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Combler la faille?

« Eternal », un film sans nuances de Ulaa Salim, le 30 juillet 2025


Combler la faille?
© KMBO

Elias, jeune ingénieur sous-marinier en passe d’intégrer une vaste organisation associant plusieurs pays nordiques pour s’inquiéter d’une faille océanique en dangereuse expansion, se fait allumer par une fille – « alors, tu as envie d’explorer ma faille ? », – se laisse prendre aux filets de l’amour, et finit par mettre en cloque malgré lui son Anita chérie. Avorter ou pas ? Lui n’est pas prêt du tout à s’embarrasser d’un mouflet à élever ; elle pleure à l’idée de s’ôter son fœtus de deux mois. Mais fait mine de se laisser convaincre. Le couple Elias/Anita ne résiste pourtant pas à cette épreuve, et part à vau l’eau. A chacun sa vie.

12 ans plus tard…

Filant la métaphore de la faille, Eternal emprunte les chemins de la science-fiction pour téléporter nos ci-devant tourtereaux quelque douze ans plus tard (au reste campés par deux autres comédiens pas franchement ressemblants à leurs doubles juvéniles), Elias devenu le commandant des périlleuses expéditions en sous-marins de poche dans les abysses, avec mission de cimenter si possible la fameuse faille aux moyens de drones télécommandés ; Anita ayant refait sa vie avec un autre homme, dont elle semble avoir eu un fils.

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Au risque de déflorer, si l’on ose dire, cette double matrice (quelque peu fastidieuse dans son insistance allégorique, prévisible et redondante à l’excès), votre serviteur ne résiste pas à vous révéler le secret de polichinelle qui fonde le laborieux parallèle mis en œuvre par Ulaa Salim, cinéaste danois âgé de 38 ans, dont c’est le deuxième long métrage après Sons of Denmark en 2019 : Elias, traversé de visions qui flashent son cerveau à l’approche de l’inopérable cicatrice tellurique (l’une de ces expériences subaquatiques se soldant par la perte du copilote sous-marinier, accidentellement englouti dans la faille en feu), a des doutes sur la réalité de l’IVG, et partant, sur l’identité réelle du géniteur de cet adolescent dont quelques flash-back nous révèleront les étapes de sa croissance…

Elle a fait un bébé toute seule

Anita, retrouvée par hasard, finit par confesser à Elias qu’il est bien le père génétique du garçon, lequel, élevé par son beau-père depuis la petite enfance, ignore évidemment tout de son origine. De la part d’Elias, une revendication de paternité serait-elle légitime ? Le fils y perdrait tous ses repères, pense Anita, toujours persuadée qu’Elias, jadis, aurait dû accepter la providence de l’enfant à naître.  Et qu’à présent, son sacrifice est la rançon méritée de sa lâcheté d’alors. Le message du film est clair, il se place univoquement du côté de la Femme – nous sommes en 2025 : l’Homme a tous les torts.

Il n’en demeure pas moins qu’un enfant, ça se fait à deux, – en principe. Pourquoi le mensonge d’Anita, renonçant secrètement à avorter sans s’ouvrir jamais de sa décision clandestine à son partenaire, serait-il en soi plus légitime que la résistance du géniteur à assumer une paternité non envisagée de concert ? Au-delà même du schématisme pesant de l’allégorie matricielle, Eternal prend implicitement position dans un débat de fond qui, comme dit le poète, exigerait « la Nuance encor, pas la Couleur, rien que la nuance ! ». On en est loin.


Eternal. Film de Ulaa Salim. Danemark, Islande, Norvège, couleur, 2023. Durée : 1h39. En salles le 30 juillet 2025



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