Trump, le pari jacksonien


Trump, le pari jacksonien
(Photos : SIPA.AP21907982_000025/AP21907845_000001/00228081_000011)

Alors qu’Hillary Clinton vient d’être investie candidate du parti démocrate, force est de constater que nos chers médias mainstream se sont encore une fois fourvoyés dans leurs pronostics : Donald Trump sera bel et bien son adversaire dans la course à la Maison Blanche.

Véritable objet politique non identifié qui n’a pas fini de nous surprendre, il s’inscrit néanmoins dans une vieille tradition populiste qui remonte à Andrew Jackson. Candidat aussi anticonformiste qu’anti-establishment, Jackson fut élu président en 1829 en surfant sur le rejet de l’élite WASP du Nord-Est des Etats Unis, celle des pères fondateurs qui rédigèrent la déclaration d’indépendance. Une aristocratie nantie aux yeux des citadins et des petits fermiers de l’Ouest désireux de changement, bientôt rejoints par les nouveaux arrivants européens en quête de l’eldorado économique.

On retrouve la même dénonciation du système en 2016 chez les sympathisants trumpistes. Le pouvoir d’achat en berne depuis trente ans et les effets dévastateurs de la crise financière de 2008 pour les ménages les plus modestes ayant achevé de les jeter dans les bras du « Make America great again » de Trump qui aime à se présenter comme un chef d’entreprise compétent, pragmatique, pourfendeur de la nomenklatura bien-pensante responsable du déclin américain. Celle qui n’a de cesse de dénoncer ses sorties éhontées sur le péril migratoire.

Un discours nationaliste qui entre en résonance avec les positions tranchées d’Andrew Jackson qui, s’il fut le candidat du peuple (surnommé « friend of the common people »), a aussi été le représentant d’un patriotisme US fleurant bon la xénophobie. Colonel héroïque lors de la bataille de la Nouvelle-Orléans en 1815, il tint tête à l’assaillant britannique et conserva la Louisiane sous pavillon américain. Une gloire militaire ternie ensuite lors de ses deux mandats par le tristement célèbre Sentier des larmes, du nom de la déportation de 16 000 Indiens cherokee vers l’Oklahoma, où périrent plus de 4 000 âmes.

Du sang et des larmes que Trump promet à sa manière aux Mexicains et aux musulmans quand il propose de les priver d’accès au territoire américain s’il était élu. Une stratégie du bouc émissaire qui se conjugue, comme chez Andrew Jackson, avec un isolationnisme de raison : « America’s first ! » Priorité donnée aux affaires intérieures comme à l’époque de la conquête de l’Ouest qui importait plus que les affaires internationales. Aujourd’hui, il s’agit pour Trump de mettre fin aux errements interventionnistes des présidences Bush et Obama en zone irako-afghane, de sortir de l’OTAN jugée trop coûteuse à l’instar de la présence américaine en mer de Chine et de rebattre les cartes du Traité transpacifique afin de lutter contre ses effets de désindustrialisation dans certains Etats, naturellement acquis à la cause de Donald Trump.

Ce dernier représente une forme de bonapartisme qui puise sa force dans le retour du refoulé yankee, le retour des peurs et fantasmes d’une Amérique silencieuse qui a trouvé un porte-voix. En l’élisant, l’Amérique profonde ferait un pari pascalien auxquels les mythes fondateurs du pays, qu’en son temps la révolution  dite « jacksonienne » su revivifier, ne seraient pas étrangers. Récits séculaires dont la dimension sacrée forge l’inconscient collectif américain et son rapport au pouvoir politique. De plus en plus désenchantés, les Américains veulent donc de nouveau rêver, matérialiser l’« american dream », pierre angulaire du grand dessein US. Comme Jackson en son temps, Donald Trump l’a bien compris. Au contraire d’Hillary Clinton dont le manque d’authenticité et d’entrain n’ont d’égal que l’absence de surmoi de son outsider.



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