Accueil Site Page 2390

DSK pronostique la défaite de son « amie » Martine…

3

Bien meilleur en off qu’en in, Dominique Strauss-Kahn aurait confié aux journalistes de TF1 pressentir la future désignation de François Hollande, nous apprend le site des Inrocks. Alors qu’il réservait sa gratitude compassée envers Martine Aubry aux millions de téléspectateurs qui n’avaient rien de mieux à faire ce soir-là que de somnoler devant Claire Chazal, DSK est aussi revenu sur le destin de son ex-rivale Ségolène Royal.

Lucide et juste, donc cruel, il aurait qualifié de sectaire le rapport entretenu par les ségolistes à leur championne. Bien vu : devant un déficit abyssal de ligne politique (qui sait aujourd’hui ce que pense Ségolène Royal du protectionnisme, du libre-échange ?), le lien césariste entre la cheftaine et ses ouailles repose sur sa seule personne, ô combien adulée à Désirs d’avenir. Une vraie Eva Peron, le justicialisme en moins- ce qui ne fait pas grand-chose[1. Le rectificatif suivant a été publié hier soir par Les Inrocks à la demande de l’entourage de DSK : « DSK ne se serait pas autorisé à prendre personnellement position. Il a juste expliqué que les sondages semblaient donner Hollande vainqueur dans la primaire mais que l’on n’en savait rien puisque l’on ne connaissait pas le corps électoral ». A notre avis, en vrai, ce rectificatif ne rectifie pas grand chose, et pas violemment…].

Après la reconversion réussie de Jean-Marie Le Pen en chansonnier, on se plairait à voir DSK dans les habits d’un éditorialiste à la Jean-Michel Apathie ou Alain Duhamel. Il distribuerait les mêmes sermons exaltant la mondialisation heureuse et les bienfaits de l’euro, à ceci près que l’ancien ministre des Finances sait de quoi il parle.

Et oui, au FMI, en sus de Mme Nagy, il s’est aussi frotté à la dure réalité des marchés financiers…

Précarisés par la croissance ou étranglés par l’austérité ?

Gérard Jugnot dans Une époque formidable

Au creux de l’été, pendant l’entracte du remake de Un Éléphant, ça trompe énormément qu’a offert DSK au monde, les marchés − cela n’a pas pu vous échapper − se sont invités dans l’actualité, et pas qu’un peu. Nasdaq, Nikkei, CAC 40 se sont littéralement personnifiés. En plein mois d’août, ils ont arbitré, reculé, plongé et finalement dégringolé quinze jours d’affilée… Il n’y en a alors plus eu que pour eux : on guettait leur réveil à Tokyo, on les bordait à leur coucher à New York, on leur prenait le pouls toute la journée, on a tout fait pour les convaincre, les rassurer, on a prié pour que leur état s’améliore. Tocsin de rigueur et mini-sommet franco-allemand, rappel de troupes ministérielles au trot. Obama et Sarko ont même ressorti le téléphone rouge pour s’appeler la nuit et parler traitement de cheval.[access capability= »lire_inedits »] Toute cette sollicitude pour le symbole aveugle et sans âme de la finance mondialisée, beaucoup de bruit pour des marchés que l’argent public a déjà repêchés en 2008 car souvenons-nous qu’en renflouant les banques, ce sont bien aux marchés qui, via la titrisation, avaient permis aux dettes pourries de croître et de se multiplier, qu’on sauvait la mise.

Les avisés donneurs d’avis rappelés d’urgence des plages pour passer dans le poste nous rebattent les oreilles avec la « volatilité » de ces divins marchés. Si le terme boursier évoque le vol fantasque et poétique de l’oiseau en liberté, le dictionnaire indique mieux la fumeuse réalité : la volatilité est le « caractère de ce qui se transforme facilement en vapeur ».

Ce qui crève les yeux dans les mesures adoptées en urgence pour rassurer nos nouveaux maîtres, c’est le soin tout particulier pris par le gouvernement pour épargner le citoyen moyen, celui-là même qui, en 2008, réglait l’addition tout en servant d’alibi, puisque c’est soi-disant son épargne que l’on préservait en comblant le déficit du système financier avec l’argent public.

Les marchés n’ont pas fini de nous faire marcher et ce n’est malheureusement pas qu’un jeu de mots à 2 euros. L’austérité qui nous est infligée au retour des bains de mer n’a qu’un objectif : promettre aux marchés financiers un retour aussi rapide que possible à la croissance dont ils se repaissent. Mais, à supposer qu’elle ne soit pas au rendez-vous, qu’est-ce qui les empêchera de nous refaire une syncope ? Et d’exiger que, par de nouvelles mesures, on sacrifie cette fois le citoyen moyen sur l’autel de leur avidité ?

La croissance et le marché ont en commun de mesurer bêtement une agitation. La première mesure l’activité, qu’importe l’activité pourvu que ça s’active, le second un volume d’échanges, qu’importe ce qu’on échange pourvu que ça s’échange ! Aucun dirigeant politique ne semble s’apercevoir du fait que cette agitation s’opère désormais au détriment de la collectivité, livrant les citoyens à un piège fatal : soit la croissance les précarise et détruit leurs emplois, soit l’austérité les étrangle.

Entre la politique et la finance, il n’y a pas affrontement mais alliance

Il est abracadabrantesque que des États qui réagissent au quart de tour quand ils sont mis devant le fait accompli de la finance en déroute n’exigent rien en contrepartie et, sans même parler de sanction, ne mettent en œuvre aucune mesure convaincante pour contenir leur boulimie galopante et réglementer ou encadrer ce grand jeu de Monopoly mondialisé.

Dans les médias, on fait dans l’offuscation résignée : « Le pouvoir politique a perdu contre le pouvoir de l’argent ». En somme, la finance se serait payé la démocratie. Or, ce sont plutôt les démocraties qui ont payé pour que la finance puisse continuer sa partie. Il est étrangement naïf ou bien pernicieux de postuler que ces deux pouvoirs sont ennemis. Comme si les politiciens étaient par nature plus proches des intérêts de la masse de ceux qui les ont élus que des intérêts particuliers de ceux qu’ils côtoient tous les jours. En réalité, s’ils savent exhiber leurs muscles pour dégommer un régime encombrant ou leur belle union au moment de sauver l’outil du capital, face à leurs homologues de la finance, ce n’est pas le pouvoir qui leur fait défaut mais la volonté. Aussi ne faut-il pas tant espérer un bras de fer entre eux que se méfier de leurs alliances objectives et de leurs ententes tacites.

Les racines financières du mal restent intactes et, cette fois, le message adressé aux marchés et aux citoyens est encore un peu plus clair : le contribuable est à la disposition du lobby financier, non seulement comme main d’œuvre malléable – ça, on le savait – mais aussi désormais comme caution solidaire. Enfin, façon de parler.[/access]

La Cicciolina victime de la crise de l’euro ?

27

Elle est la première femme a avoir montré ses seins à la télé italienne, elle a tourné plus de 40 films pornos, elle avait aussi proposé en 2006 à Oussama Ben Laden de coucher avec lui pour qu’il « renonce au terrorisme » (elle avait, dans les années 90, fait le même genre de propositions à Saddam). La Cicciolina est aujourd’hui, à 60 ans une honorable retraitée du Parlement italien et, à ce titre, touche une pension de près de 39 000 euros par an pour avoir siégé 5 ans durant.

Hélas pour elle, comme nous l’apprend The Guardian, la colère gronde en Italie au moment où le gouvernement enquille plan d’austérité sur plan d’austérité et que la note de solvabilité du pays est dégradée par S&P.

Ilona Staller, le vrai nom de la Cicciolina, n’est pas une exception. Des milliers de parlementaires à la retraite bénéficient de la même pension à vie. Mais l’ancienne star du porno est particulièrement visée, dans la mesure où pour certains, son œuvre législative laisserait à désirer, avec notamment de nombreuses propositions de lois pour créer des « love hotels ». Elle se défend, expliquant qu’elle a aussi œuvré pour les visites conjugales en prison, ou encore le développement de l’éducation sexuelle à l’école. Ilona Staller note aussi qu’elle n’est ni pire, ni meilleure que les autres retraités de la politique et que ce serait injuste qu’elle ne bénéficie pas de sa pension.

Selon certaines estimations, citées par le Guardian, les élus locaux du pays (du parlement aux conseils municipaux) coûteraient au budget de l’Etat 1,3 milliard d’euros par an. Des élus -bizarrement- épargnés pour l’instant par l’austérité générale.

La démarche turque

351
Crédit photo : orqudsday

Cela fait maintenant plusieurs mois qu’on nous le serine matin, midi et soir : l’espoir des révolutions arabes se trouve du côté d’Ankara.
Le « modèle turc », présenté comme l’alliance harmonieuse de la démocratie, de l’Islam et de la croissance économique. Ne craignez rien, braves gens, à Tunis, au Caire, à Tripoli, les barbus de Ennahda, des Frères musulmans et assimilés vont peut-être gagner les prochaines élections, mais leur islamisme sera mo-dé-ré !

