère la guerre comme une maladie, la maladie mortelle de l’humanité. Le seul remède, c’est la non-violence. Aucune raison, aucune, ne justifie une violence, qu’elle soit verbale ou criminelle comme celle dont nous menacent tous les Robespierre « révolutionnaires » c’est-à-dire, assassins.

Libye : nouveau gouvernement, vieilles habitudes

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Tandis que la nomination du nouveau Premier Ministre, l’universitaire Abdel Rahim Al-Kib, monopolise l’attention, les règlements de compte continuent sur le terrain libyen. De nouveau, ce sont les milices de Misrata qui se montrent particulièrement actives. Ainsi, les habitants d’Al Djemel, ville située à 120 km au sud-ouest de Tripoli, ont rapporté qu’il y a une semaine, des combattants misrati avaient fait irruption dans leur cité pour y « rechercher des fidèles de Kadhafi ». Pendant cette opération – dont personne ne connaît le commanditaire- des dizaines de jeunes en âge de combattre auraient disparu et quatre auraient été tués. Selon le parent de l’une des victimes leurs corps étaient mutilés, la langue et les parties génitales coupées.

Les milices de Misrata qui sont déjà « intervenues » à Syrte et dans d’autres localités considérées comme kadhafistes commencent à poser un problème au nouveau gouvernement libyen. La vendetta des Misratis nourrit, forcement, une volonté de vengeance au sein des familles, clans et tribus victimes et contribue à la nostalgie de l’ancien régime.

Pour une fois, un pays qui émerge de la guerre et de la révolution n’a pas à craindre de problèmes économiques risquant de créer une déception populaire. Le nouveau gouvernement dispose en effet de plusieurs dizaines de milliards prêts à être dépensés, de quoi transformer la Libye – au moins pour quelques années – en eldorado.

Sauf bien sûr si la spirale des règlements de comptes s’installe : Misrata semble être aujourd’hui le problème le plus urgent de la nouvelle Libye.

Israël est il l’opium de la gauche ?

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Par deux fois, les Français (de gauche et les autres), ont pu apprendre que si Martine Aubry était élue présidente, elle « reconnaîtrait la Palestine ». Dans son avant-dernière profession de foi, face à ses cinq concurrents, sur BFM TV le 5 octobre, Martine Aubry, pour dénoncer la politique de l’actuel Président de la République, avait fustigé cette « France qui ne reconnaît pas la Palestine ». Dans son ultime face à face avec son rival, François Hollande, Martine Aubry, a ajouté une précision : elle « reconnaîtrait » aussi, Israël. Ce fut le seul point de politique étrangère évoqué dans ces débats des primaires.

Des autres peuples en lutte, celui du Darfour napalmisé par l’armée soudanaise, le peuple tibétain écrasé par la Chine, les Kurdes massacrés par l’Iran et la Turquie, les Birmans sous le joug de la junte, les Bahaïs persécutés, les Kabyles muselés, les Chrétiens menacés dans le monde musulman, les Coptes mitraillés au Caire, les six postulants à l’investiture socialiste ne dirent rien.

Des guerres déclarées ou des conflits non déclarés dans lesquels la France a engagé ses forces, du positionnement de la France dans la lutte contre le terrorisme, de la Libye, de l’Irak, de l’Afghanistan, il ne fut pas plus question dans ces débats. De la même manière, les six candidats ont soigneusement évité d’aborder les questions fondamentales qui touchent à l’émigration, au progrès de l’islamisme dans les cités, ou aux violences urbaines croissantes, ce qui augure mal de leur capacité à affronter l’avenir. Ne pas voir, ne pas entendre et ne rien dire pour ne pas désespérer le 9-3, semble être une règle de conduite pour ceux et celles qui ont fait de la bonne conscience l’ossature de leur programme électoral. De cet évitement le FN fait son miel électoral.

