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Les (très bonnes) affaires chinoises de M. de Villepin

Quel artiste !


Les (très bonnes) affaires chinoises de M. de Villepin
© RTL-BUKAJLO/RTL/SIPA

La cellule investigation de Radio France s’est livrée à une enquête de plusieurs mois sur les activités chinoises de l’ex-Premier ministre d’un des gouvernements Chirac. Les journalistes Élodie Guéguen et Géraldine Hallot étaient à la manœuvre. Le résultat de leur travail est des plus intéressants. Si l’on voulait résumer hâtivement – et je l’avoue ironiquement – nous dirions que la grandiloquence, le verbe emphatique et abondant se vendent plutôt bien dans les hautes strates de l’Empire du Milieu. Un autre ex-Premier ministre de la chiraquie avait en quelque sorte ouvert le bal, Jean-Pierre Raffarin, lui aussi grand faiseur de phrases. Pour l’un comme pour l’autre, l’avalanche verbale passée, il n’est pas rare qu’on se trouve devant davantage de vide que de sens profond. Du moins quand on se donne la peine de chercher à démêler ce qui a été déversé. Un peu comme pour le Trissotin de Molière, s’agissant de M. de Villepin on « cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé. » Il se peut après tout que la grande subtilité que l’on prête au peuple chinois lui permette de pénétrer une finesse, une intensité conceptuelle qui, malencontreusement, se refuseraient à nous.

À l’instar de M. Raffarin, M. de Villepin, ayant sans doute considéré qu’il avait hissé la France au plus haut de ce qu’elle pouvait espérer en matière de prospérité intérieure, d’influence internationale, de puissance en tous domaines, et qu’elle ne lui offrirait donc plus le moindre chantier à sa mesure, conclut tout naturellement qu’il ne lui restait plus qu’à aller dispenser les bienfaits de son immense talent – que dis-je, talent, alors que le mot génie s’impose – ailleurs de par le monde.

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La Chine, donc, aura eu l’insigne bonheur de l’accueillir. Enfin un empire à sa dimension ! La Chine, mais aussi d’autres contrées de ce monde, nous rappelle l’enquête Radio France. L’Arabie Saoudite, le Qatar, à ce qu’il semble, et, paraît-il, en son temps, la Russie de M. Poutine. On notera le haut niveau d’exigence morale qui préside à de tels choix, orientés exclusivement vers des pays au système démocratique des plus avancés. On ne peut que s’en réjouir.

En Chine, nous apprennent donc les investigatrices, M de Villepin fait tout naturellement ce qu’il sait faire de mieux, il parle. Il donne des conférences. Parfois aussi, étant grand amateur d’art contemporain, il officie dans ce domaine, livre ses conseils éclairés. Avec son fils, il a ouvert d’ailleurs une vaste galerie d’art, très en vogue, à Hong-Kong. Propriété du fils, tient-il à préciser.

Nous apprenons aussi dans cette enquête que c’est le général Christian Quénot, ancien chef d’état-major de François Mitterrand qui l’aurait mis sur la piste de Pékin. Bien lui en a pris. Car là-bas, la parole est d’or : 94 000 euros versées à M. de Villepin pour deux conférences, l’une à Zhengzhou, une autre quelques jours après à Chengdu dans le Sichuan. Les journalistes de France Inter en ont dénombré pas moins de cinquante du même ordre. Bien sûr tous frais payés, voyage en first classe et tapis rouge à l’arrivée.

En outre, parmi d’autres occupations, notre ex-Premier ministre y assure là-bas la présidence de l’ITMA, une instance paragouvernementale en charge du tourisme de montagne. Toujours le goût des sommets, voyez-vous. Une autre de ses multiples compétences jusqu’alors trop ignorées de nous autres pauvres Français.

Bref, notre homme est, on le voit, particulièrement bien en cours chez l’empereur Xi Jinping. Il faut reconnaître qu’il sait y faire. Ne l’a-t-on pas photographié avec, sur les genoux, un magnifique Panda de 43 kilos ? L’image a fait le tour du pays et elle a de surcroît beaucoup plu aux autorités, car comme le dit sans fard le général Quénot lui-même : « Si vous n’êtes pas bien avec le pouvoir central, vous ne faites pas d’affaires en Chine. »

Bien sûr, les premiers intéressés – Villepin, Raffarin – jurent leurs grands dieux qu’il ne s’agit en aucune façon pour eux de cautionner le régime communiste, ni de participer à une entreprise visant à légitimer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ce système dictatorial. Pensez donc ! Mais qui peut croire que le pouvoir post-maoïste, qui a la main sur tout, de la conquête spatiale aux compétitions de ping-pong et de majong, se donnerait la peine de cajoler à ce point d’ex-Premiers ministres de démocraties occidentales s’il n’en attendait rien d’autre que les délices éclatantes de leur talent oratoire ou leurs avis éclairés sur le noir Soulages ? Oui, qui?

À l’en croire, ce serait donc en toute innocence, en toute « indépendance » (sic) que Villepin se fait l’enthousiaste VRP de ce vaste projet à fort relent impérialiste qu’est la « nouvelle route de la Soie », en réalité le grignotage à marche et emprunts forcés de territoires, de sites parfois stratégiques, tel port grec par exemple. Ou lorsqu’il s’enflamme à une tribune choisie, clamant « China is back », la Chine est de retour, et pour de bon ! On ne savait pas qu’elle avait disparu. Probablement, M. de Villepin, dont la modestie n’est pas le plus fulgurant des mérites, considère-t-il qu’avant sa venue elle sommeillait, déclinait, dépérissait. D’où le vrai sens, selon lui, de sa croisade, car il tient à le dire la main sur le cœur, il agit là-bas le plus souvent bénévolement. Ce qu’il gagne chez l’ami chinois c’est peanuts, ou presque. Quelque chose comme 8 à 10% du chiffre d’affaires de sa société Villepin International. Une broutille, une aumône, de l’argent de poche.

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D’ailleurs, au cas où certains d’entre nous se prendraient à rêver, il nous délivre ce précieux conseil : « Si vous voulez faire fortune, ce n’est pas en Chine qu’il faut aller. »

Ce serait donc ailleurs que notre homme serait allé chercher de quoi faire, notamment, de son vaste domicile parisien un véritable musée d’art contemporain, aux dires de ceux qui ont eu l’occasion d’en franchir les portes. Ailleurs, mais où ? À quand une nouvelle enquête du genre de celle-ci ? Ce pourrait-être également très instructif.

Comme l’est, instructif, le sens diplomatique très affiné dont l’intéressé fait preuve dans ses déclarations. On l’a maintes fois entendu condamner, avec toute la pompeuse véhémence dont il est capable, le sort fait aux Mahométans de Gaza. Mais étrangement, on ne l’a jamais entendu pleurer sur celui réservé aux musulmans Ouïghours. Il doit y avoir une explication. Toute simple. On aimerait l’entendre…

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Je suis Solognot mais je me soigne » éditions Héliopoles, 2025

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