Lobbyiste depuis de longues années de l’AKP[1. Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement)] auprès de l’opinion publique française, Bernard Guetta répète en boucle que ce parti est à la Turquie ce que la démocratie chrétienne est à l’Allemagne : un parti conservateur respectueux des libertés démocratiques, principal artisan du miracle économique turc.
Arrivé au pouvoir en 2002 à l’occasion d’élections législatives sans bavures, ce parti, aujourd’hui dirigé par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a remporté tous les scrutins avec des majorités accrues : aux législatives de juin 2011 l’AKP obtenait près de 50% des suffrages, sans toutefois atteindre la majorité des deux tiers souhaitée par le premier ministre pour modifier profondément la Constitution du pays. Officiellement, la Turquie affiche des taux de croissance insolents au regard de la stagnation du PIB des pays européens.

Certes, mais le « miracle économique turc » n’a pu se réaliser que sur les fondations solides établies par des décennies de gouvernement kémaliste laïc : développement d’entreprises de taille européenne, voire mondiale, émergence d’une classe moyenne éduquée dans des universités échappant au contrôle des dignitaires religieux, émancipation des femmes à un niveau inégalé dans le monde musulman. Les islamistes turcs n’ont donc pas construit la prospérité relative de ce pays : ils en ont hérité et ont eu, dans un premier temps, l’intelligence de ne pas en saper les fondements par une réislamisation brutale de la société et des institutions. Ce n’est pas l’envie qui leur manquait, mais ils se sont montrés suffisamment réalistes pour remettre à plus tard ce projet ambitieux et funeste s’ils voulaient se maintenir au pouvoir.

Les islamistes des pays où s’est déroulé le « printemps arabe » héritent, eux, d’économies dévastées, de taux de chômage réel stratosphériques ou, pour la Libye, de la « malédiction de la rente ». Les pétrodollars ont en effet, dans les sociétés arabo-musulmanes, fâcheusement tendance à se concentrer dans quelques mains qui les réinvestissent dans les économies des pays développés. Les peuples de ces pays rentiers n’en voient jamais la couleur, comme en Algérie.

Faire croire que le « modèle turc » puisse constituer le salut immédiat des pays arabes libérés de la tyrannie est donc une escroquerie intellectuelle.
Ce n’est pas d’islamistes prétendument modérés dont ces pays ont besoin, mais d’équivalents modernes d’Atatürk, d’une laïcisation de la société et des institutions, indispensable au décollage de leurs économies.

Et cela d’autant plus que le modèle turc risque, dans les prochains mois, de connaître quelques turbulences. Notre turcolâtre national de la matinale de France-Inter a omis de signaler à ses auditeurs que ses amis de l’AKP sont de fieffés clientélistes. Ainsi, la dette du pays a doublé au cours des dix huit mois précédant les élections législatives de juin 2011, non pas du fait de la crise économique (la croissance turque est restée relativement stable), mais par une politique de crédits à très bas taux accordés aux consommateurs et aux petites entreprises de l’espace rural. Le déficit public atteint aujourd’hui un niveau grec avec 9,5% du PIB…
Comme la Turquie n’a pas de pétrole, c’est sur le marché international des capitaux que l’AKP finance la constitution de sa clientèle électorale. Une bulle de crédit est en train de se constituer, dont l’éclatement prochain n’est pas à exclure…

Cela n’est pas sans rapport avec le tournant diplomatique opéré récemment par Erdogan : faire vibrer la corde nationaliste est une recette éprouvée lorsque l’horizon économique et social s’assombrit. Jouer des muscles sur la scène internationale, en prenant Israël comme punching-ball, ne coûte rien et produit de belles images télévisées de triomphe personnel au Caire, à Tunis ou à Tripoli. Cela fait passer la pilule des restrictions des libertés publiques (arrestations arbitraires de journalistes ou d’officiers généraux accusés de complots imaginaires).

Il s’agit aussi d’entraîner dans la spirale de la surenchère nationaliste une opposition laïque représentée par le CHP (Parti républicain du peuple) qui avait entrepris un important travail de rénovation interne et qui avait montré sa force dans la « Turquie utile », celle qui travaille, produit et innove dans l’ouest du pays. Cela s’était traduit par une nette victoire du CHP dans ces régions lors des dernières élections.
Même s’il ne s’agit là que de pures gesticulations – l’installation dans l’est du pays d’éléments du bouclier antimissile américain en est la meilleure illustration – on peut craindre que ces islamistes « modernes » échouent à l’examen politique décisif : celui de laisser paisiblement se dérouler une alternance démocratique.

Mallette dans la civilisation

12
Robert Bourgi. Photo : Yahoo Actualités.

Je ne sais pas si la France est La République des mallettes mais depuis quelques jours, elle est la République des offusqués. Comme si les « révélations sans preuves » de Robert Bourgi et la publication de l’enquête de Pierre Péan nous avaient subitement fait découvrir, dans les coulisses de la politique, un monde d’ombres peuplé de drôles de conseillers et de valises de cash qui seraient plus à leur place dans un film de Scorcese que dans une réception officielle. Le paysage médiatique et l’échiquier politique sont en émoi : de l’argent sale ? Des éminences noires ? Le plus grand scandale que la République ait connu !
Assurément : depuis le dernier et jusqu’au prochain.

Dans cet élan de vertu aussi œcuménique qu’un potentat africain distribuant ses largesses de gauche et de droite, il faut, au risque de choquer, rappeler une évidence : il n’existe pas d’affaires humaines et certainement pas d’affaires politiques sans corruption. Peut-être y en a-t-il même dans les médias, enfin dans les autres médias. Il est sans doute moins onéreux d’acheter la complaisance d’un journaliste que la bienveillance d’un chef d’Etat. Reste que de l’argent pas très casher, il y en a dans tous les pays, dans tous les secteurs d’activité, à tous les niveaux. Montesquieu aurait pu écrire que le pouvoir modéré corrompt modérément. Et sauf à parier sur une amélioration spontanée de l’espèce humaine, ce sera sans doute le cas jusqu’à ce que nous décidions de placer aux manettes des robots ou un nouveau Robespierre – perspectives somme toute assez peu engageantes.
S’agissant de la contribution des amis africains de la France à notre vie politique, ceux qui poussent les hauts cris devant les caméras vous expliquent en privé et en rigolant que tout le monde savait. Et que tout le monde a eu sa part. Hommes d’affaires avisés, les Bongo et consorts savaient qu’en démocratie on ne sait jamais – raison pour laquelle ils n’étaient pas très preneurs pour eux-mêmes – et qu’il valait mieux ne pas insulter l’avenir. Cela explique qu’au-delà de quelques déclarations rituelles, personne n’ait très envie de soulever le couvercle d’une marmite où mijote un ragoût aussi peu ragoûtant.

Certes, comme le dit ma boulangère, parfois y’a de l’abus, en l’occurrence de l’abus d’abus. Il n’est pas très reluisant moralement que les campagnes électorales françaises soient (ou aient été) financées par de l’argent volé aux Africains – même si cet argent leur aurait été volé de toute façon. Il serait également fâcheux que la politique de la France soit (ou ait été) surdéterminée par la générosité de tel ou tel chef d’Etat. En clair, que des régimes soutenus par Paris aient manifesté leur reconnaissance en « arrosant » pouvoir et opposition n’est pas très glorieux mais c’est la vie. Si on les a soutenus, y compris militairement, dans le seul but de stimuler ou de récompenser leur générosité, c’est une autre affaire : cela signifierait que l’intérêt national a purement et simplement été affermé aux partis qui briguent nos suffrages. Et que des soldats français sont peut-être morts pour que Tartempion conserve sa circonscription ou Duchemoll sa mairie.

« Nous voulons savoir ! », clament les vertueux. Peut-être est-il préférable que nous ne sachions pas. N’oublions pas que la pureté est parfois aussi dangereuse que le vice. De toute façon, il paraît que tout ça, c’est fini. Avec les juges en embuscade, le risque de se faire pincer est trop grand. Et puis Bongo et les autres sont morts – et leurs successeurs, ces ingrats, déroulent le tapis rouge aux Chinois et aux Américains qui ont certainement des frais, eux aussi, qu’est-ce que vous croyez ?
En attendant, dans ce concours d’indignation, on a perdu de vue le véritable motif d’inquiétude qui est que l’arène politique ressemble à une école maternelle. Ces jours-ci, tous les chemins boueux parsemés de rétro-commissions et de coups tordus semblent en effet mener à l’affrontement entre balladuro-sarkozystes et chiraco-villepinistes, appellations qui montrent bien qu’on a affaire à des clans affiliés à un chef plutôt qu’à des courants politiques. « Qu’est-ce qui opposait si durement Armagnacs et Bourguignons, yéyés et rockers, jospinistes et fabiusiens ? », demande Basile de Koch[1. Histoire de France de Cro-Magnon à Jacques Chirac, La Table Ronde, 2005].

Oui, pourquoi tant de haine entre Longevernes et Velran[2. Les deux villages dont les enfants s’affrontent dans « La guerre des boutons »], balladuriens et chiraquiens ? La réponse est aussi simple que désolante : le pouvoir – et, selon les méchantes langues, le magot nécessaire pour y arriver ou le conserver – fut le seul et unique enjeu de cette guerre de quinze ans entre amis de trente ans. Chirac est à la retraite, Balladur n’en est pas loin et les moins de 20 ans n’ont sans doute aucune idée de ce que fut ce choc de titans. La haine est toujours là, dépourvue de toute motivation idéologique mais aussi solide qu’entre deux familles corses fâchées à mort pour un âne disparu.