Le positionnement déclaré de la candidate Aubry en faveur de la Palestine n’avait d’ailleurs pas pour objet la politique étrangère de la France. Il visait en deçà des rives du Jourdain. Ce clin d’œil appuyé, en direction des banlieues, contredisait en outre la précédente dénonciation du boycott d’Israël par Martine Aubry. Quand on connaît la part de schizophrénie identitaire qui affecte de nombreux « jeunes-des-banlieues » cette déclaration ne favorisait guère leur intégration dans l’histoire de la République. La maire de Lille connaît bien la question. Elle sait combien, dans les « quartiers », la Palestine agit comme un fantasme symbolique collectif, comme représentant la cause, sinon la patrie, de ceux qui n’ont pas de patrie. En faisant de la Palestine la seule noble cause à défendre, la socialiste ajoute, ici, du malheur identitaire au malaise social. Elle aggrave les ruptures culturelles au sein de la société. Une récente enquête met à jour le poids de plus en plus important de l’islam en France et les séductions politiques qui lui sont liées. Tout ceci tisse un système compliqué dont toutes les pièces sont liées; Martine Aubry devrait se souvenir des manifestations de refus d’un concert d’Enrico Macias à Roubaix en 2000 au prétexte qu’un « juif ne pouvait pas chanter en arabe ».

En contrepoint, la seule contrepartie qu’elle exige, la « reconnaissance d’Israël », est stupéfiante : le peuple de gauche vient donc d’apprendre, par défaut, que jusqu’à ce jour, pour Martine Aubry, Israël n’était pas encore reconnu. Qu’est ce que veut bien dire « reconnaître Israël » ?

Reconnaître le fait ou reconnaître aussi le droit ? Quel droit ? Le droit pour le peuple juif d’avoir un Etat sur l’espace de sa terre historique. Il est navrant de constater qu’à gauche aujourd’hui, on ne soit désormais sensible qu’à l’écume de cette pensée unique qui fait d’Israël le fautif, le coupable, le criminel et la Palestine LA juste cause. Faut il rappeler aux socialistes cette réflexion de François Mitterrand, en novembre 1975, quand une motion de l’ONU avait assimilé le sionisme au racisme : « Je savais déjà que le fanatisme était un attribut de la sottise. J’ai envie d’écrire ce matin qu’il est la sottise même (…) Economisons les grands mots et n’en gardons qu’un, le mépris (…) Frank, Anne Frank, merveilleuse et déchirante, fleur de vie, pauvre morte, c’est à toi que je pense au moment de dire pardon ». Puisse la gauche ne pas tomber dans les ornières du gauchisme dont l’obsession anti israélienne tient lieu de matrice intellectuelle.

Etre de gauche, c’est d’abord être pédagogue en expliquant aux « jeunes-des-banlieues » que la source de leur malheur existentiel ne se nomme pas Israël et qu’ils ne trouveront pas la réponse à leur ressentiment dans la haine antijuive. C’est aussi dire, en tant que Président de la République, aux autres peuples arabes que la source de leur malheur ne se nomme pas non plus Israël. Qui opprime qui dans le monde arabo-musulman ? Qui sont les dictateurs, les potentats, les corrompus ? Qui menace la liberté fraichement acquise en Tunisie ? C’est au prix de ce courage politique qu’un président de gauche pourrait s’adresser à Israël en « ami et en allié » afin de reconnaître aux palestiniens la légitimité de leur aspiration nationale et de favoriser la solution de deux Etats pour deux peuples.

Etre de gauche, en France, c’est enfin déconstruire ce cliché qui identifie, depuis la guerre d’Algérie la cause et les moyens de la cause. Ce n’est pas aider à la compréhension du conflit israélo-arabe que de vouloir obstinément le lire dans les catégories de la guerre d’Algérie. Nous rêvons de dire bienvenue à la Palestine si elle reconnaît à Israël son droit à être l’Etat du peuple juif ! Bienvenue à la Palestine si elle reconnaît leurs droits aux femmes ! Bienvenue à la Palestine si elle proscrit de ses moyens de lutte la bombe humaine !

