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La médecine douce, une drogue dure


La médecine douce, une drogue dure

pilules

Il m’arrive quand j’ai trop de travail, trop de clients, trop de charges de ne plus savoir où donner de la tête. Ce surmenage ne menace pas mes méninges, car j’ai une santé mentale à l’épreuve des balles, mais mon corps a ses limites et c’est lui qui morfle. Quand j’en ai plein le dos, j’ai souvent mal au dos.

En refusant de croire aux maladies, je parviens à décourager les plus bénignes, mais il y en a toujours qui se moquent de mon stratagème et viennent me faire payer le prix fort mon goût pour le blasphème. C’est alors que je tombe malade.

Quand l’idée d’affronter une salle d’attente pleine de gosses souffreteux et braillards ne suffit pas à me guérir, je déguste et ça se voit. Autour de moi, quelqu’un finit toujours par s’en apercevoir et, animé par ce sentiment étrange qu’on nomme « compassion », tente de me porter assistance. Rongé par le mal, je ne perds pas une minute pour tenter de percer les mystères de la psychologie chez les autres humains et je saisis la main charitable que d’ordinaire j’ignore.

C’est alors que le désenchantement commence. Les gens les plus intéressés par la chose médicale sont souvent victimes des modes les plus fumeuses et, bien souvent, on m’invite à accorder toute ma confiance à ce qu’on appelle la médecine douce.

Je veux bien croire à l’efficacité de ces remèdes de bonnes femmes qui ont traversé les siècles, mais qu’on m’épargne les remèdes de femmelettes.

Il y a dans les termes « médecine douce » quelque chose qui me rappelle cette phrase de Chirac qui me mit en colère et me fit tant honte : « Il faut désarmer Saddam Hussein pacifiquement. »

Je vous prie de m’excuser, mais je refuse qu’on prenne le mal qui me plie en deux par les bons sentiments, j’exige une riposte totalement disproportionnée. Je ne peux pas croire que la fièvre qui me cloue au lit puisse être terrassée par des plantes et je veux toute la puissance industrielle au service de mes muscles, mes nerfs ou mes os.

Qu’on me lâche avec les essences de ceci ou les évanescences de cela, autant brûler un encens pour l’âme des ongles réincarnés. Je préfère avaler du missile chimique intelligent chargé de têtes nucléaires. Qu’on s’abstienne de me passer de la pommade pour retrouver ma santé, pas d’huiles essentielles, du napalm.

Au cœur de l’Occident rationnel et scientifique, qu’on ne vienne pas me gonfler avec des foutaises ayurvédiques, qu’on laisse où ils sont et pour ce qu’ils sont gourous, vaudous et marabouts. Qu’on me répare, c’est tout.

J’accepte à la limite qu’on parle à mon cul quand ma tête est malade, c’est toujours ça de pris, mais je ne laisserai personne me planter des épines dans les pieds quand j’ai la migraine.

Pas de paix négociée avec les saloperies qui m’infectent, ma thérapie, je la veux au laser et radioactive. Qu’on ne me parle surtout pas de mon horloge biologique et des cent gouttes à ne prendre que le matin. Je veux de la blitzkrieg sur ordonnance qui se fout de l’heure qu’il est, de la solution finale pour les ennemis de mes forces vitales, de l’apocalypse programmée pour les envahisseurs microbiens.

Je laisse à d’autres les doses homéopathiques. Qu’on m’apporte des pilules de destructions massives, de la bombe à fragmentation par plaquettes de douze, du suppositoire de combat longue portée.

Gardez vos soins qui caressent dans le sens du poil, donnez-moi de la science exacte et foudroyante, aux effets aussi attendus que l’ongle qui noircit sous le coup du marteau.

Que la douceur reste le monopole des femmes et de l’amour, et que la médecine reste guerrière. Tant pis pour les dommages collatéraux, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, alors faites-moi de la médecine sans me casser les noix. Promettez-moi du sang, de la sueur et des larmes, je vous suis. Autrement, allez-vous faire foutre, ok ?

C’est dit et ça fait du bien ! Un bon coup de sang matin et soir contre les charlatans, rien de tel pour rester en forme pendant longtemps. Finalement, ça a du bon cette médecine de gonzesse, je retire tout ce que j’ai dit.

Septembre 2009 · N°15

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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