Alors qu’ils prennent le pognon s’ils ont la sottise de croire que c’est comme ça qu’ils gagneront nos voix. Mais qu’ils cessent de transformer le débat public en cour de récré. Parce que les électeurs, dont la patience a des limites, pourraient les envoyer au piquet. Sans compter que dans les écoles d’aujourd’hui, une partie de billes peut finir dans le sang.

La République des mallettes

Price: 32,00 €

89 used & new available from 2,03 €

L’affranchi

16

Il a eu raison de ne pas nous dire « ce qui s’était réellement passé » dans la chambre su Sofitel, mais il aurait pu nous épargner cette mauvaise mise en scène, notre séducteur désormais rangé des voitures. Défendre son honneur, soit, mais dans ce décor de confessionnal pour reality show ?

Tout cela sentait la fabrique, la grosse ficelle de communicant : on imaginait les besogneux chargés de son image continuant à lui souffler, depuis la coulisse, son monologue millimétré. DSK, hier plus que jamais, a démontré qu’il n’était, lui aussi, qu’un produit politique pour temps de disette, muselé par des professionnels malhabiles et des affidés.

L’ensemble de la séquence TF1 fut un curieux mélange de sueur et de paillettes, un pauvre scénario cosigné par des créatifs d’Hollywood-sur-Seine. Quelle forme de sincérité résisterait à ce traitement ? Que penser d’une confession « en direct live », dont chaque « période » est balisée par un titre et une photographie, transmis par un écran judicieusement placé derrière la journaliste : « La justice américaine », « Nafissatou Diallo », « Les primaires socialistes », « L’avenir » ?

En vertu de quoi DSK n’avait guère d’autre choix que de jouer, ou surjouer les acteurs studieux : il a donc repris les mimiques et les « grimasques » de Robert De Niro dans Les Affranchis de Scorsese. On pourra penser ce qu’on veut de sa prestation, une chose est certaine : ses scénaristes méritent plutôt un Gérard[1. Les Gérard du cinéma et de la télévision : joyeux et cruel mélange de cérémonie dérisoire et de revue satirique annuelle, qui vient « récompenser » les plus mauvais films, auteurs et acteurs du cinéma français, c’est dire s’ils ont du boulot…] qu’un Oscar.

Rigueur à l’italienne

28
Photo : segnaleorario

On a souvent dit que l’étonnante indulgence des Italiens à l’égard des frasques de Silvio Berlusconi s’expliquait par ses bons résultats économiques. Si c’est le cas, il ne faut peut-être pas parier sur la longévité du gouvernement de droite, soutenu par trois forces politiques : le Popolo della Libertà, PDL, qui est la « propriété personnelle » du Président du conseil ; la Ligue du Nord, de plus en plus divisée entre les amis du fondateur, Umberto Bossi, et ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni ; et enfin les transfuges d’autres partis, séduits par bien des promesses et des cadeaux.

Au cours de l’été, le gouvernement Berlusconi a rencontré un obstacle de taille : les marchés financiers mondiaux, qui ont visiblement perdu leur confiance dans la solidité économique de la Péninsule, ont boudé les titres émis par le Trésor italien pour financer sa dette (BOT).[access capability= »lire_inedits »] Les Italiens sont traditionnellement des épargnants et ils ont l’habitude de racheter les BOT. Mais avec une dette publique qui dépasse désormais les 1900 milliards d’euros, soit 120 % du PIB, l’épargne des ménages ne suffit plus. Au milieu de l’été, les hésitations et la défiance de la finance internationale ont forcé l’Italie à augmenter les intérêts payés aux investisseurs sur les BOT et les autres titres émis par l’État, créant le risque d’une spirale de méfiance et de spéculation « à la grecque ». Certes, la Banque centrale européenne a calmé le jeu en rachetant des dizaines de milliards d’euros de titres italiens et espagnols. Mais la contrepartie de son intervention a été l’adoption en urgence, à la mi-août, d’un plan de rigueur draconien visant à réduire les déficits de 45,5 milliards d’euros sur deux ans (2012 et 2013) en conjuguant la contraction des dépenses de l’État et la hausse des impôts. Le gouvernement Berlusconi a engagé sur ce terrain sa crédibilité internationale – du moins ce qu’il en reste.

Plus question de « faire payer les riches »

Seulement, il a suffi de quelques semaines pour que ces bonnes résolutions apparaissent comme des promesses d’ivrogne. En effet, le plan annoncé alors que les attaques spéculatives étaient à leur paroxysme se réduit comme une peau de chagrin. La mesure la plus symbolique était l’instauration, pour deux ans, d’un impôt de solidarité sur les revenus des contribuables les plus riches − 5 % de 90 000 à 150 000 euros et 10 % au-delà. Mais ce choix était socialement trop juste pour ne pas scandaliser les amis de Silvio Berlusconi. Après quelques jours de calme relatif sur les marchés financiers, Berlusconi est revenu sur l’idée de s’en prendre aux riches, préférant parier sur une énième réforme des retraites. Le 29 août, le plan de rigueur a été complètement révisé et l’impôt de solidarité a disparu. Afin de limiter les polémiques, il a été maintenu pour les seuls membres du Parlement qui gagnent souvent beaucoup d’argent en exerçant une deuxième profession. Adopté pour trois ans, le nouveau plan restreint la possibilité de partir à la retraite pour les travailleurs âgés de moins de 65 ans en supprimant la possibilité de « racheter » les années d’université et même de service militaire. Il prévoit également la disparition des 110 « provinces » (départements), ainsi qu’une diminution du nombre de parlementaires, mais ces deux mesures sont assez hypothétiques dans la mesure où elles impliquent une révision constitutionnelle difficile à mettre en œuvre pour un gouvernement disposant d’une très faible majorité.

La première version de la rigueur berlusconienne était certainement discutable et difficilement supportable pour la population, mais au moins garantissait-elle une réduction rapide du déficit. La nouvelle version est une boîte à moitié vide dès lors que Berlusconi n’a pas les moyens politiques de mener à bien les révisions constitutionnelles nécessaires. Dans ces conditions, on peut s’attendre à de nouvelles attaques des marchés contre la dette italienne. Le gouvernement devra alors bricoler dans la confusion un troisième plan dont rien n’assure qu’il fera renaître la confiance des marchés échaudés par l’échec des deux premières moutures. Le premier responsable de ce fiasco annoncé, c’est évidemment Berlusconi qui n’a ni l’habileté personnelle ni la capacité politique d’inscrire l’austérité inévitable dans le cadre d’une authentique réforme fiscale qui permettrait non seulement de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire mais aussi de renouer avec la croissance – qui ne devrait pas dépasser 1 % en 2011. Autant dire que le « Cavaliere » est dans le pétrin, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. L’ennui, c’est que l’Italie l’est aussi. On me permettra de penser que c’est bien plus inquiétant. [/access]

L’Eglise intègre, l’Ecole excommunie

La grande bagarre de Don Camillo

Deux faits qui ne passionnent pas les foules, deux faits contradictoires, éclairent en ce mois de septembre de l’an de grâce 2011 le nouvel état de la raison.

À Rome, le 14 septembre, la Congrégation pour la doctrine de la foi, après entrevue avec Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, publie un communiqué de presse d’où il ressort que les dénommés « intégristes » ont désormais la capacité de retrouver la communion avec l’Eglise universelle s’ils acceptent un Préambule doctrinal que leur soumet l’autorité romaine, laissant ouverts à la discussion théologique certains énoncés du Concile Vatican II.

En France, le 13, à Lunel, petit bourg de l’Hérault, Jean-Baptiste Santamaria, un professeur de philosophie dénoncé par les vigilants locaux, en l’occurrence le SNES et la FCPE, qui ont bénéficié du truchement complaisant du Midi Libre et de France 3, est mis à pied au motif de son passé d’extrême-droite. Quelles idées sinistres le pestiféré avait-il prévu de développer dans ses cours ? On ne le saura jamais puisque sitôt nommé, « après dix ans de placard » écrit-il au Défenseur des droits qu’il a saisi, il a été épuré. Il est plaisant de remarquer en passant que la dame patronnesse de la FCPE qui n’a fait que son devoir de délation citoyenne a elle-même figuré sur une liste électorale du Parti Socialiste.
L’affaire demeure obscure puisque nous ne disposons pour le moment que de l’appel des vigilants d’un côté et de la lettre que le professeur incriminé a envoyée à l’ancienne Haute Autorité de l’autre.

Si cependant il était établi que le nettoyage idéologique se soit déroulé ainsi, nous nous trouverions devant une situation propre à dérouter l’observateur commun du XXIème siècle : à Rome, la Rome inquisitoriale, dogmatique et intolérante des manuels d’histoire, on discute, on parle, on raisonne, on argumente avec douceur, componction et respect des opinions d’autrui, pour intégrer ; en France, sous la République des Lumières, la tolérante, l’éclairée, la relativiste des manuels d’instruction civique, on exclut, on condamne, on cloue au pilori, on disperse et on ventile. Sans aucune forme de procès. Pour écraser.