La France est le pays européen qui a la plus grande communauté juive et la plus grande part de population musulmane. Notre pays a donc un rôle à jouer, plus noble que sa seule « politique arabe ». Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est peut-être ce choc des civilisations, sinistre corollaire de la mondialisation, qu’une gauche intelligente, imaginative et honnête pourrait conjurer.

Lamoureux du peuple

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Robert Lamoureux nous a quittés samedi. Né en 1920, chansonnier, acteur de théâtre et de cinéma, scénariste et réalisateur, on peut qualifier ce conservateur de précurseur. Sa Chasse au canard demeure un chef d’œuvre d’humour « en cascade », qui inspire encore nos meilleurs comiques d’aujourd’hui. Avec Mais où est donc passé la septième compagnie ?, premier et meilleur épisode d’une trilogie multirediffusée par la télévision, on peut dire qu’il inventa le docu-fiction tant ce film raconte avec justesse la débâcle de mai 40.

En plus d’être un héros du peuple, et donc un immortel, Lamoureux était aussi une icône du Monde d’Avant. De l’époque où les Français formaient un peuple trousseur et buveur, et disons-le, dominateur et sûr de lui -y compris dans la débâcle, quand tout, mais alors tout, fout le camp.

A défaut de savoir faire la guerre aux Alboches, en ce temps-là nos élites excellaient dans la guerre déclarée aux patois. A Paris, la peur des pauvres (classes laborieuses, classes dangereuses) s’est traduite par une tentative d’éradiquer leurs argots. Le poissard, l’argot des Halles, de ports et du « peuple » parisien des faubourgs s’est mué en « parigot », charmant parler devenu objet folklorique au même titre que l’habit provincial, une fois la menace sur l’indivisibilité de la république levée.

Le cinéma et la culture populaire de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre nous ont laissé quelques vestiges comme le célèbre « atmosphère » de l’Hôtel du Nord ou le moins éternel « rififi ». Robert Lamoureux était le dernier vestige de cette époque révolue, le dernier chaînon fragile d’une tradition remontant au XVIIIème siècle. Les cabarets des années 1940 où Lamoureux a débuté sa carrière gardaient encore quelque chose de ce monde déjà menacé d’extinction par la TSF. La Première Chaine et la Nouvelle Vague lui auront donné le coup de grâce. Quand tout le monde devient un petit bourgeois diplômé, ne subsiste plus ni peuple ni parler populaire subversif et authentique.

Ne reste que le folklore, façon Pierre Perret ou Joey Starr.

Papa lit et papa coud : l’homoparentalité arrive dans les programmes scolaires

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Vous avez aimé la querelle du genre ? Alors vous allez adorer les nouveaux programmes des classes de terminale littéraire. En cours de « Droit et grands enjeux du monde contemporain », on y étudiera bientôt les familles homoparentales . Selon le J. O., la disposition entrera en application à la rentrée scolaire 2012-2013.

Ceux qui penseraient que nous confondons Premier Novembre et Premier Avril trouveront ici l’intégralité du communiqué publié hier par les services de Luc Chatel, tel qu’on peut le lire sur le site du ministère de l’Education Nationale.

Communiqué de presse du 31/10/2011 : Précisions sur l’enseignement « Droit et grands enjeux du monde contemporain »


Un nouvel enseignement « Droit et grands enjeux du monde contemporain »
 sera proposé aux élèves de terminale de la série littéraire à la rentrée prochaine.
Cet enseignement, qui s’inscrit dans le cadre de la revalorisation de la filière littéraire, a pour objectif de faire découvrir le droit aux élèves en leur montrant comment le droit aborde les questions contemporaines.
Le programme précise que les thèmes retenus « mettent en scène des situations réelles afin de montrer comment le droit y est présent et avec quels instruments, quels résultats et quelles limites il y répond »
. Ainsi, pour le thème « La vie, le corps, la santé »
, il est fait référence à des réalités ou des questions qui font débat et le programme précise que « le cours sera l’occasion d’expliciter la portée juridique de quelques grands enjeux actuels »
 (procréation assistée, 
euthanasie, dons et ventes d’organes).
Le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative tient à préciser que la mention de ces questions de société ne signifie aucunement qu’elles aient une reconnaissance et une définition légales.
Mentionner ces questions de société permet seulement de montrer aux élèves les réponses apportées par le droit sous toutes ses formes (loi, réglementation, jurisprudence).
Le thème consacré à « L’évolution de la famille »
 donne ainsi l’occasion de traiter des grands domaines du droit de la famille ainsi que leur évolution, à travers les questions nouvelles qu’ont eu à traiter les juridictions et les pouvoirs publics. La notion d’homoparentalité est, à ce titre, un exemple de sujet parmi d’autres dont le droit est saisi ; elle est aussi traitée en tant que telle
 dans les facultés de droit.

