Hier, la 32ème chambre correctionnelle du tribunal de Paris a prononcé à l’encontre de l’ancien chef de l’État une peine de prison provisoire, extrêmement surprenante.
C’est une immense secousse politique. Pour la première fois depuis Philippe Pétain, il a été décidé en France de placer un ancien chef de l’État en détention. Ce jeudi, Nicolas Sarkozy a, dans l’affaire dite du « financement libyen » de sa campagne présidentielle de 2007, été condamné pour association de malfaiteurs à cinq ans de prison ferme, 100 000 euros d’amende et une privation de ses droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans ainsi qu’une inéligibilité de cinq ans.
Présumé coupable
Sitôt après l’annonce au Tribunal judiciaire de Paris, l’ex-président a fait une allocution devant la presse pour qualifier la décision d’« injustice scandaleuse » et annoncer qu’il ferait appel. Toujours présumé innocent, il n’échappera pourtant pas à une mise sous écrou, car les juges ont assorti leur peine d’une exécution provisoire !
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Concrètement, un mandat de dépôt « à effet différé » a été prononcé, qui oblige Nicolas Sarkozy à se présenter devant le Parquet national financier le 13 octobre prochain pour se faire notifier la date et le lieu de son incarcération (très probablement la maison d’arrêt de la Santé à Paris). Il pourra toutefois dès ce jour-là déposer une demande de remise en liberté, à laquelle la Cour d’appel pourra éventuellement répondre en ordonnant la pose d’un bracelet électronique.
Incompréhensible
Reste que cette exécution provisoire n’avait pas été demandée par le ministère public. Comment interpréter la sévérité exceptionnelle des magistrats du siège ? L’ancien chef de l’État est-il susceptible de récidiver ? De suborner des témoins ? Pour des faits datant d’il y a une vingtaine d’années, ces hypothèses sont absurdes. Seulement, les juges ont considéré, de façon incompréhensible, que Nicolas Sarkozy était un justiciable à l’esprit trop frondeur, notoirement prompt à critiquer les décisions de justice en public et à utiliser toutes les voies de recours, y compris devant les cours européennes. Un homme si indocile présente à leurs yeux un risque de fuite à l’étranger. Lunaire.
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Quant au dossier lui-même, Nicolas Sarkozy a été relaxé des chefs de corruption passive, de détournement de fonds publics libyens et de financement illicite de campagne électorale. Autrement dit, le jugement reconnaît qu’il n’y a aucune trace de sommes suspectes ni aucune preuve que des consignes aient même été données par l’ex-président pour obtenir des fonds auprès du régime dictatorial de Mouammar Kadhafi. Les juges ont également estimé que le fameux document publié par Mediapart, censé être accablant, est un « probable faux ».
En fin de compte, il est reproché à l’ancien chef de l’État d’avoir été entouré de collaborateurs, Claude Guéant et Brice Hortefeux (eux aussi condamnés hier), aux intentions hautement délictueuses et dont il ne pouvait ignorer les agissements répréhensibles. Ce que le Code pénal appelle « association de malfaiteurs », qualification judiciaire habituellement réservée aux mafieux et jamais employée jusque-là pour punir des hommes politiques. Résultat, Nicolas Sarkozy pourrait, selon ses propres termes, « sans doute comparaître les menottes aux mains devant la cour d’appel ». Si tel devait être le cas, pas sûr que l’image de votre pays en sorte grandie.
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