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Panique chez les wokes: Elon Musk a acheté Twitter

Le milliardaire a-t-il un agenda politique caché ?


Panique chez les wokes: Elon Musk a acheté Twitter
© Andrea Ronchini/Pacific Press/Sh/SIPA

Le multimilliardaire Elon Musk vient de s’emparer du réseau Twitter pour la modique somme de 44 milliards de dollars. L’entrepreneur, qui se revendique libertarien, promet d’y garantir une liberté d’expression totale et de rétablir tous les comptes bannis ces cinq dernières années.


Michelle Blanc, experte québécoise des réseaux sociaux, analyse les effets de cette transaction historique. Selon elle, Elon Musk est à la fois un avide critique et un chaud partisan de Twitter, ce qui s’annonce positif pour l’évolution technologique de la plateforme.

Jérôme Blanchet-Gravel. Pourquoi un grand nombre de personnalités associées au mouvement woke s’indignent-elles autant de l’achat par Elon Musk de Twitter ?

Michelle Blanc. Elon Musk a plusieurs fois fait des remarques désobligeantes envers les tenants du wokisme. Comme il est un homme de tendance libertarienne et conservatrice, ses positions politiques vont à l’encontre de l’idéologie woke. Par ailleurs, aux États-Unis surtout, le phénomène du « shadow banning » a principalement affecté les gens de tendance conservatrice en épargnant les Démocrates et la gauche en général. Or, il s’avère que Musk a justement fait un gazouillis contre cette pratique la journée précédant son acquisition de Twitter.

Précisons que le «shadow banning » est le fait pour un média social de bannir ou de rendre invisible en partie ou totalement un utilisateur ou le contenu qu’il publie sans qu’il n’en ait été informé. Les publications de l’utilisateur se retrouvent alors à être « cachées » ou marginalisées sur la plateforme, et donc moins vues par la communauté. 

Quels seront les principaux changements opérés par Musk à la barre de Twitter ?

Le principal changement annoncé par Musk est qu’il rendra l’algorithme de Twitter (qui est présentement secret) Open Source. Cela veut dire que le code informatique qui régit l’automatisation de la modération sera ouvert et dévoilé à tous. Certains critiques jugent que cette volonté de transparence ouvrira grande la porte aux failles de sécurité. Je rappellerai cependant que contrairement à la croyance populaire, le code source ouvert n’est pas plus dangereux qu’un code secret. En fait, il est même possiblement plus sécuritaire qu’un code source propriétaire et fermé. D’ailleurs, la Gendarmerie française, la NSA, la CIA et le Département de la défense américaine valorisent tous le code source ouvert.

Elon Musk veut aussi s’attaquer en priorité au problème des bots et des fermes de bots (robots qui produisent des contenus et qui peuvent augmenter la visibilité d’un contenu tierce). Ces comptes automatisés (donc non administrés par une personne réelle) sont un facteur majeur de pollution des contenus.

Par ailleurs, Musk répète qu’il respectera les limites légales (judiciaires) des lois sur la liberté d’expression, puisque ces lois reflètent une volonté du peuple qu’il dit vouloir honorer. Par contre, il bannira les pratiques de modération qui vont plus loin que ce que la loi demande en interdisant des contenus encore considérés comme légaux.

Peut-on vraiment dire qu’Elon Musk a un agenda politique libertarien ?

On peut considérer sa vision large de la liberté d’expression comme étant une position « libertarienne », mais il se définit lui-même comme étant à moitié démocrate et à moitié conservateur. Dans une certaine mesure, il est donc centriste. Rappelons aussi à ses détracteurs qu’il s’est publiquement montré inquiet des changements climatiques et des avancées de l’intelligence artificielle. Il a également sévèrement critiqué les confinements durant la pandémie, appuyé les camionneurs canadiens et mis en doute l’efficacité des tests covid. Il est donc un personnage doté d’une pensée complexe et dont les points de vue peuvent à la fois être de gauche ou de droite sur l’échiquier politique.

Le marché des réseaux sociaux sera-t-il transformé par cette transaction ?

Twitter est unique dans le « marché des médias sociaux », en ce sens qu’il a introduit la notion de « web en temps direct » lors de la mort de Michael Jackson. C’est aussi le média social de choix pour l’élite politique internationale, les médias, les artistes internationaux et des communicants qui créent 80% des contenus du web, hors de Twitter. C’est donc l’un des hauts lieux de l’influence du web, de la politique et des médias. On parle même de « diplomatie Twitter », expression qui n’a jamais encore été utilisée pour d’autres médias sociaux. Il est difficile de se projeter dans l’avenir, mais je suis enthousiaste face aux changements que compte mettre en place Elon Musk pour Twitter. Elon Musk est à la fois un avide critique et un chaud partisan de ce média social, ce qui s’annonce positif pour l’évolution technologique de Twitter.




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Auteur et journaliste. Rédacteur en chef de Libre Média. Derniers livres parus: Un Québécois à Mexico (L'Harmattan, 2021) et La Face cachée du multiculturalisme (Éd. du Cerf, 2018).

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