Hollande abandonne déjà le programme du PS

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Invité ce lundi de l’émission Télématin sur France2, Jérôme Cahuzac, président de la commission des Finances de l’Assemblée, et proche conseiller de François Hollande n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat. Il a expliqué, sans prendre trop de gants, que le programme du PS pour la présidentielle ne pourra pas être appliqué en totalité, notamment à cause de l’évolution de la crise actuelle.

Jérôme Cahuzac a notamment étayé ses déclarations en constatant que ce programme, adopté en 2010, était basé sur une hypothèse de croissance de 2,5% en 2013, et donc plus applicable en l’état. Rappelons que la prévision de croissance 2012, initialement fixée à 2,5 %, puis ramenée à 2,25 % en avril puis à 1,75 % en septembre, est désormais de 1 %.

Souvent présenté comme le futur occupant de Bercy en cas de victoire de la gauche l’an prochain, Jérôme Cahuzac, a donc affirmé que François Hollande « puisera dans ce programme mais ne pourra réaliser la totalité de ce programme car tout simplement les moyens du pays ne le permettent pas ».

Une démarche qui, il est vrai, avait plutôt bien réussi à François Mitterrand dont les 110 propositions de campagne de 1981 différaient sur maints points stratégiques du programme adopté par le Parti…

Osons interdire les jouets sexistes

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Image : Sanandreas

Abonné au compte twitter de Caroline de Haas, de joyeuse mémoire, la célèbre inventeuse de l’opération commando « Osez le clito », , mon attention a été attirée par un fléau qui ne saurait être passé sous silence : la résistance du patriarcat par la promotion de jouets sexistes.

Ainsi, j’ai été envoyé sur un article d’une blogueuse2 intitulé « Et le jouet sexiste du mois est… ». Après avoir cloué au pilori les les gens du catalogue « Eveil » en fustigeant le fait qu’on propose aux petits garçons des panoplies de cow-boys ou d’indiens, « du couillu, qui sent bon la testostérone » et des tenues de princesse aux petites filles, le pompon est décerné à deux jouets :

Indignée, notre blogueuse[1. Avant que vous ne me traitiez de sexiste, prétextant du fait que je n’envisage pas que cet article féministe ait pu être l’oeuvre d’un mâle, sachez que j’ai lu l’article jusqu’à la fin. L’auteure y fait allusion à sa grossesse.], ne mâche pas ses mots :

« Être LE premier à retrouver le trésor du pirate,

voici une quête des plus palpitantes !

Être LA première à retrouver le prince pour aller au bal,

n’est ce pas le rêve de toute petite fille ? »

Ainsi, les rédacteurs du catalogue sont démasqués. Ils sont sexistes car ils n’ont pas envisagé une seconde que « rêve de princesse » ait pu intéresser un petit garçon. En revanche, envisageant que « rêve de trésor » ait été réservé aux petits garçons par le seul fait de l’utilisation de l’article défini masculin, notre blogueuse oublie ses leçons de grammaire. Car cette dernière demeure indécrottablement sexiste et, dans le doute sur l’identité du vainqueur d’une chasse au trésor à laquelle des enfants des deux sexes participent (ou genre, c’est comme vous voulez), c’est effectivement le masculin qui l’emporte. Car je vous le demande : qu’est ce qui empêche le parent, client libre et souverain, d’offrir à sa fillette le jeu de chasse au trésor, la sachant très douée pour énigmes et enquêtes en tout genre ?