À Rome, on organise des conciles, on réunit des synodes, on crée des commissions théologiques internationales, enfin on reprend le vieux principe de la disputatio médiévale, on fait avec Saint Thomas comparaître la théologie au tribunal de la philosophie et de la raison pour établir son statut.
Ô République, où sont tes conciles, tes Etats-Généraux, tes loya jirga, ton Assemblée ? Certes, parfois le Parlement légifère sur des questions annexes, certes parfois on réunit le Congrès pour décider l’adoption d’un Traité que le peuple a réfuté la veille. Parfois des groupes de pression manipulent des directives ministérielles pour imposer une théorie aux manuels de Sciences de la Vie et de la Terre. Mais où sont l’argumentation, la contradiction et l’objection ?

L’antique République repose sur une Déclaration et une Constitution, ô combien de fois retouchée. Elle gouverne sous le vent, à la dérive. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » : l’inquiétant dicton de Saint-Just domine encore son esprit. Quant à savoir qui définit les modalités et l’essence de la liberté, c’est une autre paire de manches. Comme un vieux régime totalitaire tout pourri du XXème siècle, elle exclut, elle épure, elle fait de la moitié de son peuple un dissident. Elle a oublié la raison et la mesure. « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ».

Cette République n’a rien pour durer.

Chatel-Chevènement : un vrai dialogue qui devrait faire école

7

Le Monde qu’on leur prépare est un livre d’entretiens croisés sur le thème de l’école entre Luc Chatel et Jean-Pierre Chevènement. On a surtout dit qu’il s’agissait d’un échange entre un homme de droite, actuel ministre de l’Education nationale, et un autre, de gauche, l’ayant été il y a 25 ans.

Dès lors, on pouvait craindre la caricature : le « quadra » sarkozyste, ambitieux et moderniste faisant fi des principes, contre le tenant d’une gauche dépensière rebattant à l’envi la problématique des moyens. Il n’en est rien. D’une part parce que ces entretiens opposent avant tout un libéral et un « souverainiste ». D’autre part, parce que les notions de « droite » et de « gauche » sont devenues incertaines. Chevènement le déplore d’ailleurs: « à côté de la gauche républicaine et laïque traditionnelle, une gauche victimaire, compassionnelle (…) est apparue et a même pris le dessus ».

Sur les valeurs, les deux hommes divergent peu. L’école repose sur celles de la connaissance, de l’effort, de la reconnaissance de l’autorité des maîtres. L’opposition entre Chatel et Chevènement se lit surtout dans la méthode que chacun envisage pour tendre vers ces idéaux.

A son aîné rêvant d’un Etat-instructeur, et rappelant qu’on ne peut « piloter l’Education nationale comme une entreprise parce qu’elle est d’abord une institution », Chatel répond en termes de « management », de « contrats d’objectifs », et de « projets d’établissements ». Très attaché à la notion d’autonomie, le ministre plaide pour celle des établissements, mais également pour la liberté des parents. A ces derniers, on doit offrir un panel de choix afin de répondre « à cette nouvelle demande (…) d’individualisation, de capacité à personnaliser l’enseignement ». Quitte à favoriser un rapport parfaitement consumériste à l’institution scolaire, et à abandonner toute idée de lutte contre les déterminismes sociaux, tant il est vrai que seuls les plus favorisés choisissent.

Ainsi, le clivage Chevènement/Chatel recoupe peu ou prou celui opéré par Jean-Pierre Obin. L’un des duettistes prône « une école publique davantage tournée vers l’édification d’une Nation », l’autre se fait le héraut d’une institution « destinée à répondre aux ambitions des individus et des familles ».

Aux passionnés de l’école, Le monde qu’on leur prépare n’apportera pas forcément l’information précise et nouvelle qu’ils pourraient souhaiter. D’autant qu’il n’échappe pas à la loi du genre : comme souvent dans les livres d’entretiens, chaque débateur semble retenir ses coups, et l’on demeure parfois en lisière du conflit.

Pourtant, ce texte est bel et bien un livre politique, qui confronte en toute honnêteté deux visions antagonistes du monde. S’y mesurent deux façons d’articuler l’individuel et le collectif, de concilier les intérêts particuliers et l’intérêt général, et de faire cohabiter « égalité » et « liberté ».

DSK, l’homme qui n’aimait plus les femmes

39
capture d'écran RF1

« J’aime les femmes et alors ? », disait-il, rigolard, il y a quelques mois, aux journalistes qui l’interrogeaient sur sa vie érotique notoirement abondante. La seule révélation que DSK a faite sur le plateau de TF1, c’est que tout ça c’est fini. Désormais, il n’y en aura plus qu’une. La sienne. Certes, l’ancien patron du FMI y est allé à mots couverts. Une « faute morale », on comprend que ce n’est pas bien mais c’est assez vague. Il aurait pu se fendre d’une autocritique plus glamour tout de même. J’aurais trouvé pour ma part plutôt incongru qu’il s’exprime comme un « vraigens » venu raconter chez Delarue son addiction au sexe ou sa passion pour les ours en peluche. On entend déjà les féministes vindicatives et les journalistes sans faiblesses (sans compter Marco Cohen qui ne peut être soupçonné d’être sans faiblesses, heureusement) proclamer en boucle que DSK n’a rien dit et surtout qu’il n’a pas raconté ce qui s’était passé dans la suite 2806 (ou 2608 ?) du Sofitel. Et c’est vrai. Mais qu’espérait-on ? Des détails croustillants ? Une reconstitution ? Un récit égrillard ? DSK a simplement affirmé qu’il n’y avait eu ni violence, ni paiement. On a le droit de ne pas le croire. Reste que le procureur n’a pas trouvé de preuves de l’une ou de l’autre.

C’est donc en termes galants que ces choses-là furent dites : « J’ai perdu cette légèreté », répond-il lorsque Claire Chazal l’interroge sur ses relations avec les femmes. Ce que j’entends pour ma part, c’est que ces quatre mois de pénitence ont éteint chez lui ce désir si insatiable et incontrôlable qu’il y voyait lui-même l’une de ses principales faiblesses. De fait, on ne voit plus dans son regard cette lueur qui brille dans les yeux de certains hommes, y compris les mieux intentionnés, quand ils se trouvent face à une femme séduisante en laquelle ils voient toutes celles qui lui restent à conquérir. Pour toutes les femmes qui auraient pu subir de sa part une « attitude inappropriée », selon la chatoyante formule de ses avocats, et pour la morale publique, c’est certainement une bonne nouvelle. On m’accordera qu’un monde peuplé d’êtres tempérants et raisonnables qui ne se prennent jamais les pieds dans le moindre tapis serait terriblement ennuyeux. D’accord, ce n’est pas la question.

On imagine sans peine les ricanements qui salueront la prestation de Claire Chazal, disqualifiée par avance par tous ceux à qui on ne la fait pas en raison de son amitié avec Anne Sinclair. Il est vrai qu’elle semblait marcher sur des œufs, questionnant à mots à peine moins couverts que ceux de son interlocuteur. Certes, elle aurait pu et sans doute dû se montrer plus percutante sur les relations de « l’ancien DSK » avec les femmes, évoquer les textos reçus par les unes, les invitations faites aux autres, l’insistance qui avait pu confiner au harcèlement. Peut-être les ricaneurs seraient-ils capables d’interroger le plus naturellement du monde et en termes crus un homme public sur ses (mauvais) penchants les plus privés. Il me semble à moi rassurant que l’on puisse ressentir de la gêne dans une situation aussi gênante. Il serait encore plus gênant que l’on parle de ces affaires sans le moindre embarras.

« Prestation lamentable », décrète l’ami Luc Rosenzweig. Bon. Peut-être mon jugement est-il égaré par la midinette qui sommeille en moi. Peut-être que tout était bidon : le repentir, la souffrance, la lassitude, le regard éteint. Peut-être que nous avons assisté à un super plan com préparé au millimètre par la troupe des communicants d’Euro RSCG et qu’ils sont tous en train de célébrer ce retour dans l’arène médiatique dans une boite à partouze où champagne et filles coulent à flots. Mais je l’avoue, j’ai marché. Pas complètement mais marché tout de même.

Il est vrai qu’on aurait pu se passer de l’analyse de DSK sur la crise de l’euro. D’accord, la vie et le spectacle continuent mais peut-être un petit délai de décence eut-il été le bienvenu. S’il n’est plus le même homme, autant ne pas jouer à « tout redevient comme avant ». Et puis, il aurait pu nous épargner ses allusions à un « piège » ou un « complot » sur lesquels on verra ce qu’on verra – c’est-à-dire sans doute rien.

De toute façon, tout cela n’a aucun intérêt puisque les Français, parait-il, en ont ras-le-bol de ce feuilleton et qu’ils veulent qu’on leur parle des vrais problèmes. Si on apprend demain que le JT de TF1 a battu des records d’audience, c’est sans doute que les téléspectateurs auront été mal informés et qu’ils espéraient voir sur TF1 Jean-Claude Trichet ou Herman Von Rompuy. Sinon, ils seraient restés sur Arte, leur chaîne préférée.

Pour le reste, bien sûr qu’on ne connaît pas la vérité et qu’on ne la connaîtra jamais. Il paraît que nous y avons droit. J’aimerais bien savoir en vertu de quelle loi sacrée nos contemporains, fussent-ils des responsables politiques, nous devraient la vérité sur eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, elle ne surgira pas sur un plateau de télé. Si DSK veut vraiment comprendre et faire comprendre cette ténébreuse affaire, alors qu’il change de vie et devienne romancier puisque la littérature est le seul lieu qui permette, comme le disait Aragon, de mentir vrai.

