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La fabrication du consentement

Va, je ne te hais point... mais dis-le par écrit


La fabrication du consentement
La députée macroniste Véronique Riotton photographiée à l'Assemblée le 24 janvier 2024 © Philemon Henry/SIPA

L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 23 octobre, l’introduction du consentement dans la définition pénale du viol. Une loi pernicieuse portée avec acharnement par deux bigotes de gauche, Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (Écologiste). 


« Va, je ne te hais point ». Cette litote magnifique prononcée par Chimène pour déclarer son amour au Cid dans la pièce de Corneille pourrait bientôt ne plus être comprise ni entendue sur les bancs du tribunal du consentement. Au-delà de cette notion, cette loi pénalise toute forme de sexualité et de sensibilité fondée sur les discours implicites, les non-dits, les sous-entendus, le « mentir-vrai » comme le disait Aragon. Le langage est réduit à son expression binaire, plate, informatisée et robotique, oubliant toutes les facettes d’une relation à l’autre : silence, oxymore, paradoxe, indécision, mensonge…

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La première faute de Véronique Riotton (Renaissance) et Marie-Charlotte Garin (Écologiste), les deux bigotes du couvent du consentement, est la croyance au langage comme royaume de la vérité.
C’est ne rien comprendre au désir qui est le summum des jeux contradictoires. 

Mon premier, c’est désir

Quant à la chair, cette loi la condamne pleinement. Il est demandé à chacun d’expliciter son sentiment dans l’instant, de lui donner la forme pure de l’objectivité, de verser dans la réflexion rétrospective de soi, de punir son désir, de détester la moindre envie sans raison motivée. Le consentement devient une explication rationnelle du sensible et prône l’abolition du romanesque, « l’invraisemblable rencontre entre le désir et l’événement », selon les mots du philosophe Alain. En introduisant un passeport dialectique, une verbalisation permanente de sa chair, cette loi relègue l’accident, la spontanéité, le mystère dans le domaine de la sanction pénale et punitive. La chair doit être d’abord pensée avant d’être actée. Barrière mentale qui conduit à l’annulation même du désir; à l’enfermement monastique sous le joug de la morale, mesurant toute pulsion à l’aune de la question castratrice : «  Suis-je en droit de le faire ? ». 
On ne badine pas avec l’amour mesdames les députées ! S’adonner à un travail législatif n’est en aucun cas un blanc-seing pour s’arroger le droit de régenter l’intime. Cette loi poussera les femmes à choisir des voies de contournement à la sexualité homme-femme qu’elles percevront comme un danger. La multiplication des PMA pour toutes, bientôt les GPA dites « éthiques » pour reprendre la merveilleuse novlangue de notre ancien Premier ministre, Gabriel Attal, inciteront à la fin de la galanterie, de la séduction, et du désir.

Le désert de l’amour

Enfin, cette loi rejette l’histoire sensible de la France; l’héritage culturel de tous les romanciers français qui n’ont cessé de dépeindre les contradictions, les complexités, les nuances du désir, véritable chant d’amour qui constitue la mélodie de l’amour à la française. « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui », avertissait Perdican dans la fameuse pièce de Musset. Au contraire, cette loi puise sa source dans une tradition féministe commencée dès la fin du XIXème siècle par des femmes comme Madeleine Pelletier et son titre évocateur « La femme vierge » ou encore la malthusienne Nelly Roussel, qui proposait ni plus ni moins que la « grève des ventres ». Un film comme Les Galettes de Pont-Aven interprété magnifiquement par Jean-Pierre Marielle en 1975 passerait de nos jours sous le coup de la loi et de la censure morale ! La série Alphonse de Nicolas Bedos racontant les aventures sexuelles et les désirs inavoués des femmes fut passée sous silence en raison de sa condamnation personnelle pour « agressions sexuelles ». 

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Fin de l’autre comme mystère, comme rêve, comme aventure mais aussi comme déception et regret. Mais avènement de l’autre comme agresseur et violeur en puissance. Cette loi instaure pour le meilleur et pour le pire, et surtout pour le pire, la contractualisation intégrale et constante du jeu sexuel et charnel. Le moindre geste de désir est soupçonné; la moindre allusion condamnée; le moindre baiser, la moindre caresse est désormais sous le coup de la loi. Nos deux bigotes ont réussi à imposer un nouveau credo pour tous : le procès permanent de la chair. 



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est journaliste.

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