Restons un instant sur cette histoire de « rêve de princesse ». Moi-même, qui ai la chance d’avoir pour progéniture deux représentantes de la gent féminine, je ne suis pas certain d’insister pour qu’elles inscrivent ce jeu sur leur lettre à Papa Noël. Pour tout dire, je trouve ça plutôt cul-cul. En revanche, que les filles rêvent d’aller au bal, en surprise-partie, en boum ou en discothèque, selon les générations, dans l’espoir d’y trouver le prince charmant, je crois que cela arrive toujours. Je profite d’ailleurs du fait que mes filles à moi n’aient pas encore l’âge de ne penser qu’à cela au lieu de travailler sa conjugaison pour l’une et de faire de la peinture ou chanter « au clair de la lune » pour l’autre. Et puis quoi, il faut aussi qu’elles ne lisent plus Cendrillon, la Belle aux bois dormant ou Blanche-Neige ? Le conte de fées est sexiste ! « Osons l’autodafé ! »

Allez, David, vis dans ton époque. Lutte contre le sexisme. Ce combat contre le sexisme des jouets est un vrai combat. Il faut donc y participer et apporter ta pierre à l’édifice. Ainsi, je suis parti à la recherche, moi aussi, de jouets sexistes afin de les désigner à la vindicte populaire. Et je n’ai pas tardé à en dénicher un :

Une autre politique, oui, mais laquelle ?

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Sommes-nous en train de tuer la Grèce ? À l’évidence, ce pays est pris dans un cercle vicieux. D’un côté, les coupes claires du gouvernement dans les dépenses publiques ont un effet désastreux sur sa demande locale et les recettes fiscales. De l’autre, l’incapacité d’Athènes à dévaluer la monnaie pèse sur la demande extérieure : libellés en euro, les biens et services grecs sont jugés trop chers.

Certains prolongent cette analyse en estimant que la politique économique appliquée en Grèce ne marche pas, et qu’elle ne pourra jamais marcher. Ils mettent un autre modèle économique en avant : l’Argentine. Défaut de paiement, dévaluation et protectionnisme constitueraient la panacée dont il faudrait s’inspirer. Vues de près, les choses s’avèrent toutefois beaucoup plus compliquées et difficiles à transposer d’un pays à l’autre. N’oublions que pas que chaque dimanche ayant son lundi, le succès argentin a été très chèrement payé et sa facture n’est pas encore totalement réglée.
Mais rendons d’abord à César ce qui est à César : si la semaine dernière, les Argentins ont massivement réélu Christina Fernandez de Kirchner dès le premier tour de l’élection présidentielle, c’est qu’ils approuvent massivement sa politique économique, qui était auparavant celle de son défunt mari, Nestor[1. une tradition argentine : Isabel Martínez Perón a, elle aussi, succédé en 1974 à son mari], élu en 2003. Sous la présidence des Kirchner, l’Argentine est revenue de loin. Il y presque dix ans, le pays a subi une Bérézina économique. Piégé par l’arrimage de sa devise sur le dollar américain, mesure extrême prise dans les années 1990 pour lutter contre l’inflation galopante, le gouvernement de Buenos Aires s’était retrouvé complètement démuni face à une conjoncture qui aurait pu lui être fatale : une dette importante, la crise économique de 2000-2001 et un dollar (et donc un peso) très fort.
La crise a connu son apogée le 30 novembre 2001, lorsque les Argentins se sont massivement rués dans les banques pour retirer leur argent. En 24 heures, c’est l’effondrement : mesures d’urgence, émeutes, dizaines des morts. Le président (socialiste) de l’époque, Fernando de la Rua, démissionne et fuit le palais présidentiel en hélicoptère.