DSK pronostique la défaite de son « amie » Martine…

3

Bien meilleur en off qu’en in, Dominique Strauss-Kahn aurait confié aux journalistes de TF1 pressentir la future désignation de François Hollande, nous apprend le site des Inrocks. Alors qu’il réservait sa gratitude compassée envers Martine Aubry aux millions de téléspectateurs qui n’avaient rien de mieux à faire ce soir-là que de somnoler devant Claire Chazal, DSK est aussi revenu sur le destin de son ex-rivale Ségolène Royal.

Lucide et juste, donc cruel, il aurait qualifié de sectaire le rapport entretenu par les ségolistes à leur championne. Bien vu : devant un déficit abyssal de ligne politique (qui sait aujourd’hui ce que pense Ségolène Royal du protectionnisme, du libre-échange ?), le lien césariste entre la cheftaine et ses ouailles repose sur sa seule personne, ô combien adulée à Désirs d’avenir. Une vraie Eva Peron, le justicialisme en moins- ce qui ne fait pas grand-chose[1. Le rectificatif suivant a été publié hier soir par Les Inrocks à la demande de l’entourage de DSK : « DSK ne se serait pas autorisé à prendre personnellement position. Il a juste expliqué que les sondages semblaient donner Hollande vainqueur dans la primaire mais que l’on n’en savait rien puisque l’on ne connaissait pas le corps électoral ». A notre avis, en vrai, ce rectificatif ne rectifie pas grand chose, et pas violemment…].

Après la reconversion réussie de Jean-Marie Le Pen en chansonnier, on se plairait à voir DSK dans les habits d’un éditorialiste à la Jean-Michel Apathie ou Alain Duhamel. Il distribuerait les mêmes sermons exaltant la mondialisation heureuse et les bienfaits de l’euro, à ceci près que l’ancien ministre des Finances sait de quoi il parle.

Et oui, au FMI, en sus de Mme Nagy, il s’est aussi frotté à la dure réalité des marchés financiers…

Précarisés par la croissance ou étranglés par l’austérité ?

9
Gérard Jugnot dans Une époque formidable

Au creux de l’été, pendant l’entracte du remake de Un Éléphant, ça trompe énormément qu’a offert DSK au monde, les marchés − cela n’a pas pu vous échapper − se sont invités dans l’actualité, et pas qu’un peu. Nasdaq, Nikkei, CAC 40 se sont littéralement personnifiés. En plein mois d’août, ils ont arbitré, reculé, plongé et finalement dégringolé quinze jours d’affilée… Il n’y en a alors plus eu que pour eux : on guettait leur réveil à Tokyo, on les bordait à leur coucher à New York, on leur prenait le pouls toute la journée, on a tout fait pour les convaincre, les rassurer, on a prié pour que leur état s’améliore. Tocsin de rigueur et mini-sommet franco-allemand, rappel de troupes ministérielles au trot. Obama et Sarko ont même ressorti le téléphone rouge pour s’appeler la nuit et parler traitement de cheval.[access capability= »lire_inedits »] Toute cette sollicitude pour le symbole aveugle et sans âme de la finance mondialisée, beaucoup de bruit pour des marchés que l’argent public a déjà repêchés en 2008 car souvenons-nous qu’en renflouant les banques, ce sont bien aux marchés qui, via la titrisation, avaient permis aux dettes pourries de croître et de se multiplier, qu’on sauvait la mise.

Les avisés donneurs d’avis rappelés d’urgence des plages pour passer dans le poste nous rebattent les oreilles avec la « volatilité » de ces divins marchés. Si le terme boursier évoque le vol fantasque et poétique de l’oiseau en liberté, le dictionnaire indique mieux la fumeuse réalité : la volatilité est le « caractère de ce qui se transforme facilement en vapeur ».

Ce qui crève les yeux dans les mesures adoptées en urgence pour rassurer nos nouveaux maîtres, c’est le soin tout particulier pris par le gouvernement pour épargner le citoyen moyen, celui-là même qui, en 2008, réglait l’addition tout en servant d’alibi, puisque c’est soi-disant son épargne que l’on préservait en comblant le déficit du système financier avec l’argent public.

Les marchés n’ont pas fini de nous faire marcher et ce n’est malheureusement pas qu’un jeu de mots à 2 euros. L’austérité qui nous est infligée au retour des bains de mer n’a qu’un objectif : promettre aux marchés financiers un retour aussi rapide que possible à la croissance dont ils se repaissent. Mais, à supposer qu’elle ne soit pas au rendez-vous, qu’est-ce qui les empêchera de nous refaire une syncope ? Et d’exiger que, par de nouvelles mesures, on sacrifie cette fois le citoyen moyen sur l’autel de leur avidité ?

La croissance et le marché ont en commun de mesurer bêtement une agitation. La première mesure l’activité, qu’importe l’activité pourvu que ça s’active, le second un volume d’échanges, qu’importe ce qu’on échange pourvu que ça s’échange ! Aucun dirigeant politique ne semble s’apercevoir du fait que cette agitation s’opère désormais au détriment de la collectivité, livrant les citoyens à un piège fatal : soit la croissance les précarise et détruit leurs emplois, soit l’austérité les étrangle.

Entre la politique et la finance, il n’y a pas affrontement mais alliance

Il est abracadabrantesque que des États qui réagissent au quart de tour quand ils sont mis devant le fait accompli de la finance en déroute n’exigent rien en contrepartie et, sans même parler de sanction, ne mettent en œuvre aucune mesure convaincante pour contenir leur boulimie galopante et réglementer ou encadrer ce grand jeu de Monopoly mondialisé.

Dans les médias, on fait dans l’offuscation résignée : « Le pouvoir politique a perdu contre le pouvoir de l’argent ». En somme, la finance se serait payé la démocratie. Or, ce sont plutôt les démocraties qui ont payé pour que la finance puisse continuer sa partie. Il est étrangement naïf ou bien pernicieux de postuler que ces deux pouvoirs sont ennemis. Comme si les politiciens étaient par nature plus proches des intérêts de la masse de ceux qui les ont élus que des intérêts particuliers de ceux qu’ils côtoient tous les jours. En réalité, s’ils savent exhiber leurs muscles pour dégommer un régime encombrant ou leur belle union au moment de sauver l’outil du capital, face à leurs homologues de la finance, ce n’est pas le pouvoir qui leur fait défaut mais la volonté. Aussi ne faut-il pas tant espérer un bras de fer entre eux que se méfier de leurs alliances objectives et de leurs ententes tacites.

Les racines financières du mal restent intactes et, cette fois, le message adressé aux marchés et aux citoyens est encore un peu plus clair : le contribuable est à la disposition du lobby financier, non seulement comme main d’œuvre malléable – ça, on le savait – mais aussi désormais comme caution solidaire. Enfin, façon de parler.[/access]

La Cicciolina victime de la crise de l’euro ?

27

Elle est la première femme a avoir montré ses seins à la télé italienne, elle a tourné plus de 40 films pornos, elle avait aussi proposé en 2006 à Oussama Ben Laden de coucher avec lui pour qu’il « renonce au terrorisme » (elle avait, dans les années 90, fait le même genre de propositions à Saddam). La Cicciolina est aujourd’hui, à 60 ans une honorable retraitée du Parlement italien et, à ce titre, touche une pension de près de 39 000 euros par an pour avoir siégé 5 ans durant.

Hélas pour elle, comme nous l’apprend The Guardian, la colère gronde en Italie au moment où le gouvernement enquille plan d’austérité sur plan d’austérité et que la note de solvabilité du pays est dégradée par S&P.

Ilona Staller, le vrai nom de la Cicciolina, n’est pas une exception. Des milliers de parlementaires à la retraite bénéficient de la même pension à vie. Mais l’ancienne star du porno est particulièrement visée, dans la mesure où pour certains, son œuvre législative laisserait à désirer, avec notamment de nombreuses propositions de lois pour créer des « love hotels ». Elle se défend, expliquant qu’elle a aussi œuvré pour les visites conjugales en prison, ou encore le développement de l’éducation sexuelle à l’école. Ilona Staller note aussi qu’elle n’est ni pire, ni meilleure que les autres retraités de la politique et que ce serait injuste qu’elle ne bénéficie pas de sa pension.

Selon certaines estimations, citées par le Guardian, les élus locaux du pays (du parlement aux conseils municipaux) coûteraient au budget de l’Etat 1,3 milliard d’euros par an. Des élus -bizarrement- épargnés pour l’instant par l’austérité générale.

La démarche turque

351
Crédit photo : orqudsday

Cela fait maintenant plusieurs mois qu’on nous le serine matin, midi et soir : l’espoir des révolutions arabes se trouve du côté d’Ankara.
Le « modèle turc », présenté comme l’alliance harmonieuse de la démocratie, de l’Islam et de la croissance économique. Ne craignez rien, braves gens, à Tunis, au Caire, à Tripoli, les barbus de Ennahda, des Frères musulmans et assimilés vont peut-être gagner les prochaines élections, mais leur islamisme sera mo-dé-ré !

