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Le Panthéon ? Oui, pour Marc Bloch !


Le Panthéon ? Oui, pour Marc Bloch !

pantheon stephane hessel

D’Olympe de Gouges à Mendès France, pour entrer au Panthéon, les postulants sont légion.
Un homme « exquis »,  avec un « air d’éternelle jeunesse », Stéphane Hessel a collectionné les poncifs avec un plaisir non dissimulé. Sa place est-elle pour autant au Panthéon ? Si on devait faire entrer au Panthéon tous les grands charmeurs, la crypte n’y suffirait pas. Sans parler des femmes qui attendent toujours devant les grilles pour rejoindre Marie Curie.
En 2006, un groupe d’historiens a tenté d’y présenter Marc Bloch, un héros de la Résistance, ce qui n’aurait pas « manqué d’allure », aurait pu dire Eva Joly, pour un pays qui n’a toujours pas su faire entrer la statue du capitaine Dreyfus dans la cour de l’Ecole militaire. Combattant de la Première Guerre, décoré de la Croix de Guerre, ce Juif lyonnais, cofondateur de la Revue des Annales, s’est porté volontaire dès 1939, bien qu’il eût la cinquantaine et qu’il fût malade. Après un an dans la clandestinité, Marc Bloch, chef du réseau Franc-Tireur à Lyon, fut arrêté et torturé puis fusillé le 16 juin 1944 sans avoir livré ses camarades.
Stéphane Hessel fut un grand charmeur, nul ne le conteste. Comme la banderille du toréador, il savait vous planter dans le cœur un petit poème de Baudelaire ou de Rilke pour conclure la rencontre et vous laisser subjugué(e). Evidemment. Qui pourrait, qui oserait encore vous réciter un poème avec cette conviction et cette délectation ?
On ne sait pourquoi, à partir du milieu des années 90, celui qui avait cultivé la discrétion et l’élégance des ambassades sortit de sa réserve et se mit à militer avec conviction au Droit au Logement (DAL). Dès lors, Christiane Chabry, qu’il avait épousée en 1987[1. Vitia, sa première femme en 1939, est décédée en 1986.], apparaît toujours à ses côtés.
Puis tout a changé il y a une dizaine d’années — DAL n’était qu’une mise en bouche, semblait-il. Comme pris de frénésie, il renonça brutalement au langage diplomatique qui, au tournant des années 2000, lui était encore naturel, pour multiplier les déclarations irresponsables et les comportements affligeants. Cela paraît coïncider avec sa première visite à Gaza, en 2003, juste avant que le Hamas prenne le pouvoir dans ce territoire.
Le coup de tonnerre éclata l’été dernier, quand on découvrit une interview de Hessel parue en janvier 2011 dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung : « L’occupation allemande était, si on la compare par exemple avec l’occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens, une occupation relativement inoffensive, abstraction faite d’éléments d’exception comme les incarcérations, les internements et les exécutions, ainsi que le vol d’oeuvres d’art. Tout cela était terrible. Mais il s’agissait d’une politique d’occupation qui voulait agir positivement et de ce fait nous rendait à nous, résistants, le travail si difficile ».
Le résistant Stéphane Hessel avait-il perdu la mémoire ? Avait-il oublié la torture (lui qui avait subi le supplice de la baignoire, d’après son autobiographie), la déportation des Juifs, des tziganes et autres « métèques » ? Que pèse « le vol d’œuvres d’art » dans un pays sous la botte nazie ?
Il est vrai que la majeure partie de la guerre, il l’avait passée à Londres dans les services du BCRA (le Bureau central de Renseignements et d’Action). Alors qu’il n’était en France que depuis 3 mois, il fut arrêté en juillet 1944, juste avant le débarquement. Il fut ensuite déporté à Buchenwald, où il bénéficia de conditions privilégiées liées à son statut de Prominent (interprète, apprécié de sa hiérarchie). Résistant, Hessel le fut en effet, mais il ne s’est pas battu dans le maquis, il ne fut pas un héros, il ne fut Jean Moulin. Stéphane Hessel ne fit pas partie des 1036 Compagnons de la Libération.
On pouvait tout lui pardonner. Qui en voudrait à cet homme angélique, le sourire espiègle, le regard limpide, qui s’amusait de tout comme un enfant ? Il fut un témoin privilégié du siècle. Mais de là à le faire entrer au Panthéon, comme le souhaiteraient diverses personnalités, il y a un monde ? Du fait de ses zones d’ombre, de ses ambiguïtés, de ses demi-vérités et de ses demi-mensonges, Hessel est une personnalité pour le moins controversée. Et quand sonnera l’heure du bilan, dans dix ou vingt ans, le manuel de l’indignation pèsera peu.
Il est entré dans la légende avec son brûlot bricolé par son éditrice, Sylvie Crossman. Hessel se contenta d’approuver et Libération se chargea de construire le mythe. Au temps pour la littérature, sacrément mise à mal par certains éditeurs prêts à tout pour s’assurer du chiffre (voir le rôle du Nouvel Obs pour le lancement du torchon de Marcela Iacub). Paru en 2010, Indignez-vous ! consacre généreusement à Gaza deux pages (sur une quinzaine). Il souscrit aux conclusions du rapport Goldstone après l’Opération Plomb durci (décembre 2008-janvier 2009). Et il ne fait aucun démenti quand le juge Goldstone déclare dans le New York Times en avril 2011 : « Si j’avais su ce que je sais aujourd’hui, le rapport Goldstone aurait été différent ».
Les époux Hessel se sont rendus de multiples fois à Gaza depuis 2003. Ils entretenaient avec le Hamas — des terroristes islamistes — des rapports pour le moins amicaux. « Israël assassin ! Israël assassin ! » hurle Stéphane Hessel lors d’une manifestation de soutien à Paris en janvier 2009. L’auteur du best-seller se déclare indigné par la mort des enfants palestiniens.
Israël était une obsession. À côté, les pires dictatures du monde arabe ont bénéficié d’un silence sidéral.
Or jamais Stéphane Hessel ne s’est soucié d’intervenir en faveur du jeune Gilad Shalit, otage franco-israélien détenu dans les souterrains de Gaza, entre 2006 et 2011, dans des conditions inhumaines. Jamais Hessel n’a transmis de message à la famille. Il n’a jamais demandé que des représentants de la Croix-Rouge aient un droit de visite pour ce jeune homme. Pour lui, les tirs de roquettes Qassam sur la population israélienne n’avaient pour conséquence que d’obliger « quelques enfants à courir très vite dans les abris » (nov. 2010). S’est-il seulement souvenu de ses paroles quand un tir de roquette a fait trois morts dont une femme enceinte dans la petite ville de Kiryat Malachi, à 25 km au nord de Gaza en 2012 ?
Une attitude pour le moins curieuse de la part de celui qui se proclamait un ardent défenseur du droit international et des Droits de l’homme.
Que les fans de Stéphane Hessel se rassurent : à défaut d’une place au Panthéon, il y aura certainement bientôt une place Stéphane Hessel… à Gaza.

*Photo : jmayrault.



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