La profanation de la tombe du soldat inconnu par un SDF a suscité une colère juste. Mais nous devrions réserver notre plus grande indignation pour les crimes tels que le meurtre atroce près d’Amiens d’un homme qui a été égorgé et son corps éviscéré. Chronique.
Un Sans Domicile Fixe, Hamdi Hakim, âgé de 47 ans, avec 21 mentions à son casier judiciaire, de nationalité marocaine et en situation régulière, a suscité une immense indignation parce que, franchissant les grilles, il a allumé sa cigarette le 4 août à la flamme honorant le Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe. Après avoir accompli ce geste, il est reparti tranquillement mais une touriste lettone a filmé la scène.
Il a très rapidement été interpellé, identifié, et placé en garde à vue.
Des déclarations ministérielles et politiques ont stigmatisé cette transgression, qualifiable pénalement de « violation de sépulture vouée à rendre hommage à la mémoire de nos morts ».
Cet acte a été décrit comme « misérable » avec des dénonciations solennelles comme : « On ne bafoue pas impunément la mémoire de la France » (Le Figaro).
Une fois qu’on a exprimé son indignation, ne serait-il pas temps de s’interroger sur nos réactions ?
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Il semble que l’auteur de cette offense ne l’ait pas accomplie en pleine conscience de ce qu’elle avait au sens propre d’iconoclaste mais plutôt comme le geste réflexe d’un homme seulement inspiré par le besoin utilitaire d’allumer sa cigarette auprès de la flamme la plus proche. Cela, sans atténuer l’opprobre ni l’indignité, est de nature à les atténuer sensiblement.
Le concert d’exclamations outragées à la suite de ce qui a été communément défini comme un outrage, n’a pas empêché tous les témoins de cette péripétie de demeurer cois, tant par le verbe que par l’action.
Sans prétendre minimiser la sincérité de tous ceux qui, ministres compris – l’une a exigé « des sanctions exemplaires » -, ont exprimé leur stupéfaction indignée face à ce sacrilège républicain, il me semble que celui-ci entre dans la catégorie de ces gestes de plus en plus fréquents qui révèlent plus une instabilité, une indécence, un déséquilibre, qu’une authentique volonté de transgression pénale ou, comme en l’occurrence on aurait pu le supputer immédiatement, de profanation anarchiste. Ces comportements, même s’ils peuvent être définis comme des délits, relèvent en général d’une autre sorte d’indignation que celle engendrée par les délits et les crimes « ordinaires ».
Celui qui a été commis près d’Amiens, avec une victime éviscérée, est à inscrire dans ce long et tragique inventaire des horreurs que la morale se doit de réprouver sans nuance et la Justice de condamner avec rigueur.
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C’est sans doute à cause de ce hiatus que j’ai trouvé hypertrophiées les réactions à la suite de l’incident choquant de la flamme. L’Arc de Triomphe n’a pas été amputé de la moindre parcelle de légitimité et d’honorabilité – il résiste à tout et notamment à cet allumage réflexe – mais il a permis, par cet excès que je peux comprendre s’il est sincère, de compenser tout ce que la lutte contre l’infinité des malfaisances délictuelles et criminelles, désespérantes chaque jour, clairement horribles, a de faible et, malgré la bonne volonté des ministres concernés et des magistrats engagés, de trop limitée.
Si nous pouvions mettre la même flamme à étouffer ce qui blesse ou tue la France au quotidien, notre monde serait sauvé.
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