Selon un proverbe argentin, ce pays est composé d’habitants qui veulent le ruiner mais qui n’y parviennent pas. En décembre 2001, ils y sont presque arrivés… Trois présidents se succèdent en moins de 15 jours avant que le péroniste Eduardo Duhalde ne prenne durablement les rênes du pouvoir et impose une nouvelle politique économique fondée sur deux piliers : une séparation entre le peso et le dollar et un défaut de paiement. Concrètement, le gouvernement a repris la main sur le taux de change et le taux d’intérêt, il a éliminé une partie importante de la dette et a retardé l’échéance de remboursement du reste de l’argent dû à ses créanciers.

Sans service de la dette, avec une planche à billets fonctionnant à plein régime et un taux de change rendant ses produits attractifs, le gouvernement argentin est parvenu à redresser la barre. Par la suite, sous les présidences Kirchner, l’Argentine a su créer une croissance forte (près de 8 % par an), faire baisser le chômage, diminuer la pauvreté et les inégalités. Résultat formidable, mais à quel prix !
La faillite de l’Argentine a coûté cher à ses créanciers qui, contrairement à une idée reçue, ne sont pas tous des quinquas blancs, bedonnants et fumeurs de gros cigares. Parmi les bailleurs de fonds lésés, on trouve des fonds de pension italiens (qui sont des épargnants) mais aussi, voire surtout, la classe moyenne argentine qui a vu ses économies s’évaporer. Car lorsque le gouvernement a séparé le peso du dollar, il a imposé un taux de change qui a dépouillé les épargnants de 40 % de leur capital. Les mois suivants, ils en perdaient encore plus.

Aujourd’hui, malgré les performances impressionnantes de l’économie argentine, les capitaux ne se bousculent pas aux portes de la banque centrale du pays. Ce n’est pas un hasard si l’une des obsessions des Kirchner est de démontrer (aux marchés, bien sûr) que l’Argentine est un pays sérieux. La présidente de l’Argentine sait bien que, tôt ou tard, il faudra renouer avec une politique économique plus classique et emprunter de l’argent sur les marchés pour financer des investissements lourds. En 2009, le Prix Nobel d’économie Paul Krugman l’avait clairement expliqué : « C’est une erreur de rester trop longtemps dans l’hétérodoxie et ne pas savoir mettre fin à celle-ci. Maintenant c’est le moment de cultiver une image de citoyen respectable, pour recommencer à être hétérodoxe quand on aura besoin de le faire ».

Dans le film 127 heures, Aron Ralston, un jeune alpiniste coincé dans un ravin étroit, s’ampute l’avant-bras à l’aide de son canif pour survivre. L’Argentine a accompli un exploit similaire qui, certes, force l’admiration, mais ne devrait pas nous pousser l’Europe à l’imiter.
En Grèce, les épargnants issus de la classe moyenne, ceux qui ont quelques milliers ou quelques dizaines de milliers d’euros d’économie à la banque, sont-ils prêts à predre la moitié ou le tiers de leur épargne en récupérant des « nouvelles drachmes » dévaluées à la place de leurs euros ? Et si on les y obligeait, une fois la crise terminée, franchiraient-ils de nouveau le seuil d’une banque ? En revanche, les méthodes classiques, qui ont soi-disant montré leurs limites en Grèce, semblent donner des résultats plus positifs en Irlande.

L’histoire de l’Irlande est bien connue : rattrapant un retard séculaire, le pays a fait un énorme bond en avant dans les années 1990 grâce à un taux de l’impôt sur les sociétés parmi les plus faibles du monde (12,5 %,). En quelques années, cela a engendré un boom des industries de pointe et développé les secteurs de la banque et de la finance. Les Irlandais se sont enrichis, certains sont même revenus des Etats-Unis où leurs ancêtres avaient autrefois trouvé refuge pour fuir la misère : le Tigre celtique était né. Or, en 2008, suite à la crise financière, le paradis irlandais commence à ressembler à l’enfer : effondrement du secteur bancaire insuffisamment règlementé, explosion de la bulle immobilière, ralentissement de l’activité économique et baisse des recettes fiscales. Obligé de sauver les banques, l’Etat transforme les déficits privés des banques en déficits publics et la dette publique quadruple pour atteindre 100 % du PIB.