Lobbyiste depuis de longues années de l’AKP[1. Adalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement)] auprès de l’opinion publique française, Bernard Guetta répète en boucle que ce parti est à la Turquie ce que la démocratie chrétienne est à l’Allemagne : un parti conservateur respectueux des libertés démocratiques, principal artisan du miracle économique turc.
Arrivé au pouvoir en 2002 à l’occasion d’élections législatives sans bavures, ce parti, aujourd’hui dirigé par le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, a remporté tous les scrutins avec des majorités accrues : aux législatives de juin 2011 l’AKP obtenait près de 50% des suffrages, sans toutefois atteindre la majorité des deux tiers souhaitée par le premier ministre pour modifier profondément la Constitution du pays. Officiellement, la Turquie affiche des taux de croissance insolents au regard de la stagnation du PIB des pays européens.

Certes, mais le « miracle économique turc » n’a pu se réaliser que sur les fondations solides établies par des décennies de gouvernement kémaliste laïc : développement d’entreprises de taille européenne, voire mondiale, émergence d’une classe moyenne éduquée dans des universités échappant au contrôle des dignitaires religieux, émancipation des femmes à un niveau inégalé dans le monde musulman. Les islamistes turcs n’ont donc pas construit la prospérité relative de ce pays : ils en ont hérité et ont eu, dans un premier temps, l’intelligence de ne pas en saper les fondements par une réislamisation brutale de la société et des institutions. Ce n’est pas l’envie qui leur manquait, mais ils se sont montrés suffisamment réalistes pour remettre à plus tard ce projet ambitieux et funeste s’ils voulaient se maintenir au pouvoir.

Les islamistes des pays où s’est déroulé le « printemps arabe » héritent, eux, d’économies dévastées, de taux de chômage réel stratosphériques ou, pour la Libye, de la « malédiction de la rente ». Les pétrodollars ont en effet, dans les sociétés arabo-musulmanes, fâcheusement tendance à se concentrer dans quelques mains qui les réinvestissent dans les économies des pays développés. Les peuples de ces pays rentiers n’en voient jamais la couleur, comme en Algérie.

Faire croire que le « modèle turc » puisse constituer le salut immédiat des pays arabes libérés de la tyrannie est donc une escroquerie intellectuelle.
Ce n’est pas d’islamistes prétendument modérés dont ces pays ont besoin, mais d’équivalents modernes d’Atatürk, d’une laïcisation de la société et des institutions, indispensable au décollage de leurs économies.

Et cela d’autant plus que le modèle turc risque, dans les prochains mois, de connaître quelques turbulences. Notre turcolâtre national de la matinale de France-Inter a omis de signaler à ses auditeurs que ses amis de l’AKP sont de fieffés clientélistes. Ainsi, la dette du pays a doublé au cours des dix huit mois précédant les élections législatives de juin 2011, non pas du fait de la crise économique (la croissance turque est restée relativement stable), mais par une politique de crédits à très bas taux accordés aux consommateurs et aux petites entreprises de l’espace rural. Le déficit public atteint aujourd’hui un niveau grec avec 9,5% du PIB…
Comme la Turquie n’a pas de pétrole, c’est sur le marché international des capitaux que l’AKP finance la constitution de sa clientèle électorale. Une bulle de crédit est en train de se constituer, dont l’éclatement prochain n’est pas à exclure…

Cela n’est pas sans rapport avec le tournant diplomatique opéré récemment par Erdogan : faire vibrer la corde nationaliste est une recette éprouvée lorsque l’horizon économique et social s’assombrit. Jouer des muscles sur la scène internationale, en prenant Israël comme punching-ball, ne coûte rien et produit de belles images télévisées de triomphe personnel au Caire, à Tunis ou à Tripoli. Cela fait passer la pilule des restrictions des libertés publiques (arrestations arbitraires de journalistes ou d’officiers généraux accusés de complots imaginaires).

Il s’agit aussi d’entraîner dans la spirale de la surenchère nationaliste une opposition laïque représentée par le CHP (Parti républicain du peuple) qui avait entrepris un important travail de rénovation interne et qui avait montré sa force dans la « Turquie utile », celle qui travaille, produit et innove dans l’ouest du pays. Cela s’était traduit par une nette victoire du CHP dans ces régions lors des dernières élections.
Même s’il ne s’agit là que de pures gesticulations – l’installation dans l’est du pays d’éléments du bouclier antimissile américain en est la meilleure illustration – on peut craindre que ces islamistes « modernes » échouent à l’examen politique décisif : celui de laisser paisiblement se dérouler une alternance démocratique.

Mallette dans la civilisation

12
Robert Bourgi. Photo : Yahoo Actualités.

Je ne sais pas si la France est La République des mallettes mais depuis quelques jours, elle est la République des offusqués. Comme si les « révélations sans preuves » de Robert Bourgi et la publication de l’enquête de Pierre Péan nous avaient subitement fait découvrir, dans les coulisses de la politique, un monde d’ombres peuplé de drôles de conseillers et de valises de cash qui seraient plus à leur place dans un film de Scorcese que dans une réception officielle. Le paysage médiatique et l’échiquier politique sont en émoi : de l’argent sale ? Des éminences noires ? Le plus grand scandale que la République ait connu !
Assurément : depuis le dernier et jusqu’au prochain.

Dans cet élan de vertu aussi œcuménique qu’un potentat africain distribuant ses largesses de gauche et de droite, il faut, au risque de choquer, rappeler une évidence : il n’existe pas d’affaires humaines et certainement pas d’affaires politiques sans corruption. Peut-être y en a-t-il même dans les médias, enfin dans les autres médias. Il est sans doute moins onéreux d’acheter la complaisance d’un journaliste que la bienveillance d’un chef d’Etat. Reste que de l’argent pas très casher, il y en a dans tous les pays, dans tous les secteurs d’activité, à tous les niveaux. Montesquieu aurait pu écrire que le pouvoir modéré corrompt modérément. Et sauf à parier sur une amélioration spontanée de l’espèce humaine, ce sera sans doute le cas jusqu’à ce que nous décidions de placer aux manettes des robots ou un nouveau Robespierre – perspectives somme toute assez peu engageantes.
S’agissant de la contribution des amis africains de la France à notre vie politique, ceux qui poussent les hauts cris devant les caméras vous expliquent en privé et en rigolant que tout le monde savait. Et que tout le monde a eu sa part. Hommes d’affaires avisés, les Bongo et consorts savaient qu’en démocratie on ne sait jamais – raison pour laquelle ils n’étaient pas très preneurs pour eux-mêmes – et qu’il valait mieux ne pas insulter l’avenir. Cela explique qu’au-delà de quelques déclarations rituelles, personne n’ait très envie de soulever le couvercle d’une marmite où mijote un ragoût aussi peu ragoûtant.

Certes, comme le dit ma boulangère, parfois y’a de l’abus, en l’occurrence de l’abus d’abus. Il n’est pas très reluisant moralement que les campagnes électorales françaises soient (ou aient été) financées par de l’argent volé aux Africains – même si cet argent leur aurait été volé de toute façon. Il serait également fâcheux que la politique de la France soit (ou ait été) surdéterminée par la générosité de tel ou tel chef d’Etat. En clair, que des régimes soutenus par Paris aient manifesté leur reconnaissance en « arrosant » pouvoir et opposition n’est pas très glorieux mais c’est la vie. Si on les a soutenus, y compris militairement, dans le seul but de stimuler ou de récompenser leur générosité, c’est une autre affaire : cela signifierait que l’intérêt national a purement et simplement été affermé aux partis qui briguent nos suffrages. Et que des soldats français sont peut-être morts pour que Tartempion conserve sa circonscription ou Duchemoll sa mairie.

« Nous voulons savoir ! », clament les vertueux. Peut-être est-il préférable que nous ne sachions pas. N’oublions pas que la pureté est parfois aussi dangereuse que le vice. De toute façon, il paraît que tout ça, c’est fini. Avec les juges en embuscade, le risque de se faire pincer est trop grand. Et puis Bongo et les autres sont morts – et leurs successeurs, ces ingrats, déroulent le tapis rouge aux Chinois et aux Américains qui ont certainement des frais, eux aussi, qu’est-ce que vous croyez ?
En attendant, dans ce concours d’indignation, on a perdu de vue le véritable motif d’inquiétude qui est que l’arène politique ressemble à une école maternelle. Ces jours-ci, tous les chemins boueux parsemés de rétro-commissions et de coups tordus semblent en effet mener à l’affrontement entre balladuro-sarkozystes et chiraco-villepinistes, appellations qui montrent bien qu’on a affaire à des clans affiliés à un chef plutôt qu’à des courants politiques. « Qu’est-ce qui opposait si durement Armagnacs et Bourguignons, yéyés et rockers, jospinistes et fabiusiens ? », demande Basile de Koch[1. Histoire de France de Cro-Magnon à Jacques Chirac, La Table Ronde, 2005].

Oui, pourquoi tant de haine entre Longevernes et Velran[2. Les deux villages dont les enfants s’affrontent dans « La guerre des boutons »], balladuriens et chiraquiens ? La réponse est aussi simple que désolante : le pouvoir – et, selon les méchantes langues, le magot nécessaire pour y arriver ou le conserver – fut le seul et unique enjeu de cette guerre de quinze ans entre amis de trente ans. Chirac est à la retraite, Balladur n’en est pas loin et les moins de 20 ans n’ont sans doute aucune idée de ce que fut ce choc de titans. La haine est toujours là, dépourvue de toute motivation idéologique mais aussi solide qu’entre deux familles corses fâchées à mort pour un âne disparu.

