Si voir un film vous racontant qu’il n’est pas facile d’être banlieusarde musulmane et lesbienne vous dit…

« Tu vas l’avoir ton bac, inch Allah ! », se moque un élève. Fatima, petite dernière des trois sœurs élevées par leur maman maghrébine (papa est peu présent) dans une barre d’immeuble, théâtre familier des banlieues dites ‘’sensibles’’, suit sagement sa Terminale, classe peuplée d’une meute bigarrée, graveleuse et quasi-analphabète, typique de la jeune pousse hexagonale d’aujourd’hui.
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Pieuse, la demoiselle se refuse obstinément aux avances timorées du chaste chevalier servant, son jeune coreligionnaire enamouré, lequel rêve juste noce et procréation à la clef. C’est que la belle et ombrageuse Fatima, footballeuse à ses heures malgré les crises d’asthme dont elle est assaillie depuis l’enfance, dissimule le secret de sa vie: elle arde pour les filles et non pour les garçons. Sacrifiant aux sites de rencontres, la voilà, croit-elle, sur le chemin de l’émancipation (quitte à mentir systématiquement à la question sempiternelle qu’on lui fait : « – tu es de quelle origine ? », elle se prétend tour à tour Egyptienne, Algérienne, Marocaine)… Hélas, Fatima ne tombe décidément jamais sur la bonne – une femme mûre débauchée, une Coréenne dépressive…
Passe l’été: le film nous a propulsé en automne. Fatima, ayant intégré la fac de philo, s’est liée avec quelques jeunes congénères de mœurs légères. (Reste assez douteuse, dans le film, la vraisemblance de cette teuf bisexuelle en appartement, à laquelle se joindra l’héroïne – mais passons.) Pour se forcer à rentrer dans la norme, elle retente le coup avec son soupirant: échec prévisible. Prévaut la loi du silence, dans cet environnement socio-confessionnel hostile, où même l’imam de la Mosquée de Paris, consulté par elle dans les larmes, s’avère incapable de lui tenir un autre discours que celui, formaté, de la- nature- qui- fait- bien- les-choses et de la vertu de la prière pour regagner le droit chemin tracé par le prophète : le lesbianisme n’est pas soluble dans le décalogue. Quant à maman, elle ne comprendrait pas, pense (à tort) Fatima. Bref, ni la famille ni la foi ne viendront-elles à son secours ? Dernier plan du film, Fatima pique obstinément des têtes dans le ballon rond.
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Tiré parait-il d’un roman signé Fatima Daas, c’est le troisième long métrage de Hafsia Herzi, également comédienne – elle avait le rôle principal dans Borgo, thriller plutôt réussi de Stéphane Demoustier – où jouait également Michel Fau. La crudité vaguement écœurante et quelque peu forcée de La petite dernière serait rédhibitoire si la douceur, l’émouvante beauté juvénile de Nadia Melliti, dans le rôle-titre, ne venait en tempérer le réalisme appuyé.
La Petite dernière. Film de Hafsia Herzi. Avec Nadia Melliti. France, couleur, 2025.Durée : 1h47
En salle le 22 octobre.
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