Pour éviter un défaut de paiement, fatal à un pays qui souhaite s’imposer comme un centre financier planétaire, Dublin se tourne vers Bruxelles et le FMI, qui débloquent 85 milliards d’euros. En contrepartie, l’Irlande applique un plan d’austérité : 20 milliards d’euros de réductions budgétaires portant sur les dépenses et non sur les recettes. Le gouvernement irlandais a préféré opéré des coupes budgétaires plutôt que d’augmenter les impôts pour conserver son fameux « modèle ». Résultat : pas plus tard qu’au mois d’octobre, la commission chargée de suivre l’Irlande a émis un avis favorable quant à l’amélioration de sa situation. Dublin tient parole et les résultats sont, pour l’instant, au rendez-vous. Toujours fragile et exposée aux risques liés à l’affaiblissement de leurs principaux partenaires commerciaux, l’économie irlandaise démontre au moins une chose : l’inefficacité d’une politique en Grèce ne la disqualifie pas ailleurs.

En fait, le fond de l’affaire est là : en économie, les mêmes causes n’ont pas toujours les mêmes effets, un remède de cheval peut sauver un pays et en couler un autre. Pire, à l’intérieur d’un même pays, une excellente politique économique peut se révéler fatale dix ans plus tard ; tout simplement parce qu’il n’existe pas une seule recette miracle applicable en tout temps et en tout lieu. Chaque société, doit élaborer sa propre recette en fonction de son histoire, de ses institutions et de sa mentalité. Cela s’appelle « faire de la politique ».

Prague 1946, Tunis 2011 ?

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En 1946, le Parti communiste tchécoslovaque obtenait 38% des suffrages à l’occasion des premières élections libres organisées après la fin de l’occupation nazie. Pendant deux ans, il dirigea un gouvernement de coalition avec les partis « bourgeois », ce qui lui permit de noyauter systématiquement les administrations, la police et l’armée.

En février 1948, profitant de l’affaiblissement cérébral du président Edvard Bénès, les communistes se débarrassent de leurs alliés pour s’emparer de la totalité d’un pouvoir qu’ils conserveront jusqu’à la « révolution de velours » de 1989. Le 10 mars 1948, Jan Masaryk, ministre des affaires étrangères et fils du fondateur de la première république tchécoslovaque fut retrouvé mort, en pyjama, dans la cour de son ministère, victime d’une défenestration qui ne fut établie qu’après la chute du communisme.

Ce précédent historique devrait inciter à la réflexion les partis tunisiens laïcs qui s’apprêtent à faire alliance avec les islamistes d’Ennahda. Le discours apaisant des barbus tunisiens ressemble fort à celui tenu jadis à Prague par les chefs communistes Klement Gottwald et Rudolf Slansky avant qu’ils ne passent aux choses sérieuses. Et leur aptitude au noyautage des instruments du pouvoir semble au moins aussi efficace que celle des artisans du « coup de Prague ».

Bien entendu, la mise en garde qui précède relève de la plus évidente paranoïa, puisque Bernard Guetta nous serine tous les matins que les gens d’Ennahda sont des islamistes mo-dé-rés. Rendez-vous dans deux ans, ou peut-être moins…

Les archives du hussard rouge

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Patrick Besson

Le Temps des Cerises a eu la bonne idée de réunir dans un seul volume (Le Hussard Rouge) quelques chroniques de Patrick Besson datant des années 1980 à 2000. Enfin, « bonne idée », pas pour tout le monde. Certains se seraient bien gardés de voir remonter à la surface des textes assassins qui mettent en lumière leur nullité ou leur bassesse d’alors. Besson exhumait avec délice et malice toutes les petites minables compromissions des gens bien en vue. Dans ces années de Mitterrandisme effréné, de fin des idéologies et de financiarisation de l’économie, ils ont été nombreux à patauger dans les eaux boueuses du politiquement correct et du simplement ridicule.

