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Alouette, gentille alouette

L'établissement de mon neveu fermé jusqu’à «on ne sait pas»...


Alouette, gentille alouette
Restaurant fermé dans le quartier des Halles, le 18 mai 2020 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage : 00962853_000002

Le café du commerce étant strictement interdit, notre chroniqueuse s’est débrouillée autrement pour avoir les nouvelles.


J’ai récemment reçu un mien neveu venu s’assurer du bon état physique et psychique de sa fragile et vulnérable tante. Visite de courtoisie, sans chichis, ni cérémonie, sans cachotteries, ni sournoiseries. Forcément, nous discutâmes de la situation en général, et de la sienne en particulier. Ce charmant et dévoué quarantenaire est à son compte et son établissement est actuellement fermé. Jusqu’à « on ne sait pas ».

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Moi : Que vas-tu y laisser la tête, le bec, le cou ?

Lui : Pour le moment, je n’en sais rien. Mais assurément des plumes, pas mal de plumes.

Moi : Et tout ça sans broncher ?

Lui : On bronche, on bronche. Du moins, on essaie.

Moi : Mais, on parle de la destruction de centaines de milliers d’emploi, de pans entiers de l’économie menacés.

Lui : Oui, une faillite économique … à venir. Plus tard. On ne sait pas trop quand. Qui touchera on ne sait pas trop qui. Aujourd’hui, nous sommes très peu, numériquement parlant, à être directement atteints ou plus précisément sonnés financièrement. Ce qui explique que dans l’alternative économie/ santé qui lui est insidieusement présentée, l’opinion publique privilégie les mesures censées préserver immédiatement « sa » santé et endommager durablement l’économie. Et ce, « quoi qu’il en coûte » … aux autres.

Si on prend ton cas, comme 16,2 millions de retraités, (et oui, vous représentez 24% de la population), tu continues à percevoir intégralement ta pension. Du moins pour le moment. La situation financière, je dis bien financière, des 25,5 millions de salariés (38% de la population) n’a pas beaucoup changé non plus. Celle des 5,8 millions du secteur public pas du tout, et avec les mesures de chômage partiel, celle des 19,7 millions du secteur privé, pas tellement. Du moins, pas encore. Idem, pour les 2,7 millions de chômeurs qui continuent à être indemnisés et pour les intérimaires et CDD dont les contrats n’ont pas été reconduits. S’ils ont travaillé 88 jours au cours des 27 derniers mois, et c’est la majorité, ils ne sont pas totalement à la ramasse. Pourquoi tous ces gens remettraient-ils en cause un confinement, qui nous tue certes, mais dont on leur serine, à grand concours d’experts et à longueur de journées, qu’il les protège, voire qu’il les sauve d’une mort annoncée ?

En plus, sur les 3,5 millions de travailleurs indépendants, nous ne sommes pas tous concernés de la même façon. Les médecins, les notaires, les avocats, les agriculteurs, les commerces alimentaires, vont sans doute pouvoir amortir le choc. Pour une bonne partie des 500 000 artisans du bâtiment, cela tiendra peut-être, avec des aides.

Moins de 1% à perdre tout nos revenus

Au doigt mouillé, je dirais que nous sommes beaucoup moins d’un million, peut-être un tout petit 1% de la population à subir une perte totale et durable de nos revenus. C’est-à-dire avec vraiment zéro rentrée. Nib, nada, que dalle.

Moi : Qui ?

Lui : Par exemple, les coiffeurs. 85 000 salons en France. Déjà qu’ils prenaient de plein fouet la concurrence plus ou moins loyale de la coiffure à domicile, pour beaucoup le coup de grâce approche. Des pas de porte sont déjà à vendre. Ensuite, les lieux festifs et culturels, les restaurants, les bars. Pour eux, c’est quand même assez vache. Après le premier confinement, ils ont investi crédulement dans des terrasses, des aménagements « dans le respect des règles sanitaires ». Et vlan. Achtung ! Verboten ! Circulez, y’a rien à boire. Ceux qui tiennent encore résistent avec du Take away, du Click and Collect et tout ça. Mais … Wait and See. Et enfin, le non essentiel : les vêtements, les chaussures, les livres, les cadeaux, la parfumerie, l’esthétique, les soins du corps, les salles de sport.

Moi : Tout cela ne va quand même pas fermer ?

Tu vas adorer les «Dix Mondialeuses» avec Amazonisation et Ubérisation à tous les étages

Lui : Je ne crois pas. Beaucoup de ces « acteurs économiques », ruinés, vont devoir plier leurs gaules mais leur activité va perdurer. Autrement. Sous une autre forme. Plus « moderne ». Tu as aimé les « Trente Glorieuses » avec l’exode rural, l’arrivée des grandes surfaces et des centres commerciaux hors la ville, les franchises … tu vas adorer les « Dix Mondialeuses » avec Amazonisation et Ubérisation à tous les étages. Le confinement ne fait qu’accélérer un processus déjà largement engagé et l’alibi Covid emporte et emportera des digues déjà bien fragilisées.

Sans compter tous les effets Kiss cool. Plus ou moins positifs d’ailleurs. Je ne sais pas si tu as remarqué que le pressing en bas de ta rue vient de s’équiper de sept scooters à coffres carrossés pour le transport de vêtements. Un clic sur ton téléphone et hop ton linge sale quitte ta famille pour revenir nickel 48h plus tard. Tu ne vas pas te plaindre non plus. C’est chic et pratique. Et c’est … un effet Covid.

Moi : Mais, selon les médias, il y a quand même des entreprises qui licencient ou qui vont licencier à tire larigot !

Lui : Le virus a bon dos. Nombre de ces « restructurations » étaient déjà dans les tuyaux. Heureux effet d’aubaine. En avant la musique funèbre. Et comme ces salariés licenciés bénéficient d’indemnités chômage, ils ne se prennent pas hic et nunc le missile en pleine figure. Pour beaucoup, le choc est à venir mais comme c’est la guerre et qu’il faut vivre au jour le jour, tout cela paraît bien lointain.

Moi : Et toi, dans tout ce cirque ?

Lui : J’essaie de tenir.

Moi : Tu as reçu des aides quand même ?

Lui : Des reports de charges ou d’échéances. Juste de quoi créer de la dette. Mon propriétaire, bailleur privé, ne veut faire aucun effort. Donc, rien à gratter de ce côté-là. En gros, non seulement, je ne gagne rien mais je continue à dépenser. J’ai déposé le dossier d’aide (une goutte d’eau dans l’océan) auquel j’aurais peut-être droit. Celui-ci est « à l’instruction ». Non, je serre les dents et le reste. Je prépare la reprise, comme je peux. Mais, j’ai beaucoup de chance. Un de mes concurrents disposant d’une assise financière autrement plus solide que la mienne m’a proposé de me racheter. A un prix dérisoire. En me garantissant un emploi avec un salaire tout aussi dérisoire. Bingo. Mais, là où l’on n’est vraiment pas aidés, c’est que tous ces grands « responsables » qui prennent toutes ces mesures contradictoires et souvent contre-productives, quand ils devront, de gré ou de force, quitter leur sinécure, ce ne sera pas pour devenir coiffeur, esthéticienne ou marchand de souvenirs, mais serviteurs de l’Etat. Donc, même pas peur !



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