Alors qu’ils prennent le pognon s’ils ont la sottise de croire que c’est comme ça qu’ils gagneront nos voix. Mais qu’ils cessent de transformer le débat public en cour de récré. Parce que les électeurs, dont la patience a des limites, pourraient les envoyer au piquet. Sans compter que dans les écoles d’aujourd’hui, une partie de billes peut finir dans le sang.

La République des mallettes

Price: 32,00 €

89 used & new available from 2,03 €

L’affranchi

16

Il a eu raison de ne pas nous dire « ce qui s’était réellement passé » dans la chambre su Sofitel, mais il aurait pu nous épargner cette mauvaise mise en scène, notre séducteur désormais rangé des voitures. Défendre son honneur, soit, mais dans ce décor de confessionnal pour reality show ?

Tout cela sentait la fabrique, la grosse ficelle de communicant : on imaginait les besogneux chargés de son image continuant à lui souffler, depuis la coulisse, son monologue millimétré. DSK, hier plus que jamais, a démontré qu’il n’était, lui aussi, qu’un produit politique pour temps de disette, muselé par des professionnels malhabiles et des affidés.

L’ensemble de la séquence TF1 fut un curieux mélange de sueur et de paillettes, un pauvre scénario cosigné par des créatifs d’Hollywood-sur-Seine. Quelle forme de sincérité résisterait à ce traitement ? Que penser d’une confession « en direct live », dont chaque « période » est balisée par un titre et une photographie, transmis par un écran judicieusement placé derrière la journaliste : « La justice américaine », « Nafissatou Diallo », « Les primaires socialistes », « L’avenir » ?

En vertu de quoi DSK n’avait guère d’autre choix que de jouer, ou surjouer les acteurs studieux : il a donc repris les mimiques et les « grimasques » de Robert De Niro dans Les Affranchis de Scorsese. On pourra penser ce qu’on veut de sa prestation, une chose est certaine : ses scénaristes méritent plutôt un Gérard[1. Les Gérard du cinéma et de la télévision : joyeux et cruel mélange de cérémonie dérisoire et de revue satirique annuelle, qui vient « récompenser » les plus mauvais films, auteurs et acteurs du cinéma français, c’est dire s’ils ont du boulot…] qu’un Oscar.

Rigueur à l’italienne

28
Photo : segnaleorario

On a souvent dit que l’étonnante indulgence des Italiens à l’égard des frasques de Silvio Berlusconi s’expliquait par ses bons résultats économiques. Si c’est le cas, il ne faut peut-être pas parier sur la longévité du gouvernement de droite, soutenu par trois forces politiques : le Popolo della Libertà, PDL, qui est la « propriété personnelle » du Président du conseil ; la Ligue du Nord, de plus en plus divisée entre les amis du fondateur, Umberto Bossi, et ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni ; et enfin les transfuges d’autres partis, séduits par bien des promesses et des cadeaux.

Au cours de l’été, le gouvernement Berlusconi a rencontré un obstacle de taille : les marchés financiers mondiaux, qui ont visiblement perdu leur confiance dans la solidité économique de la Péninsule, ont boudé les titres émis par le Trésor italien pour financer sa dette (BOT).[access capability= »lire_inedits »] Les Italiens sont traditionnellement des épargnants et ils ont l’habitude de racheter les BOT. Mais avec une dette publique qui dépasse désormais les 1900 milliards d’euros, soit 120 % du PIB, l’épargne des ménages ne suffit plus. Au milieu de l’été, les hésitations et la défiance de la finance internationale ont forcé l’Italie à augmenter les intérêts payés aux investisseurs sur les BOT et les autres titres émis par l’État, créant le risque d’une spirale de méfiance et de spéculation « à la grecque ». Certes, la Banque centrale européenne a calmé le jeu en rachetant des dizaines de milliards d’euros de titres italiens et espagnols. Mais la contrepartie de son intervention a été l’adoption en urgence, à la mi-août, d’un plan de rigueur draconien visant à réduire les déficits de 45,5 milliards d’euros sur deux ans (2012 et 2013) en conjuguant la contraction des dépenses de l’État et la hausse des impôts. Le gouvernement Berlusconi a engagé sur ce terrain sa crédibilité internationale – du moins ce qu’il en reste.

Plus question de « faire payer les riches »

Seulement, il a suffi de quelques semaines pour que ces bonnes résolutions apparaissent comme des promesses d’ivrogne. En effet, le plan annoncé alors que les attaques spéculatives étaient à leur paroxysme se réduit comme une peau de chagrin. La mesure la plus symbolique était l’instauration, pour deux ans, d’un impôt de solidarité sur les revenus des contribuables les plus riches − 5 % de 90 000 à 150 000 euros et 10 % au-delà. Mais ce choix était socialement trop juste pour ne pas scandaliser les amis de Silvio Berlusconi. Après quelques jours de calme relatif sur les marchés financiers, Berlusconi est revenu sur l’idée de s’en prendre aux riches, préférant parier sur une énième réforme des retraites. Le 29 août, le plan de rigueur a été complètement révisé et l’impôt de solidarité a disparu. Afin de limiter les polémiques, il a été maintenu pour les seuls membres du Parlement qui gagnent souvent beaucoup d’argent en exerçant une deuxième profession. Adopté pour trois ans, le nouveau plan restreint la possibilité de partir à la retraite pour les travailleurs âgés de moins de 65 ans en supprimant la possibilité de « racheter » les années d’université et même de service militaire. Il prévoit également la disparition des 110 « provinces » (départements), ainsi qu’une diminution du nombre de parlementaires, mais ces deux mesures sont assez hypothétiques dans la mesure où elles impliquent une révision constitutionnelle difficile à mettre en œuvre pour un gouvernement disposant d’une très faible majorité.

La première version de la rigueur berlusconienne était certainement discutable et difficilement supportable pour la population, mais au moins garantissait-elle une réduction rapide du déficit. La nouvelle version est une boîte à moitié vide dès lors que Berlusconi n’a pas les moyens politiques de mener à bien les révisions constitutionnelles nécessaires. Dans ces conditions, on peut s’attendre à de nouvelles attaques des marchés contre la dette italienne. Le gouvernement devra alors bricoler dans la confusion un troisième plan dont rien n’assure qu’il fera renaître la confiance des marchés échaudés par l’échec des deux premières moutures. Le premier responsable de ce fiasco annoncé, c’est évidemment Berlusconi qui n’a ni l’habileté personnelle ni la capacité politique d’inscrire l’austérité inévitable dans le cadre d’une authentique réforme fiscale qui permettrait non seulement de retrouver le chemin de l’équilibre budgétaire mais aussi de renouer avec la croissance – qui ne devrait pas dépasser 1 % en 2011. Autant dire que le « Cavaliere » est dans le pétrin, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. L’ennui, c’est que l’Italie l’est aussi. On me permettra de penser que c’est bien plus inquiétant. [/access]

L’Eglise intègre, l’Ecole excommunie

288
La grande bagarre de Don Camillo

Deux faits qui ne passionnent pas les foules, deux faits contradictoires, éclairent en ce mois de septembre de l’an de grâce 2011 le nouvel état de la raison.

À Rome, le 14 septembre, la Congrégation pour la doctrine de la foi, après entrevue avec Mgr Fellay, supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, publie un communiqué de presse d’où il ressort que les dénommés « intégristes » ont désormais la capacité de retrouver la communion avec l’Eglise universelle s’ils acceptent un Préambule doctrinal que leur soumet l’autorité romaine, laissant ouverts à la discussion théologique certains énoncés du Concile Vatican II.

En France, le 13, à Lunel, petit bourg de l’Hérault, Jean-Baptiste Santamaria, un professeur de philosophie dénoncé par les vigilants locaux, en l’occurrence le SNES et la FCPE, qui ont bénéficié du truchement complaisant du Midi Libre et de France 3, est mis à pied au motif de son passé d’extrême-droite. Quelles idées sinistres le pestiféré avait-il prévu de développer dans ses cours ? On ne le saura jamais puisque sitôt nommé, « après dix ans de placard » écrit-il au Défenseur des droits qu’il a saisi, il a été épuré. Il est plaisant de remarquer en passant que la dame patronnesse de la FCPE qui n’a fait que son devoir de délation citoyenne a elle-même figuré sur une liste électorale du Parti Socialiste.
L’affaire demeure obscure puisque nous ne disposons pour le moment que de l’appel des vigilants d’un côté et de la lettre que le professeur incriminé a envoyée à l’ancienne Haute Autorité de l’autre.

Si cependant il était établi que le nettoyage idéologique se soit déroulé ainsi, nous nous trouverions devant une situation propre à dérouter l’observateur commun du XXIème siècle : à Rome, la Rome inquisitoriale, dogmatique et intolérante des manuels d’histoire, on discute, on parle, on raisonne, on argumente avec douceur, componction et respect des opinions d’autrui, pour intégrer ; en France, sous la République des Lumières, la tolérante, l’éclairée, la relativiste des manuels d’instruction civique, on exclut, on condamne, on cloue au pilori, on disperse et on ventile. Sans aucune forme de procès. Pour écraser.