Sous forme de billets d’humeur, de lettres, de pastiches ou de poèmes, Besson a canardé, sans relâche, les faux-semblants de ces vingt dernières années. Les profiteurs du système, les jurys littéraires cacochymes, les éditeurs véreux, les écrivains gigolpinces, tout le monde en a pris pour son grade. Et ne boudons pas notre plaisir, c’est sacrément plaisant de lire ou relire ces textes qui n’ont rien perdu de leur causticité ! On se rend compte que Besson a été le plus grand écrivain de la fin du XXème siècle en France. On partage avec lui ses coups de gueule et sa lucidité désespérée sur la fin d’un monde tout en s’amusant de son sens de la formule. Besson a ce côté révolté et joyeux des gamins de l’ex-banlieue rouge, il égratigne et il blesse d’un coup de plume…juste pour rire.

Toutes les gloires de ces années-là ont eu droit à leur dézingage en règle. Net et précis. Une volée de bois vert qui laisse l’impétrant, comme dirait l’autre, sur le carreau. Ca mitraillait sec en ce temps-là ! Dans ces exécutions littéraires qui nous manquent cruellement aujourd’hui, Besson a bien évidemment ses têtes de turc. Son courroux monte crescendo selon son humeur. A la sortie de La vie éternelle de Jacques Attali, Besson ricane en lançant que « rien n’est plus beau qu’un beau roman, mais il y a rien de pire qu’un mauvais romancier ». C’est frais, léger, gentillet, ça se corse parfois comme cet agacement sur les livres de Françoise Giroud qui« s’autodétruisent dans les douze mois suivant leur parution ». Mais, là encore, nous sommes dans une tradition bien française du lynchage entre confères et personne ne viendra s’en plaindre. Jacques Attali ou Françoise Giroud n’ont pas laissé des œuvres mémorables au panthéon de la littérature pour éviter une giclée de gros plomb d’imprimerie.

Besson ne recule cependant devant rien et n’hésite pas à déboulonner les consciences politiques qui faisaient la Une des magazines. Ce « ball-trap » est jouissif, tout le monde y passe : Guy Bedos, Philippe Sollers, Patrick Modiano, Yves Simon ou l’inénarrable Alain Robbe-Grillet. La liste des estropiés est longue.

Ses anciens camarades du PCF n’échappent pas à cette mise à mort , notamment Robert Hue, coupable selon Besson d’avoir tué le parti. On retiendra cette saillie drolatique : « Une nouvelle définition pour le mot « mutation » : division par deux ». Mais il y a aussi, dans ce recueil, des textes plus tendres qui nous font entrer dans la mythologie bessonienne. Des déclarations d’amour à sa mère comme cette lettre qu’il lui adresse et où il lance, mi-sincère, mi-goguenard, « eh oui, cette année encore, j’ai raté le Goncourt et le Renaudot (il l’obtint finalement en 1995) ». Car si les coups de griffe de Besson sont spirituels et abrasifs, ses élans du cœur sont désarmants. On aime Besson lorsqu’il vante la prose de son comparse Neuhoff, lorsqu’il écrit sur la Yougoslavie, sur l’Idiot International, sur Claude Zidi, sur Jacques Chardonne, sur son service militaire en Allemagne ou sur Gisela, sa bien-aimée. En réalité, les chroniques bessoniennes étaient des appels à l’aide, des cris dans la nuit à un moment de notre histoire où tout a déraillé, où Droite et Gauche se sont échangé les mêmes arguments, où la vulgarité des médias a fait consciencieusement son lit et où les livres sont devenus des marchandises.

Vous me direz, rien de nouveau dans ce constat ? Sauf que Besson a analysé à chaud les dérives de cette nouvelle société et avec quel talent ! Pour ceux qui auraient une vision déformée de Besson, une sorte de franc-tireur de la presse parisienne passant allègrement de l’Humanité au Figaro ou d’un sale gosse des lettres, il faut lire Le Hussard Rouge pour se souvenir du monde d’avant, avant le déluge, avant la connerie généralisée, avant le chaos mental, etc… Car Besson a dédié sa vie aux livres et ça mérite au moins le respect.

Le hussard rouge

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