À Rome, on organise des conciles, on réunit des synodes, on crée des commissions théologiques internationales, enfin on reprend le vieux principe de la disputatio médiévale, on fait avec Saint Thomas comparaître la théologie au tribunal de la philosophie et de la raison pour établir son statut.
Ô République, où sont tes conciles, tes Etats-Généraux, tes loya jirga, ton Assemblée ? Certes, parfois le Parlement légifère sur des questions annexes, certes parfois on réunit le Congrès pour décider l’adoption d’un Traité que le peuple a réfuté la veille. Parfois des groupes de pression manipulent des directives ministérielles pour imposer une théorie aux manuels de Sciences de la Vie et de la Terre. Mais où sont l’argumentation, la contradiction et l’objection ?

L’antique République repose sur une Déclaration et une Constitution, ô combien de fois retouchée. Elle gouverne sous le vent, à la dérive. « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté » : l’inquiétant dicton de Saint-Just domine encore son esprit. Quant à savoir qui définit les modalités et l’essence de la liberté, c’est une autre paire de manches. Comme un vieux régime totalitaire tout pourri du XXème siècle, elle exclut, elle épure, elle fait de la moitié de son peuple un dissident. Elle a oublié la raison et la mesure. « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ».

Cette République n’a rien pour durer.

Chatel-Chevènement : un vrai dialogue qui devrait faire école

7

Le Monde qu’on leur prépare est un livre d’entretiens croisés sur le thème de l’école entre Luc Chatel et Jean-Pierre Chevènement. On a surtout dit qu’il s’agissait d’un échange entre un homme de droite, actuel ministre de l’Education nationale, et un autre, de gauche, l’ayant été il y a 25 ans.

Dès lors, on pouvait craindre la caricature : le « quadra » sarkozyste, ambitieux et moderniste faisant fi des principes, contre le tenant d’une gauche dépensière rebattant à l’envi la problématique des moyens. Il n’en est rien. D’une part parce que ces entretiens opposent avant tout un libéral et un « souverainiste ». D’autre part, parce que les notions de « droite » et de « gauche » sont devenues incertaines. Chevènement le déplore d’ailleurs: « à côté de la gauche républicaine et laïque traditionnelle, une gauche victimaire, compassionnelle (…) est apparue et a même pris le dessus ».

Sur les valeurs, les deux hommes divergent peu. L’école repose sur celles de la connaissance, de l’effort, de la reconnaissance de l’autorité des maîtres. L’opposition entre Chatel et Chevènement se lit surtout dans la méthode que chacun envisage pour tendre vers ces idéaux.

A son aîné rêvant d’un Etat-instructeur, et rappelant qu’on ne peut « piloter l’Education nationale comme une entreprise parce qu’elle est d’abord une institution », Chatel répond en termes de « management », de « contrats d’objectifs », et de « projets d’établissements ». Très attaché à la notion d’autonomie, le ministre plaide pour celle des établissements, mais également pour la liberté des parents. A ces derniers, on doit offrir un panel de choix afin de répondre « à cette nouvelle demande (…) d’individualisation, de capacité à personnaliser l’enseignement ». Quitte à favoriser un rapport parfaitement consumériste à l’institution scolaire, et à abandonner toute idée de lutte contre les déterminismes sociaux, tant il est vrai que seuls les plus favorisés choisissent.

Ainsi, le clivage Chevènement/Chatel recoupe peu ou prou celui opéré par Jean-Pierre Obin. L’un des duettistes prône « une école publique davantage tournée vers l’édification d’une Nation », l’autre se fait le héraut d’une institution « destinée à répondre aux ambitions des individus et des familles ».

Aux passionnés de l’école, Le monde qu’on leur prépare n’apportera pas forcément l’information précise et nouvelle qu’ils pourraient souhaiter. D’autant qu’il n’échappe pas à la loi du genre : comme souvent dans les livres d’entretiens, chaque débateur semble retenir ses coups, et l’on demeure parfois en lisière du conflit.

Pourtant, ce texte est bel et bien un livre politique, qui confronte en toute honnêteté deux visions antagonistes du monde. S’y mesurent deux façons d’articuler l’individuel et le collectif, de concilier les intérêts particuliers et l’intérêt général, et de faire cohabiter « égalité » et « liberté ».

DSK, l’homme qui n’aimait plus les femmes

39
capture d'écran RF1

« J’aime les femmes et alors ? », disait-il, rigolard, il y a quelques mois, aux journalistes qui l’interrogeaient sur sa vie érotique notoirement abondante. La seule révélation que DSK a faite sur le plateau de TF1, c’est que tout ça c’est fini. Désormais, il n’y en aura plus qu’une. La sienne. Certes, l’ancien patron du FMI y est allé à mots couverts. Une « faute morale », on comprend que ce n’est pas bien mais c’est assez vague. Il aurait pu se fendre d’une autocritique plus glamour tout de même. J’aurais trouvé pour ma part plutôt incongru qu’il s’exprime comme un « vraigens » venu raconter chez Delarue son addiction au sexe ou sa passion pour les ours en peluche. On entend déjà les féministes vindicatives et les journalistes sans faiblesses (sans compter Marco Cohen qui ne peut être soupçonné d’être sans faiblesses, heureusement) proclamer en boucle que DSK n’a rien dit et surtout qu’il n’a pas raconté ce qui s’était passé dans la suite 2806 (ou 2608 ?) du Sofitel. Et c’est vrai. Mais qu’espérait-on ? Des détails croustillants ? Une reconstitution ? Un récit égrillard ? DSK a simplement affirmé qu’il n’y avait eu ni violence, ni paiement. On a le droit de ne pas le croire. Reste que le procureur n’a pas trouvé de preuves de l’une ou de l’autre.

C’est donc en termes galants que ces choses-là furent dites : « J’ai perdu cette légèreté », répond-il lorsque Claire Chazal l’interroge sur ses relations avec les femmes. Ce que j’entends pour ma part, c’est que ces quatre mois de pénitence ont éteint chez lui ce désir si insatiable et incontrôlable qu’il y voyait lui-même l’une de ses principales faiblesses. De fait, on ne voit plus dans son regard cette lueur qui brille dans les yeux de certains hommes, y compris les mieux intentionnés, quand ils se trouvent face à une femme séduisante en laquelle ils voient toutes celles qui lui restent à conquérir. Pour toutes les femmes qui auraient pu subir de sa part une « attitude inappropriée », selon la chatoyante formule de ses avocats, et pour la morale publique, c’est certainement une bonne nouvelle. On m’accordera qu’un monde peuplé d’êtres tempérants et raisonnables qui ne se prennent jamais les pieds dans le moindre tapis serait terriblement ennuyeux. D’accord, ce n’est pas la question.

On imagine sans peine les ricanements qui salueront la prestation de Claire Chazal, disqualifiée par avance par tous ceux à qui on ne la fait pas en raison de son amitié avec Anne Sinclair. Il est vrai qu’elle semblait marcher sur des œufs, questionnant à mots à peine moins couverts que ceux de son interlocuteur. Certes, elle aurait pu et sans doute dû se montrer plus percutante sur les relations de « l’ancien DSK » avec les femmes, évoquer les textos reçus par les unes, les invitations faites aux autres, l’insistance qui avait pu confiner au harcèlement. Peut-être les ricaneurs seraient-ils capables d’interroger le plus naturellement du monde et en termes crus un homme public sur ses (mauvais) penchants les plus privés. Il me semble à moi rassurant que l’on puisse ressentir de la gêne dans une situation aussi gênante. Il serait encore plus gênant que l’on parle de ces affaires sans le moindre embarras.

« Prestation lamentable », décrète l’ami Luc Rosenzweig. Bon. Peut-être mon jugement est-il égaré par la midinette qui sommeille en moi. Peut-être que tout était bidon : le repentir, la souffrance, la lassitude, le regard éteint. Peut-être que nous avons assisté à un super plan com préparé au millimètre par la troupe des communicants d’Euro RSCG et qu’ils sont tous en train de célébrer ce retour dans l’arène médiatique dans une boite à partouze où champagne et filles coulent à flots. Mais je l’avoue, j’ai marché. Pas complètement mais marché tout de même.

Il est vrai qu’on aurait pu se passer de l’analyse de DSK sur la crise de l’euro. D’accord, la vie et le spectacle continuent mais peut-être un petit délai de décence eut-il été le bienvenu. S’il n’est plus le même homme, autant ne pas jouer à « tout redevient comme avant ». Et puis, il aurait pu nous épargner ses allusions à un « piège » ou un « complot » sur lesquels on verra ce qu’on verra – c’est-à-dire sans doute rien.

De toute façon, tout cela n’a aucun intérêt puisque les Français, parait-il, en ont ras-le-bol de ce feuilleton et qu’ils veulent qu’on leur parle des vrais problèmes. Si on apprend demain que le JT de TF1 a battu des records d’audience, c’est sans doute que les téléspectateurs auront été mal informés et qu’ils espéraient voir sur TF1 Jean-Claude Trichet ou Herman Von Rompuy. Sinon, ils seraient restés sur Arte, leur chaîne préférée.

Pour le reste, bien sûr qu’on ne connaît pas la vérité et qu’on ne la connaîtra jamais. Il paraît que nous y avons droit. J’aimerais bien savoir en vertu de quelle loi sacrée nos contemporains, fussent-ils des responsables politiques, nous devraient la vérité sur eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, elle ne surgira pas sur un plateau de télé. Si DSK veut vraiment comprendre et faire comprendre cette ténébreuse affaire, alors qu’il change de vie et devienne romancier puisque la littérature est le seul lieu qui permette, comme le disait Aragon, de mentir vrai.